Rennes– « Un déluge de jets de projectiles »: au deuxième jour du procès du commissaire Chassaing pour l’homicide involontaire de Steve Maia Caniço à Nantes en 2019, des policiers ont témoigné mardi des violences subies après avoir demandé l’arrêt de la musique.
Comme les années précédentes, pour la Fête de la musique de ce 21 juin 2019, une dizaine de murs de son étaient installés en bord de Loire et pouvaient diffuser de la musique jusqu’à 04H00. Les fêtards sont en nombre.
Le commissaire Grégoire Chassaing, en charge de la sécurisation, va demander aux DJ des sound systems d’arrêter la musique, ce qu’ils font tous, sauf l’un d’eux qui remet le son après l’avoir coupé. S’ensuivent des jets de projectiles sur les forces de l’ordre par des « teufeurs » mécontents.
« On a été caillassés, on s’est équipé (de casques), on était toujours caillassés », a indiqué une policière à la barre du tribunal correctionnel de Rennes.
« Continuellement on était harcelés de projectiles. Des grenades ont été lancées pour qu’on puisse se replier », a ajouté un autre fonctionnaire.
Un policier de 49 ans a rappelé le contexte d’alors. « On était pendant la période des gilets jaunes, l’impression qu’on a c’est que les policiers sont les souffre-douleurs de toute la France ».
« Je n’ai pas eu l’instruction de tirer (des grenades), c’était nécessaire », a fait remarquer un autre policier qui en a tiré quatre, soulignant qu’il avait vu un collègue « la tête en sang ».
Face à cette situation, « je confirme avoir agi en légitime défense, où il n’y a pas de sommation. Je ne demande pas l’autorisation » d’utiliser les grenades, a expliqué Erwan G., capitaine de police, qui avait été placé sous le statut de témoin assisté.
Pris dans un épais nuage de fumée causé par de nombreux tirs de gaz lacrymogène, plusieurs fêtards tombent dans la Loire, dont Steve. Son corps sera retrouvé environ un mois plus tard.
« Sans commandement »
Pour les avocats de la famille Maia Caniço, l’intervention policière sous la responsabilité du commissaire Chassaing est constitutive du délit d’homicide involontaire.
« Est-ce que cette autorité de commandement a fait son travail d’anticipation et de guide de cette action policière? », s’est interrogé Me William Pineau.
« Notre théorie, celle du juge d’instruction, celle du procureur de la République, c’est que non. C’est qu’une succession de défauts de prévision, d’imprudences, de manquements d’anticipation ont conduit à cette tragédie parce que les policiers se sont trouvés, d’une certaine façon, livrés à eux-mêmes et, peut-être, un peu sans commandement ce soir-là », a estimé Me Pineau.
En revanche, selon Me Louis Cailliez, avocat du commissaire, Grégoire Chassaing est « en train de se protéger de la pluie (de projectiles) qui s’abat sur lui, et donc on a aujourd’hui un commissaire à qui on impute des tirs de certains de ses hommes sous son autorité, sans qu’il n’y soit pour rien ».
Dans la matinée, les deux DJ présents dans le sound system théâtre des incidents ont été interrogés, l’un d’eux ayant reconnu avoir remis la musique en raison de « l’engouement » des teufeurs.
L’enquête avait permis de déterminer que la chute de Steve avait eu lieu à un endroit du quai sans barrière à 04H33 et 14 secondes, soit deux minutes après les premiers tirs de policiers.
La défense du commissaire Chassaing a annoncé qu’elle plaiderait la chute accidentelle dans le fleuve, sans aucun lien avec les tirs de gaz lacrymogènes.
Le procès, qui s’achèvera vendredi, doit se poursuivre mercredi avec de nouvelles auditions, dont celles de responsables de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) et de l’Inspection générale de l’administration (IGA) ainsi que celle du prévenu qui encourt trois ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende.
Le directeur général de la police nationale Frédéric Veaux est aussi convoqué mercredi pour être auditionné.
AFP