Longtemps considéré comme politiquement fini, l’ancien président de l’Afrique du Sud a réussi son pari en captant la lumière, lors des élections du 29 mai. Un pouvoir de nuisance plus qu’une perspective de retour aux affaires ?
Nombre de thuriféraires de feu Nelson Mandela ont reproché à ses successeurs d’avoir dilapidé son héritage et vouent une rancune particulièrement tenace au plus fantasque des chefs d’État sud-africains : Jacob Zuma. C’est pourtant le « président en Teflon » qui, à 82 ans, remporte une éclatante victoire, à l’issue du scrutin du 29 mai.
Si son succès est relatif (14,5% des suffrages) et ne lui permet pas de gouverner, il n’en confère pas moins à Zuma un réel pouvoir de nuisance. Adversaire irréductible de Cyril Ramaphosa, l’ancien président peut se targuer d’avoir joué un rôle majeur dans la chute du Congrès national africain (ANC), contraint, pour la première fois de son histoire, de quémander pour trouver des partenaires de gouvernement.
Zuma a deux bonnes raisons de bomber le torse.
Primo, si son parti, uMkhonto we Sizwe (« la lance de la nation »), porte le nom de la branche militaire de l’ANC, active de 1961 à 1991, celui-ci n’a signé son manifeste que le 18 mai dernier et doit l’essentiel de sa notoriété à l’aura de son leader.
Secundo, Zuma revient de loin. Les humoristes prédisaient qu’à rebours de Mandela, qui avait été catapulté de la prison à la présidence, le tombeur de Thabo Mbeki ferait le chemin inverse…
Longue, spectaculaire et médiatisée aura été la déchéance de celui qui dirigea la nation arc-en-ciel de 2009 à 2018.
Poussé par l’ANC à démissionner de la présidence du pays en raison de soupçons de corruption généralisée, Jacob Zuma aura aussi été le premier chef de cette formation politique à être suspendu – suprême humiliation, à l’unanimité des cadres décisionnaires.
Quel avenir pour Zuma ?
Compte tenu de la faiblesse des chances de l’octogénaire de rebondir au sein de l’ANC, la sanction qui l’avait frappée était apparue comme un encouragement, pour lui, à s’engager dans le chemin d’une dissidence, celle-ci, aujourd’hui, se révèle électoralement gagnante. Rancune bue, pari gagné.
Si la démocratie fait souvent d’un minoritaire inclassable un faiseur de roi, il est peu probable que Ramaphosa –dont le poste ne semble pas encore formellement menacé – s’abaisse à tendre la main à Zuma, qui a déjà dit qu’il refuserait de la saisir. L’actuel chef de l’État a beau être impopulaire, il peut arguer que, même sans majorité absolue, son parti reste le mieux représenté au sein du Parlement, qui élira le prochain président au courant du mois de juin.
Pour ce qui est de la stratégie de gouvernance, le comité exécutif national de l’ANC étudiera tous les scénarios.
Il n’exclura peut-être pas la constitution d’un gouvernement minoritaire en quête de majorités ponctuelles, projet de loi par projet de loi. Quel nouveau happening Jacob Zuma pourra-t-il alors élaborer ?
jeune afrique