Les dirigeants des 32 pays membres de l’Otan se réunissent à Washington du 9 au 11 juillet, à l’occasion du 75e anniversaire de la signature du traité de l’Atlantique. Un sommet qui intervient dans un contexte marqué par les difficultés de l’Ukraine face à la Russie, mais aussi des incertitudes liées à Joe Biden.
75 ans et des défis plus nombreux que jamais. Les 32 pays membres de l’Otan se réunissent du 9 au 11 juillet à Washington pour un sommet qui s’annonce crucial pour l’avenir de l’Alliance atlantique. De nombreux dossiers attendant les dirigeants du monde entier durant trois jours, dont celui brûlant du soutien militaire et financier à l’Ukraine. Dans cette guerre, la plus grande que le vieux continent ait connu depuis la Seconde Guerre mondiale, la Russie semble prendre l’ascendant.
Au lendemain d’une série d’attaques meurtrières sur plusieurs villes ukrainiennes, le président Volodymyr Zelensky devra notamment convaincre ses alliés occidentaux de lui fournir davantage de systèmes de défense antiaérienne.
« Lors de sa conférence de presse, le Secrétaire général a mentionné la dissuasion et la défense de l’Ukraine, ainsi que les relations avec les partenaires de l’Otan dans la région indo-pacifique, comme étant les trois principaux sujets du sommet, explique sur France 24 Mark Webber, professeur de politique internationale à l’université de Birmingham et membre associé non-résident au Collège de défense de l’Otan à Rome. Mais l’Ukraine est de loin le sujet le plus urgent et restera au centre de ses préoccupations tant que la guerre persistera. »
Que demande l’Ukraine ?
Deux ans après le début de l’invasion russe à grande échelle, la situation sur le champ de bataille se complique pour les Ukrainiens. Avdiïvka, une partie du village de Tchassiv Yar, à quelques kilomètres de Bakhmout… les forces russes multiplient les petits gains de territoire, causant de lourdes pertes humaines à l’armée ukrainienne.
Le président Volodymyr Zelensky plaide depuis des mois pour le renforcement des systèmes de défense antiaérienne nécessaires, déjà alimentés par les États-Unis, l’Allemagne et les Pays-Bas.
Il réclamait sept systèmes Patriot américains supplémentaires. Un vœu exaucé dès l’ouverture du sommet.
Dans une déclaration commune, plusieurs pays de l’Otan, y compris les États-Unis, ont confirmé l’envoi de cinq systèmes de défense, parmi lesquels quatre batteries de missiles Patriot. Ce système de défense sol-air, conçu aux États-Unis, est particulièrement efficace contre les missiles balistiques russes. Le cinquième système est une batterie de SAMP/T, un système missile franco-italien que l’Italie s’était déjà engagée à fournir.
Seule nouveauté, la batterie de Patriot offerte par les États-Unis, qui s’ajoute aux promesses faites précédemment à Kiev.
En plus de mieux protéger les civils et les infrastructures du pays, ils permettront de garantir la sécurité de la flotte d’avions de combat américains F-16 qui doit arriver dans quelques mois. Pour Kiev, la maîtrise des airs est indispensable pour inverser le rapport de force sur le front et relancer la contre-offensive aux résultats plus que mitigés de 2023.
Que peut faire l’Otan ?
L’Organisation du traité de l’Atlantique Nord a été créée en 1949, en pleine guerre froide. Pour les douze pays fondateurs (Belgique, Canada, Danemark, États-Unis, France, Islande, Italie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni), il s’agissait avant tout de contrer la menace que l’Union soviétique faisait peser sur la sécurité européenne. Traiter avec Moscou fait donc partie de son ADN.
Son mandat se limite à la défense par des moyens militaires de ses 32 pays membres (depuis l’adhésion de la Suède cette année) et de contribuer au maintien de la paix en Europe et en Amérique du Nord. Cette sécurité collective est garantie par l’article 5 du traité. Chacun des membres s’engagent à venir en aide à tout pays membre dont la souveraineté ou le territoire serait attaqué. Mais l’Ukraine n’est pas un pays membre de l’Otan, elle a le statut de partenaire.
L’Otan n’arme pas non plus l’Ukraine.
