Au lendemain du second tour des élections législatives, l’Assemblée nationale apparaît divisée en trois blocs distincts. Si la gauche est arrivée en tête avec 182 sièges, elle ne dispose cependant pas d’une majorité absolue. Alors qu’Emmanuel Macron a demandé à Gabriel Attal de rester Premier ministre « pour le moment », le scrutin ouvre une période d’incertitudes et de tractations : qui lui succèdera ? France 24 explore différents scénarios.
Un pays ingouvernable ? Le Nouveau Front populaire est arrivé en tête du second tour des élections législatives, dimanche 7 juillet, provoquant la surprise générale. Si elle se retrouve ainsi propulsée comme première force de l’Assemblée nationale, elle ne dispose cependant pas de la majorité absolue.
Avec 182 sièges pour la gauche, contre 168 pour la majorité présidentielle et 143 pour le Rassemblement national, l’Hémicycle est désormais divisé en trois blocs distincts.
Si Emmanuel Macron a demandé, lundi 8 juillet, à Gabriel Attal de rester Premier ministre « pour le moment » afin de garantir « la stabilité du pays », ce dernier se retrouve face à un paysage politique inédit dans la Ve République. Alors que les tractations démarrent pour dégager une majorité, France 24 explore différents scénarios pour cet après-scrutin.
Scénario 1 : Gabriel Attal à la tête d’un gouvernement provisoire
Face à la défaite du camp présidentiel, le Premier ministre Gabriel Attal avait annoncé qu’il présenterait sa démission dès ce lundi, conformément à la tradition. « Ce soir, la formation politique que j’ai représentée dans cette campagne, quand bien même elle a réalisé un score trois fois supérieur à ce qui était prédit ces dernières semaines, ne dispose pas d’une majorité.
Ainsi, fidèle à la tradition républicaine et conformément à mes principes, je remettrai demain matin ma démission au président de la République », a-t-il déclaré après la publication des résultats.
Être Premier ministre est l'honneur de ma vie.
Le lien que nous avons tissé est ce que j'ai de plus précieux.
Ce soir, la formation politique que j'ai représentée dans cette campagne ne dispose pas d'une majorité.
Fidèle à la tradition républicaine et conformément à mes… pic.twitter.com/DgcbNKoTLE
— Gabriel Attal (@GabrielAttal) July 7, 2024
Cette dernière a cependant été refusée par Emmanuel Macron pour « la stabilité du pays », comme il l’avait déjà fait pour Élisabeth Borne après les législatives de 2022, « afin que le gouvernement puisse demeurer à la tâche et agir en ces jours ».
Gabriel Attal restera donc à Matignon pour une période indéterminée. Celui qui a été réélu dans les Hauts-de-Seine s’était dit prêt à rester « aussi longtemps que le devoir l’exigera » et notamment pendant le déroulement des Jeux olympiques, qui doivent débuter le 26 juillet.
Scénario 2 : une cohabitation avec le NFP
Emmanuel Macron a « le devoir d’appeler le nouveau Front populaire à gouverner », a appelé le leader de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon à l’annonce des résultats. « Nous allons gouverner », a abondé peu après l’écologiste Marine Tondelier. Dimanche soir, malgré leur majorité relative, toutes les voix du Nouveau Front populaire ont appelé le chef de l’État à nommer un Premier ministre issu de leur rang, avec le même argument : « Le NFP est la première force issue des urnes. »
Ce soir, la justice sociale a gagné.
Ce soir, la justice environnementale a gagné.
Ce soir, le peuple a gagné.Et ça ne fait que commencer !#VictoireNFP #ElectionsLegislatives2024 pic.twitter.com/3OwoRTdFTG
— Marine Tondelier (@marinetondelier) July 7, 2024
La France entrerait alors dans une période de cohabitation – où la couleur politique du locataire de l’Élysée n’est pas la même que celle du Premier ministre et de son gouvernement.
Depuis les débuts de la Ve République, cette situation s’est produite trois fois. Pendant les mandats du président socialiste François Mitterrand, entre 1986 et 1988, puis entre 1993 et 1995, et sous Jacques Chirac, entre 1997 et 2002. Mais à chaque fois, la droite ou la gauche avaient obtenu une majorité absolue à l’Assemblée.
« C’est une vraie victoire du Nouveau Front populaire, car aucune prévision n’allait dans ce sens il y a encore deux semaines et aujourd’hui il devient le premier groupe à l’Assemblée nationale », note le constitutionnaliste Didier Maus. « Mais nous allons avoir une situation que nous n’avons jamais connue, avec une absence de majorité stable, cohérente, homogène, très différente des trois cohabitations qui ont eu lieu précédemment. Et aucun Premier ministre ne s’impose naturellement dans ces circonstances politiques. »
Né à la hâte après la dissolution de l’Assemblée nationale, le NFP se retrouve ainsi face au défi de faire émerger un nom pour Matignon.
Et les discussions ont démarré dès dimanche soir. « Il faut que dans la semaine, nous puissions être en mesure de présenter une candidature », a estimé lundi le patron du Parti socialiste Olivier Faure. « On n’a pas besoin d’avoir un nouveau gouvernement nommé cette semaine, on est dans aucun des scénarios des cohabitations précédentes, on a tout à inventer », a de son côté tempéré la sénatrice socialiste Corinne Narassiguin.
