Depuis la promulgation, le 6 mai 2024, de la nouvelle Constitution qui éloigne la perspective d’une alternance démocratique au Togo, le pays de l’insatiable Faure Gnassingbé a entamé une période de transition vers la cinquième République dont les institutions doivent être mises en place au plus tard le 5 mai 2025.
Dans cet intervalle, celui qui préside aux destinées du Togo depuis une vingtaine d’années, garde jalousement les manettes du pouvoir, et travaillera à ce que rien ne vienne contrarier son séjour au palais de Lomé II, surtout qu’il peut maintenant assouvir son rêve de rester éternellement au pouvoir, en tout cas, aussi longtemps que son parti sera majoritaire au Parlement.
A priori, c’est pour lui un pari facile à gagner quand on sait qu’il est un véritable orfèvre en matière de maniement du bâton et de la carotte, et qu’en face, il a une opposition laminée qui navigue à vue dans un océan de doutes depuis que ses leaders charismatiques sont affaiblis soit par l’âge, soit par la compromission des uns ou par les ego surdimensionnés des autres. En tout état de cause, Faure Gnassingbé n’a rien à craindre sur le plan purement politique, même si on sait que dans ce domaine-là, les acteurs sont aussi versatiles et instables.
Faure Gnassingbé aurait déjà pris le taureau de la contestation civilo-militaire en gestation, par les cornes
En revanche, le président togolais doit ouvrir l’oeil et surtout le bon sur la Grande muette qui ne serait plus si aphone que cela depuis quelques mois, et sur la possibilité d’une convergence de vues entre les militaires et les opposants politiques par rapport à sa gestion patrimoniale du pouvoir.
A ce qu’on dit, Faure Gnassingbé aurait déjà pris le taureau de la contestation civilo-militaire en gestation, par les cornes, en procédant à des arrestations d’officiers possiblement frondeurs, et à la mise sous étroite surveillance de dizaines d’acteurs politiques et de la société civile potentiellement dangereux pour son régime.
C’est vrai que ce n’est pas la première fois qu’au Togo, on assiste à une purge, si c’en est une, ou à des arrestations massives d’opposants.
Mais cette fois-ci, il semble que c’est dans le Nord et fief historique du parti au pouvoir, que les critiques les plus vives à l’encontre du président sont émises, et c’est dans les rangs des officiers en mission dans cette partie du pays, que des arrestations auraient été opérées.
Info ou intox ? On ne dispose pas, pour l’instant, de détails sur ces traques qui se seraient déroulées à Lomé, mais aussi à Kara qui est le chef-lieu de la région éponyme, située à 400 kilomètres au Nord du pays.
Si cela était confirmé, on ne pourrait pas s’empêcher de se demander si la forteresse qui a jusqu’ici permis au clan Gnassingbé de résister au temps, n’est pas en train de se lézarder, quand on sait que c’est grâce aux officiers supérieurs majoritairement originaires du Nord comme lui, que le jeune Faure Essoazina avait pu brûler la politesse à Fambaré Ouattara Natchaba qui, en tant que président de l’Assemblée nationale, devait constitutionnellement assurer l’intérim à la mort du président Gnassingbé Eyadema, le 5 février 2005.
Une fronde dans les casernes pourrait être une fenêtre d’opportunité pour tous ces politiciens en perte de vitesse pour se remettre en selle
Même si cela reste, pour le moment, une hypothèse d’école, il ne faudrait pas totalement écarter le risque d’une fronde au sein de la troupe dont beaucoup de cadres n’ont pas les mêmes devoirs de reconnaissance vis-à-vis des autorités politiques comme ce fut le cas de leurs aînés, et dans une sous-région fragmentée où les pays dirigés par des militaires pourraient faire des émules.
Certains vont jusqu’à dire que la France et beaucoup de chefs d’Etat ouest-africains ne verraient pas d’un mauvais oeil un changement de régime au Togo, en raison de la mansuétude réelle ou supposée du président vis-à-vis des trois pays parias que sont le Mali, le Burkina et le Niger.
Une chose est sûre, une fronde dans les casernes pourrait être une fenêtre d’opportunité pour tous ces politiciens en perte de vitesse pour se remettre en selle, même si cette éventualité ouvrirait une longue période d’incertitudes pour le Togo et pour toute la sous-région.
Qu’à cela ne tienne ! Certains d’entre eux comme Kofi Gnamgnane, Jean-Sylvanus Olympio et François Boko ont lancé, le 20 juillet 2024, le « Mouvement de libération nationale » pour, disent-ils, « mettre définitivement un terme à la dérive autoritaire et monarchique de Faure Gnassingbé ».
L’intention est légitime certes, mais ces vieux briscards devront probablement faire encore preuve de patience avant de parvenir à leurs fins, quand on sait que des regroupements plus structurés et ayant plus de partisans ont fait flop pour des raisons diverses, dans leurs tentatives de dégommer l’enfant terrible d’Afagnan.
Et même si, par extraordinaire, l’armée venait à se dresser contre son chef suprême, ce n’est pas sûr que ce soit à ces hommes politiques que le crime va profiter. Car « celui qui se bat pour quelque chose, c’est pour lui la chose », pour citer un officier supérieur et ex-président burkinabè qui savait de quoi il parlait, et qui est aujourd’hui en exil au…Togo.
Le Pays.