Athènes– Entamer sa journée en consultant les annonces de locations d’appartement sur internet est devenu une corvée pour Kyriaki et Dionyssis, un couple de jeunes Grecs d’une banlieue d’Athènes.
Ces trentenaires cherchent depuis un an à louer un appartement en périphérie de la capitale grecque où, comme dans d’autres grandes villes européennes, les prix de l’immobilier grimpent en flèche.
En Grèce, la flambée des loyers en raison de la croissance du tourisme et de l’arrivée d’investisseurs immobiliers étrangers est l’un des enjeux des élections européennes avec la faiblesse des revenus.
« Pour 80 m2 à Koropi (une banlieue populaire d’Athènes), les loyers sont à plus de 500 euros, une hausse considérable pour notre budget serré », s’indigne Kyriaki Tsouti, au chômage.
Le salaire de son compagnon n’est que de 750 euros net par mois et 60% de celui-ci est consacré au logement et aux charges de l’appartement.
Le couple, qui projette d’avoir un enfant, souhaite déménager de son logement actuel en raison « de sérieux problèmes d’humidité », explique Dionyssis Giakoumelos, 32 ans.
« On a visité des dizaines d’appartements (…) mais sans résultat jusqu’ici », déplore cet employé d’entreprise, également chercheur dans le secteur immobilier.
Bas de l’échelle
Les Grecs ont consacré en moyenne 34,2% de leur revenu pour se loger en 2022 contre une moyenne de 19,9% dans l’UE, le plus haut pourcentage en matière de coût de logement dans le club des 27, selon un rapport de la Banque de Grèce publié en novembre.
Et malgré la revalorisation récente du salaire minimum, à 830 euros brut par mois, la Grèce reste également au bas de l’échelle des 27 pays membres, à la 21ème place, selon Eurostat.
« Avec mille euros par mois et un loyer de 550 euros hors charges, qu’est-ce qu’il reste pour vivre ? », s’interroge ainsi Nikoletta Diga, une fonctionnaire de 36 ans, qui a récemment participé à une manifestation de centaines de personnes à Athènes réclamant « le droit à un loyer abordable ».
« Bon gré mal gré, j’ai été contrainte de trouver un colocataire pour m’en sortir », poursuit-elle.
Les salaires ont chuté de 32% entre 2009 et 2022 en raison des coupes drastiques durant la crise financière (2009-2018), selon l’Organisation de coopération et de développement (OCDE), et restent les plus bas parmi les économies développées.
Actuellement le pouvoir d’achat des Grecs est à 67% de la moyenne européenne (26ème place devant la Bulgarie), selon Eurostat.
La politique gouvernementale de promotion du tourisme après la pandémie du Covid-19 a joué « un rôle de catalyseur », assure Thomas Maloutas, professeur de géographie sociale à l’Université de Harokopio.
« Surévalué »
La hausse du nombre de touristes a tiré les prix vers le haut au profit des locations de courte durée, comme dans d’autres villes européennes prisées.
« Le marché est surévalué. Le surtourisme et +le visa doré+ ont attiré les investisseurs étrangers et stimulé la demande alors que les revenus des Grecs stagnent », souligne Thomas Maloutas.
Dans certains quartiers d’Athènes, des immeubles entiers ont été achetés par des investisseurs chinois, turcs, russes ou originaires du Moyen-Orient grâce au « visa doré ».
Introduit durant la crise pour donner un coup de fouet à l’économie, cette mesure permet à des ressortissants étrangers investissant dans l’immobilier d’obtenir un permis de séjour.
« Les propriétaires préfèrent louer ou vendre cher leur appartement dans Athènes et s’installent en périphérie », observe Dionysis Giakoumelos qui milite pour la suppression du « visa doré » comme au Portugal.
Face à la grogne qui gagne du terrain, le gouvernement a durci les règles du « visa doré », dont l’investissement exigé pour l’obtenir est passé de 250.000 à 800.000 euros.
Il a également imposé des limites aux locations de courte durée.
Mais la gentrification à marche forcée des quartiers près du centre d’Athènes où une nouvelle ligne de métro est en construction a entraîné l’expulsion des petits propriétaires ou des migrants locataires de vieux appartements, selon des experts immobilier.
« La crise touche étudiants, jeunes professionnels, personnes âgées et réfugiés », estime Thomas Maloutas.
Georgia Stratigakou, 73 ans, propriétaire d’un appartement de 80 m2 à Athènes, acquis grâce à un prêt immobilier dans les années 80 dit « avoir peur maintenant de le perdre ».
« Avec nos retraite maigres, c’est difficile de payer impôts et factures » qui ne cessent d’augmenter, déplore-t-elle.
AFP