Frontex, l’agence européenne de surveillance des frontières, était au courant du rôle joué par les garde-côtes grecs dans la mort de quatre exilés en mer Egée en 2022 et elle les avait tenus pour responsables, révèle une enquête du journal espagnol El Pais. La connaissance de ces délits par Frontex questionne aussi le bien-fondé de sa présence en Grèce si de tels agissements sont tolérés.
Des exilés arrêtés par des hommes masqués, renvoyés en Turquie par la mer et forcés de se jeter à l’eau, certains les mains menottées. Ces scènes se sont déroulées en Grèce en 2022. Quatre personnes ont trouvé la mort au cours de ces refoulements violents menés par des garde-côtes grecs.
Une enquête du journal espagnol El Pais, publiée le 6 juillet, révèle que l’agence de surveillance des frontières européennes (Frontex) était au courant de ces agissements. Le journaliste du quotidien espagnol, Hibai Arbide Aza, a eu accès à des rapports du Bureau des droits fondamentaux de Frontex dans lesquels l’agence accusait, dès mars 2023, les garde-côtes grecs de tels agissements.
As @Hibai_ writes, this was no accident. They were were thrown into the sea with their hands tied. “These reports are part of a complaint against Frontex at @EUCourtPress , filed by a survivor of the incident in Samos, through the NGO Front-lex”. https://t.co/fNzl7YeKl3
— front-LEX (@front_LEX) July 6, 2024
Expulsions en 2022
Le premier rapport évoque en effet la mort de trois migrants au cours d’un refoulement depuis l’île grecque de Chios vers la Turquie, le 6 août 2022. Le second texte rapporte des faits qui ont eu lieu en septembre 2022, sur l’île grecque de Samos. Sept exilés ont été arrêtés et expulsés vers la Turquie. Selon le document, ils ont été forcés de se jeter à l’eau dans les eaux territoriales turques.
L’une des personnes s’est noyée, les autres ont pu être secourues par des garde-côtes turcs.
« Les deux documents ont été mis à la disposition du public par Frontex (…) Mais la collaboration des garde-côtes grecs avec des hommes cagoulés et armés lors d’expulsions collectives illégales est également constatée dans deux autres rapports internes du [Bureau des droits fondamentaux de Frontex], auxquels El Pais a eu accès, et qui n’ont pas été publiés jusqu’à présent », indique le journal.
Cette reconnaissance de l’implication des garde-côtes grecs dans les refoulements en mer Égée contredit une nouvelle fois la version officielle des autorités grecques qui n’ont jamais admis pratiquer de telles expulsions. De nombreuses enquêtes journalistiques ainsi que des rapports d’ONG ont pourtant prouvé le contraire ces dernières années.
Frontex poursuivie en justice
La connaissance de ces faits par Frontex relance également la question du bien-fondé de la présence de l’agence européenne en Grèce si de tels agissements sont tolérés.
Une plainte est en cours d’instruction devant la Cour de justice de l’Union européenne à ce sujet, rappelle El Pais. Un survivant du refoulement de septembre 2022 a porté plainte contre Frontex avec l’aide de l’ONG juridique Front-Lex. Le plaignant est un Congolais dont le meilleur ami est mort dans le refoulement en question. Dans sa plainte, le Congolais demande même le retrait de Frontex en Grèce, au vu de ses nombreuses défaillances.
Il faut dire que le rôle de l’agence européenne est régulièrement décrié dans la région de la mer Egée, notamment pour son manque d’implication dans les opérations de sauvetage de migrants en Méditerranée. Un retrait pointé du doigt à la suite du naufrage meurtrier de Pylos, en juin 2023. Frontex avait repéré le bateau en difficultés mais n’avait pas envoyé de signal de secours.
En février dernier, la médiatrice de l’Union européenne avait dit regretter que Frontex n’ait pas « joué un rôle plus actif » pour sauver les exilés. Ce jour-là, plus de 500 exilés sont morts, faute d’une opération de sauvetage menée dans les temps.
Plus récemment, les organisations Refugees in Libya et Front-LEX ont déposé un recours afin que Frontex, cesse sa surveillance aérienne de la Méditerranée centrale.
Ses activités de géolocalisation permettent aux Libyens d’intercepter les canots de migrants en mer et de les ramener en Libye. Aux yeux des plaignants, Frontex se rend complice des crimes commis par le pays (détention arbitraires de migrants, meurtres, tortures, viols…).
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