Plus de 180 millions d’enfants de moins de cinq ans souffrent d’une « pauvreté alimentaire sévère », selon un rapport de l’Unicef publié mercredi. Ce phénomène se concentre dans 20 pays, avec des situations particulièrement préoccupantes en Somalie, en Guinée, en Guinée-Bissau ou encore en Afghanistan.
Plus d’un enfant de moins de 5 ans sur quatre dans le monde vit dans une « pauvreté alimentaire sévère », soit plus de 180 millions d’enfants qui risquent des séquelles graves faute d’une alimentation nutritive et diversifiée, alerte le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) dans un rapport publié mercredi 5 juin.
Un nombre « choquant » d’enfants « survivent avec un régime alimentaire très pauvre, consommant des produits issus de deux groupes alimentaires, ou moins », explique à l’AFP Harriet Torlesse, une des auteurs du rapport.
Selon les recommandations de l’Unicef, les enfants en bas âge devraient consommer tous les jours des aliments d’au moins cinq groupes parmi huit (lait maternel, céréales, fruits et légumes riches en vitamine A, viandes ou poissons, œufs, produits laitiers, légumineuses, autres fruits et légumes).
Mais 440 millions d’enfants de moins de 5 ans (soit 66 %) vivant dans une centaine de pays à revenus faibles et moyens passés en revue n’ont pas accès à ces cinq groupes chaque jour. Ils se trouvent donc en situation de « pauvreté alimentaire ».
Et parmi eux, quelque 181 millions (soit 27 %) consomment au mieux des aliments de deux groupes.
Ces « enfants qui consomment seulement deux groupes alimentaires par jour, par exemple du riz et un peu de lait, ont 50 % plus de probabilité de subir des formes graves de malnutrition », alerte la patronne de l’Unicef, Catherine Russell, dans un communiqué. Des formes graves qui peuvent aller jusqu’à l’émaciation, un amaigrissement extrême pouvant conduire à la mort.
Et si ces enfants survivent et grandissent, « ils ne s’épanouissent pas.
Ils réussissent moins bien à l’école, et à l’âge adulte, ils ont plus de mal à gagner leur vie, cela entretient un cycle de pauvreté de génération en génération », explique Harriet Torlesse. « Le cerveau, le cœur, le système immunitaire, importants pour le développement, pour la protection contre les maladies, dépendent des vitamines, des minéraux, des protéines », insiste cette experte en nutrition.
Millions of children are not getting enough nutritious food amid conflict & other crises, a @UNICEF report reveals.
'There's no reason why children should grow up in child food poverty,’ says Nutrition Specialist Harriet Torlesse, one of the authors.https://t.co/gYkntzlYP5
— UN News (@UN_News_Centre) June 6, 2024
Une situation alarmante à Gaza
Cette pauvreté alimentaire sévère est concentrée dans 20 pays, avec des situations particulièrement préoccupantes en Somalie (63 % des enfants de moins de 5 ans touchés), en Guinée (54 %), en Guinée-Bissau (53 %) ou en Afghanistan (49 %).
Et si les données n’existent pas pour les pays riches, des enfants de foyers pauvres ne sont certainement pas épargnés non plus par ces carences alimentaires.
Le rapport fait une place particulière à la situation à Gaza où l’offensive israélienne provoquée par l’attaque sans précédent du Hamas du 7 octobre a mené « les systèmes alimentaires et de santé à l’effondrement ».
Se basant sur cinq séries de récoltes de données faites par SMS entre décembre et avril auprès de familles bénéficiaires d’un programme d’aide financière dans la bande de Gaza, l’Unicef estime que 9 enfants sur 10 y vivent dans une pauvreté alimentaire sévère. Des données pas nécessairement représentatives qui illustrent toutefois la détérioration catastrophique de la situation depuis 2020, où seulement 13 % des enfants vivaient dans cette situation, selon l’agence onusienne.
Au niveau mondial, constatant seulement un « lent progrès » depuis dix ans dans la lutte contre la pauvreté alimentaire, le rapport appelle à la mise en place de mécanismes de protection sociale et d’aide humanitaire pour les plus vulnérables.
Il réclame également une transformation du système agro-alimentaire, mettant en cause les boissons très sucrées et plats industriels ultra-transformés, « commercialisés de façon agressive auprès des familles et qui deviennent la norme pour nourrir les enfants ».
Ces produits sont souvent « pas chers, mais aussi très élevés en calories, très salés, gras.
Ils suppriment la faim mais n’apportent pas les vitamines et minéraux dont les enfants ont besoin », souligne Harriet Torlesse. Et les enfants y prennent goût très tôt, potentiellement pour toute leur vie, favorisant l’obésité.
AFP