La prestation en ouverture des JO de Paris de Gojira, poids lourd du circuit metal, associé à Marina Viotti, chanteuse lyrique familière de cette scène, confirme l’enracinement progressif des musiques extrêmes dans la pop culture.
« Il y a du metal extrême assumé dans cette cérémonie. C’est un bouleversement, un retournement », se réjouit pour l’AFP Mario Duplantier, 43 ans, batteur et membre fondateur de Gojira.
« C’est vertigineux », savoure pour l’AFP Marina Viotti, mezzo-soprano franco-suisse de 38 ans, encore sur son petit nuage lundi après sa performance de vendredi soir devant plus d’un milliard de téléspectateurs.
Cette figure du chant lyrique est programmée à la Scala de Milan ou à l’Opéra de Paris et est passée dans une autre vie par deux groupes metal, Lost Legacy et Soulmaker.
« J’ai lu des commentaires sur les réseaux sociaux qui disent +je n’écoute jamais de metal mais, là, c’est génial, ça a donné une telle énergie au tableau+ », ajoute la chanteuse, ravie que ça permette de « changer l’image » ce de courant musical, d’en ôter les clichés « satanistes » ou « violents ».
Cette séquence continue à faire le tour du monde sur les réseaux sociaux.
Gojira, quatuor français à l’aura internationale, apparaît aux balcons de la Conciergerie, un des plus beaux monuments de Paris, et entonne le chant révolutionnaire « Ah! Ca ira » dans une déflagration sonore. Marina Viotti, dans un décor de bateau, rejoint la scène au bord de la Seine.
Glam metal, ballades
« C’est fou, une très belle surprise, une bonne nouvelle et une première mondiale pour le metal mais c’est vrai qu’en ce moment, on vit un âge d’or pour le metal », souligne pour l’AFP Corentin Charbonnier, docteur en anthropologie, chercheur français sur la musique metal.
« Beaucoup de gens disent souvent +je n’écoute jamais de metal+ mais, en fait, si », poursuit celui qui est aussi un des commissaires d’exposition de « Metal, Diabolus in musica », première du genre par son ampleur, installée à la Philharmonie de Paris jusqu’au 29 septembre.
Depuis l’apparition de Black Sabbath, groupe-matrice du genre à la charnière des années 1960-1970, ce courant musical a déjà glané des médailles de bronze ou d’argent dans les médias et le grand public grâce, principalement, à des groupes américains.
Il y a eu Kiss et son glam metal, avec « I was made for lovin’ you », tube de 1979.
La ballade « Nothing else matters » a permis à Metallica, issu du thrash metal, branche extrême de la famille, de passer sur les radios à grande écoute en 1991. Puis est venu le nu metal – prononcer « new » à l’anglaise -, aux accents rap, avec Limp Bizkit, tête d’affiche du festival Woodstock en 1999.
« Créer des ponts »
Mais, aujourd’hui, comme le note Corentin Charbonnier, la tendance semble plus profonde, à l’image d’un pays comme la France, longtemps sourd aux sirènes du metal.
« Des institutions » comme la Philharmonie de Paris « s’ouvrent au metal », avance-t-il. Un gros festival français comme le Hellfest (à Clisson – ouest de la France) « a énormément démocratisé le metal », rappelle Mario Duplantier.
Avec « le renouveau actuel de la culture metal », « certains veulent être reconnus et d’autres veulent rester dans l’ombre », décortique ensuite Corentin Charbonnier.
« C’est la question que certains se posent, ce risque qu’on prendrait de perdre l’essence de cette musique. Mais, à mes yeux, on doit aller dans le sens de l’union, rassembler, partager, créer des ponts », insiste Marina Viotti.
La courbe de la démocratisation du genre est exponentielle: entre vendredi soir et la mi-journée de samedi, les écoutes de Gojira ont bondi de 106% en France et de 80% dans le monde entier, a indiqué à l’AFP la plateforme Spotify, leader du marché international du streaming musical. Une progression amplifiée entre samedi après-midi et dimanche en milieu de journée, avec +282% en France et +129% dans le monde sur cette plateforme.
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