Après une condamnation historique jeudi 30 mai 2024, l’ancien président américain Donald Trump reste candidat à un deuxième mandat. Les élections du 5 novembre prochain seront à ses yeux « le véritable verdict ». Selon la constitution américaine, avoir un casier judiciaire vierge n’est pas une condition pour être président.
Premier ancien président américain à être condamné au pénal depuis jeudi 30 mai 2024, Donald Trump n’a pas caché son indignation et sa motivation à reprendre la Maison-Blanche après la décision des 12 jurés new-yorkais. « Je viens juste d’être condamné dans un procès politique truqué s’apparentant à une chasse aux sorcières : je n’ai rien fait de mal », a clamé l’ancien homme d’affaires dans une publication sur le réseau social X.
« Le véritable verdict sera la décision du peuple le 5 novembre », a-t-il également déclaré devant la salle d’audience, date du scrutin présidentiel.
La peine de Donald Trump ne sera pas connue avant le 11 juillet prochain, soit quatre jours avant la convention républicaine qui l’investira officiellement comme candidat à la Maison-Blanche. Mais on peut d’ores et déjà affirmer que sa condamnation cela n’affecterait pas sa candidature, outre des questions financières.
Cependant, cette affaire judiciaire n’est pas la seule à laquelle le candidat républicain est confronté, et les réponses de la constitution américaine ne sont évidentes que pour certaines questions, rapporte le New York Times . On fait le point sur l’impact de cette condamnation pour la campagne du républicain.
Après avoir été reconnu coupable, Donald Trump reste-t-il éligible ?
La réponse oui. Les critères de la constitution américaine pour prétendre à la Maison Blanche sont clairs et peu contraignants : il suffit d’avoir au moins 35 ans, d’être né américain (sans besoin de naturalisation) et d’avoir vécu au minimum quatorze années aux États-Unis. Si certains États peuvent interdire à des personnes condamnées de se présenter aux élections locales, il n’existe aucune limitation de ce stade au niveau fédéral.
Mais Donald Trump n’est pas sorti d’affaire pour autant. Son rôle dans les événements du 6 janvier 2021, en particulier, pose question.
Selon l’article 3 du 14e amendement de la constitution, toutes personnes s’étant « engagée dans une insurrection ou une rébellion » après avoir prêté serment ne pourraient se présenter. En mars 2024, la Cour suprême, a dominance conservatrice, a statué à l’unanimité que les États ne pouvaient pas empêcher Donald Trump à se présenter.
Ainsi, seul le Congrès a le pouvoir d’appliquer l’article 3 contre des candidats à des fonctions fédérales. La Chambre des représentants étant à la main du parti républicain, une telle décision semble improbable.
Il n’existe pour l’heure pas de date de procès pour les trois autres affaires mettant en cause Donald Trump : le 6 janvier 2021 et les « ingérences électorales » au niveau fédéral, la conservation de documents classifiés, et les « ingérences électorales » dans l’État de Géorgie.
Selon Anthony Michael Kreis, professeur de droit à la Georgia State University, une des accusations de « complot visant à violer les droits civiques » dans les efforts de l’ancien président pour annuler les élections de 2020 était autrefois passible d’une pénalité de disqualification, avant d’être supprimée par le Congrès.
Pourrait-il encore voter ?
En fonction de la peine qui lui sera attribuée le 11 juillet prochain au plus tôt, la réponse variera. Étant inscrit sur les listes électorales en Floride, État dans lequel se trouve son domicile de Mar-a-Lago, il se pourrait qu’il ne puisse pas voter. Les personnes reconnues coupables de crimes y sont privées du droit de vote, avant de retrouver ce droit après avoir purgé la totalité de leur peine, et payé toutes les amendes et frais.
L’État de New York permet, lui, aux criminels de voter pendant leur libération conditionnelle ou probation.
Comme la condamnation a eu lieu dans cet État, la Floride pourrait appliquer les normes de New York selon une disposition de la loi floridienne. Cependant, en cas d’emprisonnement (ce qui reste peu probable), il resterait privé de son droit de vote pendant toute la durée de sa peine.
Donald Trump se trouverait alors dans une situation doublement étrange. Il serait déclaré apte à se présenter, mais inapte à voter. De plus, il pourrait demander la grâce au gouverneur de Floride, Ron DeSantis, qui s’est présenté contre lui lors des primaires du parti républicain.
Qu’adviendrait-il des dossiers encore en cours en cas d’élection ?
Donald Trump ne serait pas le premier candidat aux élections présidentielles à faire campagne depuis la prison. En 1920, le socialiste Eugene Debs s’est présenté à la présidence alors qu’il était en prison pour avoir prononcé un discours contre l’engagement américain dans la Première Guerre mondiale. Il obtint près d’un million de votes, dans des élections remportées par le républicain Warren G. Harding.
Il n’existe pas de précédent pour des affaires judiciaires contre un président en exercice.
Depuis 1973 et l’ère Nixon, une politique fait que le ministère de la Justice n’inculpe pas les présidents en exercice. Rien n’est néanmoins précisé sur un nouveau président qui aurait déjà été inculpé. Mais comme une poursuite « nuirait à la capacité d’un président à exercer ses fonctions », cette politique s’appliquerait bien à cette théorie.
Erwin Chemerinsky, expert en droit constitutionnel à l’Université de Californie à Berkeley, estime dans les colonnes du New York Times que « si les poursuites contre Trump étaient toujours en cours d’une manière ou d’une autre et que Trump était élu, le ministère de la Justice – qui serait le ministère de la Justice de Trump – dirait : “Nous suivons le mémo de 1973.” »
Comme deux des quatre affaires contre Trump sont des cas fédéraux, il est probable qu’un procureur général nommé par Trump retirerait les accusations.
Il n’y a aucun précédent concernant une procédure pénale d’État (comme celle de l’État de Géorgie), qui serait hors de portée d’un ministère de la Justice d’une éventuelle administration Trump.
Dans le cas de Donald Trump, beaucoup d’aspects restent sans précédents. S’il aura le droit de se présenter aux élections de novembre prochain, nul ne peut dire avec certitude ce que la Cour suprême statuerait en cas d’élection.
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