Victoire du Labour au Royaume-Uni : ce que prévoit le nouveau Premier ministre sur l’immigration

Après 14 ans à la tête du pays, le parti conservateur britannique laisse sa place aux travaillistes, menés par Keir Strarmer. Si l’ancien avocat spécialiste des droits humains a d’ores et déjà assuré que son gouvernement supprimerait le Plan Rwanda, il défend en revanche une position ferme sur l’immigration irrégulière.

Défaite cuisante pour Rishi Sunak. Jeudi 4 juillet, les électeurs britanniques ont plébiscité son camp adverse, le Labour (les travaillistes), lors du scrutin législatif. D’après un premier décompte effectué ce vendredi matin, le parti travailliste s’est déjà assuré au moins 410 sièges, soit plus que les 326 nécessaires pour obtenir la majorité absolue à la Chambre des Communes.

Selon la BBC, le parti conservateur ressort, lui, désavoué avec ce qui s’annonce comme son pire résultat depuis le début du XXe siècle: 119 députés élus, contre 365 il y a cinq ans sous Boris Johnson.

Ce résultat octroie au chef des travaillistes Keir Starmer le poste de Premier ministre.

À l’annonce des résultats, cet ancien avocat spécialiste des droits humains a promis d’incarner le « changement » et « un renouveau national » une fois à Downing Street.

Un engagement qu’il compte bien mettre à profit sur le volet migratoire, un des sujets pivots de la campagne.

Cette question sera plus particulièrement à la charge d’Yvette Cooper, nommée à la tête du Home office, l’équivalent du ministère de l’Intérieur. Cette dernière s’occupe du sujet depuis 2021 au sein du Labour, après avoir déjà occupé ce poste entre 2011 et 2015.

Suppression du Plan Rwanda

Première mesure d’ampleur annoncée il y a déjà quelques mois par Keir Starmer : la suppression du Plan Rwanda, qu’il juge coûteux et inefficace. Défendue bec et ongles par les conservateurs depuis son annonce en avril 2022, cette loi prévoyait l’expulsion vers Kigali des demandeurs d’asile arrivés illégalement au Royaume-Uni – via la Manche notamment. 

Très critiqué par les ONG et nombre d’instances internationales depuis deux ans, bloqué à plusieurs reprises par la justice britannique, le projet ne s’est finalement jamais concrétisé. 

De nombreux membres de la société civile sont critiques de l'accord passé entre le Royaume-Uni et le Rwanda. Crédit : picture alliance

Les premières interpellations de demandeurs d’asile en vue de leur expulsion au Rwanda avaient pourtant commencé en mai, avec l’objectif de faire décoller les premiers vols en juillet. Les personnes arrêtées avaient finalement été relâchées le 12 juin dernier.

« Commandement d’élite » à la frontière

Si le Labour affiche une position plus humaine avec la suppression du Plan Rwanda, le parti défend tout de même une position ferme sur l’immigration irrégulière. En d’autres termes, il ne compte pas ouvrir de voies d’immigration légales vers le Royaume-Uni.

Lors de la présentation de son programme en mai, Keir Strarmer, le nouveau Premier ministre, a promis de gérer la question migratoire en luttant avant tout contre les passeurs.

Concrètement, le Britannique s’engage à réaffecter les fonds du programme rwandais – dont le coût a été estimé à 541 millions de livres sterling sur cinq ans, d’après The Guardian – à la création d’un nouveau « commandement d’élite de la sécurité des frontières ». Il entend ainsi faire du Royaume-Uni un « territoire hostile » pour les réseaux de trafiquants qui organisent les périlleuses traversées de la Manche. « Nous vous trouverons, nous vous arrêterons, nous protègerons vos victimes », avait-t-il lancé.

Pour ce faire, le nouveau Premier ministre prévoit une augmentation des contrôles à la frontière franco-britannique, inspirées de la lutte anti-terroriste.

« J’utiliserai le MI5 [le service de renseignement responsable de la sécurité intérieur du pays, ndlr] pour aider à démanteler les réseaux de passeurs, qui ne valent pas mieux que les terroristes », a-t-il déclaré auprès du média britannique The Sun, le 9 mai. « Nous utiliserons ces nouveaux pouvoirs pour accéder aux comptes bancaires, surveiller l’utilisation d’internet et suivre les mouvements des criminels au sein des gangs ».

L’embauche de centaines d’agents spécialisés dans la lutte contre le trafic d’êtres humains, d’agents de renseignement, et de policiers transfrontaliers supplémentaires, sont donc à l’étude.

De nombreux effectifs policiers sont déployés le long du littoral français.

Autre outil proposé par Keir Starmer, des accords européens et bilatéraux, qu’ils souhaite plus nombreux pour enrayer les départs de migrants vers le sol britannique. Il s’est dit également dit prêt à travailler avec le Rassemblement national (RN) en France si le parti d’extrême-droite devait gouverner.

Ces dernières années, Paris et Londres ont multiplié les accords relatifs à la lutte contre l’immigration.

Sans succès jusqu’à maintenant. Depuis le 1er janvier 2024, plus de 12 000 personnes ont traversé la Manche, soit une hausse de 18% par rapport à la même période l’an dernier. Le nombre de décès augmente lui aussi : au moins 16 migrants sont morts dans le détroit en 2024. Ils étaient 12 pour l’ensemble de l’année 2023, et un en 2022, selon la préfecture de la Manche et de la mer du Nord.

Réforme du système d’asile

Par ailleurs, le parti travailliste prévoit de « rebâtir l’intégrité et les règles du système d’asile » britannique. Ainsi, des centaines de travailleurs sociaux seront recrutés pour une nouvelle unité chargée d’étudier les demandes d’asile.

« Nous maintiendrons la tradition dont nous sommes fiers en tant que nation, qui consiste à soutenir ceux qui fuient les persécutions », avait clamé en mai Keir Starmer.

Selon un récent rapport parlementaire qui dresse un bilan s’arrêtant en juin 2023, 215 500 demandeurs d’asile sont en attente d’une réponse à leur dossier. Un chiffre qui a « plus que doublé » par rapport à 2015, notent les auteurs. Parmi ces dossiers, 138 000 attendaient une première réponse à leur demande de protection.

Toutefois, dans le même temps, le chef du Labour avait annoncé dans The Sun qu’il mettra fin à l’usage d’hôtels pour héberger les demandeurs d’asile, « qui coûte au contribuable près de 8 millions de livres sterling par jour », d’après lui.

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