Dans ce scénario, la gauche pourrait appliquer une partie de son programme, notamment par décret, mais le vote des lois pourrait s’avérer compliqué. « Ce qui s’est fait par 49.3 peut se défaire par 49.3 », a répondu sur France info Olivier Faure, premier Secrétaire du PS, tout en prônant un changement de méthode.
Une possibilité exclue au même moment par la députée écologiste réélue Sandrine Rousseau – preuve des difficultés à parler d’une voix unie pour le NFP. « Le Nouveau Front populaire ne gouvernera pas par 49.3. Nous respecterons l’Assemblée nationale dans sa souveraineté et sa capacité à faire des amendements, à travailler les textes. Je pense qu’il faut le poser de manière très claire au Français », a-t-elle assuré sur BFMTV.
Scénario 3 : une coalition « à l’allemande »
L’autre hypothèse est celle de la constitution d’une grande coalition entre différentes formations politiques qui rassemblerait plus de 50 % de députés derrière la profil d’un Premier ministre. C’est ce qui se passe régulièrement dans les démocraties parlementaires de nos voisins allemands ou italiens. Cela serait en revanche inédit sous la Ve République.
Ce scénario semble mal engagé. L’hypothèse d’une alliance qui irait de la gauche aux macronistes a en effet été régulièrement écartée des deux côtés. Dimanche soir, Olivier Faure et Jean-Luc Mélenchon ont à nouveau fermé la porte à cette option en se disant opposés « à une coalition des contraires ». Seul l’eurodéputé et fondateur de Place publique, Raphaël Glucksmann, a tenu un discours légèrement différent : « Il va falloir se comporter en adulte, parler, discuter, dialoguer », a-t-il déclaré.
De son côté, le camp présidentiel a exclu à maintes reprises toute alliance avec la France insoumise – la première force de gauche avec 74 députés.
À droite, l’idée d’une alliance avec LR paraît elle aussi peu probable. Laurent Wauquiez, l’un des hommes forts des Républicains (LR) a lui aussi exclu de participer à « des tractations, des combinaisons, pour échafauder des majorités contre nature », avec l’appui de la soixantaine d’élus LR et divers droite.
Scénario 4 : un gouvernement minoritaire
Ce serait un pari. Un gouvernement peut théoriquement être nommé sans le soutien explicite d’une majorité absolue de l’Assemblée. C’est ce qu’il s’est passé dans les gouvernements macronistes d’Élisabeth Borne et de Gabriel Attal qui, entre 2022 et 2024, ne disposaient que d’une majorité relative de 246 sièges sur 577 (43 %). Le camp présidentiel avait réussi à maintenir ces gouvernements car les oppositions, à droite comme à gauche, n’étaient pas parvenus à se joindre pour les renverser.
Avec un tel scénario, le NFP pourrait théoriquement gouverner, mais il lui faudrait le soutien tacite d’élus d’autres couleurs politiques. Le camp présidentiel pourrait aussi conserver le pouvoir, avec les mêmes contraintes.
Quoi qu’il en soit, ce gouvernement minoritaire vivrait constamment sous la menace d’une motion de censure de l’Assemblée nationale et peinerait à gouverner, obligé d’aller chercher des majorités au cas par cas pour chaque projet de loi.
« Un gouvernement minoritaire peut fonctionner s’il n’est pas trop loin de la majorité. Mais il faut alors qu’il y est un accord tacite avec les autres forces politiques pour laisser ce gouvernement faire son travail a minima et pas lui tirer dessus à boulets rouges immédiatement », résume ainsi le constitutionnaliste Didier Maus.
Scénario 5 : un gouvernement technique
Si la situation est bloquée, la nomination d’un gouvernement « technique » pourrait s’imposer. Il s’agit de nommer au poste de ministres des personnes sans affiliation partisane – notamment des experts – pour gérer les affaires courantes et mener des réformes consensuelles. Le concept, un peu flou, n’a jamais été appliqué sous la Ve République.
Cette configuration s’est déjà produite à plusieurs reprises en Italie, notamment avec Mario Draghi entre 2021 et 2022, mais cette solution est souvent apparue comme une solution de court terme. Difficile en effet pour un tel exécutif de se maintenir dans la durée, faute de légitimité issue des urnes.
Scénario 6 : une impossible nouvelle dissolution
Le scénario d’un nouveau retour aux urnes pour clarifier la situation politique est exclu pendant un an. Selon l’article 12 de la Constitution, « il ne peut être procédé à une nouvelle dissolution dans l’année qui suit ces élections ». La nouvelle Assemblée nationale devrait donc siéger au moins jusqu’à l’été 2025.
Scénario 7 : une démission d’Emmanuel Macron
« S’il n’y a pas de majorité, la solution pour sortir de l’impasse, c’est que lui [Emmanuel Macron, NDLR] s’en aille », assurait avant le second tour Jean-Luc Mélenchon. « C’est normal, c’est lui qui est responsable de la pagaille. »
Comme la dissolution, cette hypothèse paraît hautement improbable. Au lendemain de la dissolution de l’Assemblée nationale, Emmanuel Macron avait déclaré exclure de démissionner de la présidence de la République. « Quel que soit le résultat » des élections législatives.
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