Il y a une dizaine d’années en Syrie, le 21 août 2013, une attaque chimique au gaz sarin a été perpétrée dans la région de la Ghouta, au nord-est de Damas, décimant 1 400 personnes. Ce crime, attribué au régime de Bachar al-Assad, demeure à ce jour impuni. Mais des Syriens réfugiés en Europe se battent pour obtenir justice, malgré les difficultés. Un documentaire exclusif d’une durée de 27 minutes, réalisé par Dana Alboz. Attention, certaines images peuvent choquer.
Le 21 août 2013, la région de la Ghouta orientale, au nord-est de la capitale Damas, a été visée par des missiles contenant du sarin, un gaz neurotoxique mortel.
Les ONG et les équipes médicales sur place estiment que cette attaque a fait environ 1 400 morts, dont plus de la moitié sont des femmes et des enfants. Selon les humanitaires, la frappe du 21 août 2013 sur la Ghouta est loin d’être isolée : au total, 222 attaques chimiques auraient été perpétrées en Syrie ces dernières années.
Au Conseil de sécurité des Nations unies, toute condamnation du régime de Damas s’est heurtée à un double veto russo-chinois. La Russie, fidèle alliée de la Syrie, a exercé son droit de veto à six reprises pour empêcher toute condamnation liée à l’utilisation d’armes chimiques.
Traque des responsables
Face à ce blocage au niveau international, les réfugiés syriens se sont tournés vers les tribunaux nationaux, dans les pays européens où ils ont trouvé refuge, comme en France. Activistes, juristes et témoins se sont lancés dans la traque des responsables, dont certains résident sur le sol français. Les obstacles sont nombreux : les rares témoins exilés craignent des représailles pour leur famille restée sur place, tandis qu’aucun accès à la Syrie de Bachar al-Assad n’est envisageable, rendant impossibles enquêtes et instructions sur le terrain.
Aweiss Aldobouch, enquêteur et avocat syrien, cherche ainsi à retrouver des témoins de l’attaque de la Ghouta et à identifier les criminels syriens résidant en Europe.
Mais de nombreux défis se dressent lors de ces enquêtes, notamment la peur que ressentent les témoins syriens. Même s’ils vivent à l’étranger, ils craignent que le régime ne se venge sur leurs familles, restées en Syrie.
C’est le cas de Salwa, secouriste syrienne qui a accepté de témoigner devant notre caméra sous couvert d’anonymat.
Elle est restée dans la Ghouta orientale jusqu’en 2018, malgré les nombreux bombardements visant la région. Elle et son père faisaient partie du personnel paramédical lors de la terrible attaque chimique du 21 août 2013. Malgré le fait qu’elle ait quitté la Syrie et obtenu le statut de réfugiée en France depuis près de trois ans, Salwa craint encore pour la sécurité de ses parents, restés en Syrie. Ils pourraient être une cible facile.
Mandat d’arrêt contre Assad
Le souvenir sombre de cette journée d’août 2013 hante aussi Lubna Al Kanawati, réfugiée syrienne et co-directrice de l’ONG « Women now for developement ». Elle a témoigné au tribunal judicaire de Paris dans le cadre de la plainte déposée en 2021 par le Centre syrien pour les médias et d’autres ONG. L’une des victimes dans l’attaque chimique de 2013 étant de nationalité française, le Parquet national antiterroriste (Pnat), créé en 2019 à Paris, est rendu compétent dans cette affaire.
L’enquête menée par les autorités françaises a permis de révéler le fonctionnement de la chaîne de commandement militaire.
Dans une décision inédite, les juges d’instruction ont alors émis un mandat d’arrêt contre le président syrien Bachar al-Assad et trois autres hauts dirigeants. L’accusation qui pèse contre le gouvernement syrien est grave : « crimes contre l’humanité et crimes de guerre ». Mais le procès du président syrien, toujours en exercice, est bien loin de se concrétiser. Au grand dam des victimes et de leurs proches.
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