Finlande : le Parlement rend légal le refoulement des demandeurs d’asile se présentant à la frontière

Nouvelle mesure pour tenter de freiner les arrivées de migrants en Finlande. Le Parlement a adopté vendredi 12 juillet un projet de loi controversé. Le texte autorise les garde-frontières à refouler les migrants entrés de manière irrégulière dans le pays, sans leur laisser la possibilité de déposer l’asile.

La loi sur les « mesures temporaires de lutte contre l’immigration instrumentalisée » a été adoptée par 167 voix pour, tandis que 31 parlementaires ont voté contre. Cette mesure intervient après un afflux l’année dernière de demandeurs d’asile arrivant à la frontière avec la Russie, qui, selon Helsinki, a été orchestré par Moscou. Le Kremlin a toujours démenti ces accusations.

« Attaques russes hybrides »

Le texte va entrer en vigueur pour un an et autorise le gouvernement à limiter le dépôt d’une demande de protection internationale à des périodes réduites et à des portions limitées de sa frontière.

Cette loi, destinée à contrer les « attaques russes hybrides » selon les termes des autorités finlandaises, peut être activée pour un mois dans des zones délimitées du pays, si sa souveraineté et sa sécurité jugées menacées. Seuls les demandeurs d’asile en situation de vulnérabilité, tels que les enfants et les personnes handicapées, pourront alors demander une protection internationale.

Leur éligibilité dépendra de l’évaluation de leur cas par les gardes-frontières, et aucun appel ne sera possible.

Un agent près de la frontière entre la Finlande et la Russie, le 11 juin 2024. Crédit : Reuters

Le gouvernement de droite plaidait pour la création de nouveaux outils juridiques après l’arrivée, l’automne dernier, de près de 1 000 migrants sans visa à sa frontière avec la Russie, longue de 1 340 km.

« C’est un message fort adressé à la Russie et à nos alliés. La Finlande veillera à sa propre sécurité et à la sécurité des frontières de l’UE », a déclaré le Premier ministre finlandais Petteri Orpo lors d’une conférence de presse organisée juste après le vote du Parlement.

« Triste jour pour l’État de droit et les droits humains en Finlande »

Cette loi a été vivement critiquée par l’opposition, des associations locales et des instances internationales. Des experts et le gouvernement lui-même ont admis que la loi contrevenait aux engagements internationaux de la Finlande en matière de droits humains, ainsi qu’à sa constitution.

« C’est un triste jour pour l’État de droit et les droits humains en Finlande », a estimé la dirigeante de l’Alliance de gauche, Li Andersson, dans un message sur X après le vote au Parlement.

« Je n’ai jamais vécu un jour aussi sombre depuis 34 ans que je suis au service d’Amnesty en Finlande », a déploré sur le même réseau social Frank Johansson, directeur de l’ONG dans le pays.

Mi-juin, le commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe avait exhorté la Finlande à ne pas signer le texte.

« La Finlande devrait rejeter le projet de loi sur l’instrumentalisation de la migration, protéger l’accès à l’asile et empêcher les expulsions sommaires », avait déclaré Michael O’Flaherty dans une lettre adressée notamment au président du Parlement finlandais, Jussi Halla-aho.

Helsinki devrait « continuer à rechercher des solutions alternatives conformes à (ses) obligations en matière de droits de l’Homme », avait encore estimé Michael O’Flaherty.

Il s’inquiétait « également du fait que le projet de loi, s’il était adopté, créerait un précédent inquiétant pour d’autres pays et pour le système d’asile mondial ».

Ces dernières semaines, la Finlande multiplie les mesures pour dissuader les exilés de venir dans le pays. Des barbelés ont été érigés sur certaines portions de la frontière avec la Russie, les patrouilles ont été renforcées, des drones et des détecteurs de mouvements ont été massivement déployés dans la zone.

Fin juin, les députés ont décidé de réduire l’aide financière accordée aux demandeurs d’asile et aux bénéficiaires de la protection internationale.

Le Parlement a aussi rendu plus difficile l’accès à un titre de séjour pour les demandeurs d’asile déboutés : désormais, ils ne pourront plus déposer une demande de régularisation par le travail ou les études.

infomigrants

You may like