Quand l’hôpital public investit une clinique privée dans l’Aube… Une solution contre les déserts médicaux

Frédéric Connat, administrateur du nouveau groupement de coopération sanitaire Clinique Pays de Seine, et Christophe ROCHAS, futur directeur du site, ont présenté le modèle original public/privé autour de la reprise du site.

Dès le 1er juillet, la clinique Pays de Seine de Romilly-sur-Seine sera reprise par un groupement de coopération sanitaire dont les deux actionnaires majoritaires sont le centre hospitalier de Troyes et la Mutualité française Champagne-Ardenne. Un partenariat public/privé qui se révèle déjà efficace contre les déserts médicaux.

Le changement de propriétaire va se faire très vite : « La décision du tribunal a été prise le 28 mai », rappelle Frédéric Connat, administrateur du nouveau groupement de coopération sanitaire Clinique Pays de Seine. Il faut dire que l’ancienne entité (sous le joug du groupe « Avec ») qui gérait l’établissement médical de Romilly-sur-Seine a été placée en liquidation judiciaire un mois plus tôt, avec poursuite d’activité jusqu’au 30 juin.

Pas question de laisser tomber les patients et les salariés, dont une grande majorité (une cinquantaine) sera reprise par la nouvelle direction. Il s’agissait du seul candidat, « ce qui démontre que l’historique du privé lucratif qu’on a pu connaître ici ne voyait pas un projet pérenne, alors que nous avons l’ambition de préserver la permanence des soins sur le territoire, et même la développer à partir de professionnels de Troyes et en attirant d’autres praticiens », précise le représentant des repreneurs.

Fini les dépassements d’honoraires pour les patients
Ce nouveau groupement de coopération sanitaire est dominé par le centre hospitalier de Troyes (52,5 % des parts) et la Mutualité Française Champagne-Ardenne – Services de Soins et d’Accompagnement Mutualistes (35 %), un duo public-privé auquel il faut ajouter les hôpitaux publics de Romilly et Nogent-sur-Seine, Sézanne, Bar-sur-Aube, sans oublier l’hôpital privé de l’Aube, l’ex-clinique de Champagne à Troyes, d’où est partie l’offre de reprise et qui est majoritairement détenu par l’hôpital troyen.

Le public qui investit dans le privé, un choix qui surprend mais qui a tout son sens dans un département rural où trouver un médecin est souvent un casse-tête, parfois même impossible pour certaines spécialités.

« L’un des enjeux forts de ce projet, que ce soit à Troyes ou Romilly, c’est de pouvoir répondre aux attentes des Aubois qui, par défaut d’accès, vont vers d’autres hôpitaux en dehors du département, avec les contraintes du déplacement et parfois de l’hospitalisation de la famille », un chiffre estimé à 30 % des Aubois selon Frédéric Connat, par ailleurs directeur général de la Mutualité Française Champagne-Ardenne.

Première conséquence de cette reprise, la Clinique Pays de Seine devient un établissement privé à but non lucratif, mais à tarification publique.

Tout un symbole pour le site directement accolé à l’hôpital de Romilly-sur-Seine. « Ça permet de renforcer le chiffre d’affaires de l’établissement et de ne plus facturer de dépassements d’honoraires, qui seront pris en charge durant l’hospitalisation des patients », lance Frédéric Connat.

Mais pourquoi, dans ce cas, n’avoir pas privilégié directement un rachat du site par l’hôpital ?

« C’est la clinique qui est chargée du bloc opératoire. Peu de chirurgiens auraient accepté de travailler aux tarifs hospitaliers. Réarmer complètement un bloc aurait été beaucoup plus compliqué », précise-t-il.

En parallèle, les pertes de dépassement d’honoraires seront compensées par l’établissement pour attirer des professionnels dans d’autres spécialités, ce qui est plus facile avec le statut de praticien libéral.

« Aujourd’hui, nous avons de la chirurgie ophtalmologique, stomatologique (bouche), viscérale et digestive, gastro-entérologique, urologique ou encore esthétique, des activités assurées par une quinzaine de médecins et chirurgiens libéraux avec trois anesthésistes », indique Christophe Rochas, futur directeur du site. « L’idée est de maintenir ces activités en actualisant le contrat des praticiens. »

Une complémentarité avec l’établissement voisin
Pour la suite, la clinique Pays de Seine ne manque pas d’ambitions. « L’idée est de réarmer le bloc, mais aussi de développer de nouvelles activités avec, dès le mois de juillet, un recrutement de tout un environnement autour des chirurgiens », affirme Christophe Rochas.

Douze soignants supplémentaires sont attendus, en parallèle d’un plan de 2 millions d’euros d’investissements pour rénover les équipements.

Priorité aux outils numériques, mais aussi aux blocs opératoires, dont l’obsolescence frise l’indécence. « Seulement deux salles sur les cinq fonctionnent », ajoute Frédéric Connat. Séparée par une porte battante de l’hôpital de Romilly, la clinique mise sur sa complémentarité avec les urgences voisines, le scanner ou encore l’IRM.

Autre bonne nouvelle pour les repreneurs : peu de départs ont été enregistrés dans le personnel depuis l’annonce du redressement judiciaire. « Avoir une équipe impliquée, qui a continué de travailler durant cinq mois malgré les incertitudes, c’est aussi rassurant pour nous », se réjouit Christophe Rochas.

leparsien

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