En République démocratique du Congo (RDC), 22 militaires ont été condamnés à mort, le 8 juillet dernier, pour avoir fui devant l’ennemi. Au terme d’un procès de quatre jours, le tribunal militaire les a reconnus coupables de « lâcheté, dissipation des munitions de guerre et pillages ».
Une condamnation à la peine capitale qui intervient dans un contexte de vives tensions liées à l’avancée des rebelles du M23 qui ne cessent de gagner du terrain et d’infliger des revers à l’armée congolaise dans l’Est du pays. Au total, c’est une cinquantaine de condamnations qui ont été prononcées depuis le début de ce mois de juillet, en RDC, où les militaires fuyards sont sévèrement punis pour servir d’exemple.
La question qui se pose est la suivante : quel impact ces condamnations à mort pourraient-elles avoir sur la guerre contre le M23 ? La question est d’autant plus fondée qu’après le retrait de la force onusienne de la MONUSCO dont Kinshasa a exigé et obtenu le départ, de même que celui de la force régionale de l’EAC jugée inefficace, les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), déjà à la peine malgré la présence des forces internationales, se retrouvent pratiquement seules à lutter contre les rebelles du M23.
Une chose est de punir les soldats fautifs, une autre est de les équiper conséquemment
Des insurgés visiblement bien armés et soutenus, de sources concordantes, par le Rwanda de Paul Kagame contre qui ne décolère pas le maître de Kinshasa, Félix Tshisékédi. Et le locataire du Palais de la nation ne manque pas d’occasion pour déverser sa bile sur l’homme mince de Kigali. Toujours est-il que pour ne pas vraiment arranger les affaires de Fashi, un rapport de l’ONU publié le 8 juillet, indique l’implication de l’Ouganda dans le conflit congolais aux côtés du M23.
Et cela, au moment où la RDC croyait en la sincérité de ce voisin engagé avec elle dans des opérations conjointes menées depuis plus d’un an contre les islamistes des ADF dans la province de l’Ituri.
Une véritable douche froide, s’il en est, pour Fashi qui ne sait plus… à quelle armée se vouer et qui continue pourtant de raidir la nuque en refusant toute négociation avec les rebelles.
Avec ces condamnations à mort de soldats fuyards, le président congolais n’est-il pas en train de se tirer une balle dans le pied ? D’autant que si l’objectif recherché est de dissuader les soldats déserteurs à prendre la poudre d’escampette devant l’ennemi, rien ne garantit que ces condamnations à la peine capitale, pourront produire les effets escomptés.
Cela est d’autant plus vrai que ces sentences maximales ne sont pas les premières à être prononcées contre des soldats.
Et la politique sécuritaire du pays interroge d’autant plus que face à la percée des rebelles qui ne cessent de conquérir de nouveaux territoires, l’on se demande si l’armée congolaise dispose de moyens logistiques, humains, matériels et militaires suffisants pour faire efficacement face à l’ennemi.
Car, une chose est de punir les soldats fautifs pour maintenir la discipline au sein des forces combattantes, une autre est de les équiper conséquemment et de leur remonter le moral à l’effet de leur permettre d’accomplir convenablement leur mission.
Ces défections en cascades de soldats, sonnent comme une interpellation au gouvernement
Cela dit, il faut aussi éviter d’envoyer les soldats à l’abattoir. Car au-delà, ces défections en cascade de soldats au sein de la troupe, devraient sonner comme une interpellation pour le gouvernement, en ce sens qu’elles sont symptomatiques de l’existence d’un malaise au sein de l’armée congolaise. Il appartient donc aux autorités de Kinshasa de faire le bon diagnostic pour trouver la meilleure thérapie à même de regonfler le moral des troupes.
Autrement, si la saignée doit se poursuivre, il faut craindre pour l’issue de la guerre.
Déjà qu’il est en froid avec ses voisins rwandais et ougandais accusés de soutenir l’ennemi, on se demande comment le président Tshisékédi compte gagner cette guerre s’il se met à condamner ses propres soldats à la potence.
De là à se convaincre que le successeur de Joseph Kabila file du mauvais coton, il y a un pas que d’aucuns pourraient d’autant plus franchir que la controverse suscitée par le rétablissement de la peine de mort en RDC, notamment contre les militaires déserteurs ou qui se seraient rendus coupables de certains délits, n’est pas prête à retomber.
Certains, à l’instar de la coalition politique Lamuka, y étant ouvertement opposés.
En tout état de cause, ces désertions en séries malgré l’épée de Damoclès de la peine de mort, sont la preuve qu’un ressort est cassé dans la machine de l’armée congolaise.
Et au regard de l’isolement de son armée après le retrait des troupes internationales et l’animosité grandissante de ses voisins, il est peut-être temps, pour le président Tshisekedi, de songer à changer de paradigme dans cette guerre où le tout militaire est loin de lui réussir, pour envisager une solution négociée à l’effet de ramener la paix dans son pays.
Le Pays.