En tant qu’organisation, elle ne possède aucune arme. L’alliance fournit un soutien non létal, c’est-à-dire du carburant, des rations de combat, des fournitures médicales et gilets pare-balles, ainsi que des équipements pour contrer les drones ou les mines.
Seuls les pays membres, à titre individuel ou en groupe, peuvent fournir des armes à Kiev.
Les 32 ont refusé à maintes reprises des demandes de Kiev, notamment la fourniture d’avions de chasse ou la création de zone d’exclusion aérienne, qui auraient pu faire de l’Otan un cobelligérant face à la Russie. Une infime ligne de crête, car la notion n’existe pas dans le droit des conflits armés. Il s’agit donc d’une interprétation.
A-t-elle des troupes ?
L’Otan dispose aujourd’hui de 500 000 militaires. Sur son flanc oriental, à la frontière de la Russie et de l’Ukraine, l’Alliance a renforcé ses groupements tactiques pour parer à toute éventualité.
Qui décide ?
Si les décisions doivent être prises à l’unanimité, les États-Unis sont le membre le plus puissant de l’organisation. La perspective de voir l’ancien président américain Donald Trump revenir aux affaires en 2025 soulève de nombreuses incertitudes. Le rival de Joe Biden est connu pour sa position critique sur l’Otan. Son arrivée à la Maison Blanche pourrait entraîner la suspension de toute aide à l’Ukraine, le Congrès à majorité républicaine bloquant d’ailleurs déjà cette aide depuis des mois.
En cas de victoire, Donald Trump a d’ores et déjà promis d’imposer la paix en un temps éclair entre la Russie et l’Ukraine.
Fragilisé depuis son débat raté face au républicain le 27 juin, Joe Biden « devra performer lorsqu’il prononcera son discours inaugural, et surtout lors de la conférence de presse qu’il fera seul jeudi, affirme Bruno Daroux, chroniqueur international à France 24. Il sera scruté comme jamais, alors que de plus en plus de voix, y compris dans son propre camp démocrate, affirment qu’il faut qu’il renonce à se présenter. »
Un avis que ne partage pas Mark Webber.
« Je ne pense pas que cela aura beaucoup d’importance car les sommets sont planifiés de longue date. L’ordre du jour est déjà très bien établi. Les ambassadeurs négocient en coulisses depuis plusieurs semaines le calendrier, le format, le communiqué final, etc. Les problèmes domestiques de Joe Biden ne poseront pas beaucoup d’inquiétude, à moins que le président Biden ne se mette dans l’embarras lors d’une conférence de presse ou quelque chose du genre. »
Quel budget ?
L’objectif est que chaque allié consacre 2 % de son produit intérieur brut à la défense en l’espace d’une décennie. Il y a un an, ces 2 % sont devenus un plancher de dépenses, non un plafond. Un nombre record de 23 pays devraient être proches de l’objectif de dépenses cette année.
Le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, a exhorté fin mai les alliés occidentaux de Kiev à maintenir a minima l’aide annuelle de 40 milliards d’euros actuellement versée à l’Ukraine aussi longtemps que nécessaire pour combattre les troupes russes.
Les pays membres doivent s’engager lors du sommet à une aide de 40 milliards pour 2025. « J’imagine qu’il y aura une annonce importante, avec des chiffres et des détails sur la manière dont il sera financé et sur ce à quoi il sera consacré, après le sommet lui-même », précise Mark Webber.
L’Ukraine peut-elle adhérer ?
La candidature de Kiev piétine. Volodymyr Zelensky espère une avancée notable dans le processus d’adhésion de l’Ukraine, mais n’a pas reçu d’invitation officielle. À ce jour, les États-Unis et l’Allemagne y sont farouchement opposés. Des accords de sécurité bilatéraux sont privilégiés par nombre de pays membres, ainsi que l’accélération de l’aide militaire.
« Il va y avoir une pression ukrainienne pour que l’Otan s’engage plus à accepter l’Ukraine, mais beaucoup de membres restent prudents, poursuit Bruno Daroux. Ils savent très bien que pour Moscou il s’agit d’une ligne rouge. Les Russes vont suivre de très près le déroulement de ce sommet de l’Otan. »
france24