Commission des Finances : Eric Coquerel réélu président, Charles de Courson rapporteur

Le camp présidentiel a obtenu la tête de six commissions sur huit à l’Assemblée ce samedi 20 juillet. L’Insoumis Eric Coquerel est réélu président de la commission des Finances, tandis que Charles de Courson arrache le poste stratégique de rapporteur général du budget.

Après deux jours d’extrême tension sur la répartition des postes clés à l’Assemblée nationale, les députés se sont retrouvés ce samedi 20 juillet pour élire les présidents de commissions, avec pour principal enjeu la direction de la commission des Finances.

L’Insoumis Éric Coquerel a finalement été réélu. « Je ne serai animé d’aucun esprit de revanche. J’ai animé cette commission dans une totale impartialité en terme d’organisation et je continuerai à faire de même pour tous les groupes », a-t-il déclaré.

Le député de Seine-Saint-Denis a dit son intention de défendre le programme récemment proposé par le Nouveau Front populaire pour les élections législatives.

Outre son rôle dans les débats liés aux questions budgétaires, le président de la Commission des Finances de l’Assemblée a accès à des informations relevant du secret fiscal et peut demander à consulter des dossiers sensibles.

Le Nouveau Front populaire a obtenu la présidence de deux commissions, contre six pour le camp présidentiel, tandis que le RN repart à nouveau bredouille.

Florent Boudié (Ensemble pour la République, macroniste) a été élu président de la puissante commission des Lois, le MoDem Jean-Noël Barrot à la commission des Affaires étrangères, Paul Christophe (Horizons) à celle des Affaires sociales, Antoine Armand (Ensemble) à celle des Affaires économiques, Sandrine Le Feur (Ensemble) à celle du développement durable, Jean-Michel Jacques (Ensemble) à celle de la Défense. La socialiste Fatiha Keloua Hachi a arraché la présidence de la commission des Affaires culturelles.

La présidence de la commission des Finances, très convoitée, car chargée notamment de la supervision du budget, revient depuis 2007 à un député d’un groupe s’étant déclaré dans l’opposition.

Dans cette Assemblée sans majorité absolue, c’est le cas de la France insoumise mais aussi de la Droite républicaine (ex-LR) qui avait conclu un pacte avec les macronistes permettant jeudi la reconduction de Yaël Braun-Pivet à la présidence de l’Assemblée.

Cette règle attribuant la présidence de la commission des Finances à l’opposition fait partie d’une série de mesures accompagnant la modernisation de la Constitution impulsée en 2008 par le président Nicolas Sarkozy.

Charles de Courson rapporteur général du budget
Le député centriste Charles de Courson (groupe Liot), membre de l’opposition, a ravi sur le fil au macroniste Jean-René Cazeneuve (Ensemble pour la République, ex-Renaissance) le siège stratégique de rapporteur général du budget de l’État, d’habitude occupé par un élu soutenant l’exécutif.

Au terme de trois tours de scrutin, Charles de Courson, 72 ans, a été élu par 27 voix contre… 27, grâce à la procédure prévoyant que le député le plus âgé l’emporte. Il a six ans de plus que son adversaire.

Le rapporteur général, sorte de numéro 2 de la commission des Finances, participe avec Bercy et l’exécutif à la création du budget annuel de l’État, l’un des textes les plus âprement discutés dans l’hémicycle.

Il sert traditionnellement d’interface entre le gouvernement, sa majorité et le reste des parlementaires, et rend des avis sur les amendements des députés, sur le fond comme sur leur recevabilité financière.

Ce poste obtenu par Charles de Courson, avec le soutien de la gauche, revient d’habitude à un député soutien du camp présidentiel, à la fois pour que les discussions avec Bercy soient fluides, mais aussi dans l’idée de contrebalancer le fait que la présidence de la commission des Finances est elle dévolue à l’opposition.

« Il a bafoué l’esprit de nos institutions. Il faut un rapporteur général qui puisse travailler avec l’exécutif. Il va y avoir un dialogue entre les oppositions, et appauvri avec Bercy », a grondé M. Cazeneuve après l’annonce des résultats.

Le RN écarté des postes clé
Vendredi, c’est de nouveau dans une grande confusion que l’Assemblée issue des élections des 30 juin et 7 juillet avait procédé à l’élection de son bureau, marquée par la mise à l’écart du Rassemblement national.

Aucune des six vice-présidences, pas de poste de questeur sur les trois en jeu, pas même un secrétaire sur douze : Marine Le Pen et ses alliés ont été barrés des postes du bureau de l’Assemblée, sa plus haute instance exécutive.

« Ces décisions rendent pour l’avenir les décisions de ce bureau parfaitement illégitimes », a estimé la cheffe de file des députés RN.

Aux premières heures samedi, le Nouveau Front populaire, bloc le plus nombreux de la nouvelle Assemblée, est de son côté parvenu à rafler neuf des 12 postes de secrétaires, s’assurant la majorité au sein de cette instance chargée notamment de décider des sanctions contre les députés.

« Nous obtenons la majorité des postes (au bureau), c’est la démonstration que le NFP est le pôle le plus large à l’Assemblée nationale », s’est félicitée Mathilde Panot (LFI), appelant le président Emmanuel Macron à « nommer un Premier ministre issu du NFP ».

Clémence Guetté vice-présidente
L’Insoumise Clémence Guetté a été élue première vice-présidente. Les autres vice-présidences ont été remportées par Nadège Abomangoli (LFI), l’ancienne vice-présidente Horizons Naïma Moutchou, Xavier Breton et la députée Annie Genevard (tous deux de la Droite républicaine), et le ministre de l’Industrie démissionnaire Roland Lescure (Ensemble pour la République, ex-Renaissance).

Brigitte Klinkert (EPR), Michèle Tabarot (Droite républicaine), Christine Pirès-Beaune (PS) ont chacune hérité d’un poste à la questure, cette fonction très prisée de supervision des services financiers et administratifs de la chambre.

Il y a deux ans, la macronie avait concédé au Rassemblement national deux vice-présidences, dans le souci d’une représentation équitable des groupes, comme le préconise le règlement de l’Assemblée.

Cette fois-ci, rien de tel : le groupe Ensemble pour la République (EPR) présidé par le Premier ministre démissionnaire Gabriel Attal avait décidé lundi de ne mettre aucun bulletin « ni pour le RN, ni pour LFI », et de s’affranchir de cette proportionnalité.

« Magouilles », « achats de postes »
Marine Le Pen a dénoncé des « magouilles » et des « achats de postes » qui « foulent aux pieds la démocratie », privant les « 11 millions d’électeurs » du RN de représentants dans les instances de l’Assemblée.

Plus tôt dans la journée les opérations de vote avaient été marquées par un incident sans équivalent de mémoire d’administrateur : l’apparition de dix enveloppes en surnombre dans les urnes, qui a contraint à annuler un scrutin.

Une entrée en piste qui laisse présager des fortes tensions qui traverseront cette 17e législature, et de l’étroitesse du chemin pouvant conduire à la formation d’un gouvernement stable.

Reuters

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