Dans un nouveau rapport publié mardi, Amnesty international dénonce « les arrestations arbitraires et illégales » des migrants, enfermés à leur arrivée dans une structure du centre fermé de Samos. L’ONG exhorte l’Union européenne à ne pas prendre ce camp en modèle pour la construction d’autres centres – prévus dans le cadre du Pacte migratoire récemment adopté.
Amnesty international publie, mardi 30 juillet, un nouveau rapport au vitriol sur les conditions de vie des migrants dans le centre fermé de l’île de Samos (CCAC pour « centre fermé à accès contrôlé »), en Grèce.
Dans ce document, qui s’intitule « Samos : ‘Nous nous sentons en prison sur l’île’ », l’ONG s’insurge notamment de la manière dont les demandeurs d’asile sont pris en charge à leur arrivée dans le camp.
👉👉"Arrestations systématiques, arbitraires et illégales " de demandeurs d'asile sur l'île de Samos. Un nouveau rapport d'@amnesty pointe la responsabilité des autorités grecques et européennes. https://t.co/BtiQsHQz3f
— amnestypresse (@amnestypresse) July 30, 2024
« Sous prétexte d’enregistrer et d’identifier les personnes, les autorités grecques détiennent de facto tous les résidents à leur arrivée, y compris les personnes en situation de vulnérabilité, en violation de leurs droits », rapporte Amnesty international, qui a effectué une visite à Samos en décembre 2023. « Les autorités soumettent systématiquement les demandeurs d’asile à une détention illégale et arbitraire », insiste l’organisation.
Lorsqu’ils ont traversé la mer Égée et atteint l’île de Samos, les exilés sont transférés par les autorités dans le centre pour migrants de l’île.
Là, ils sont enfermés dans une partie de la structure – en attendant leur identification – pour une durée maximum de 25 jours, où ils sont « soumis à des ordres de ‘restriction de liberté’ ». Ils ne peuvent pas sortir du camp, sauf pour des « raisons graves ».
« Ces restrictions sont systématiquement appliquées sans évaluation individuelle.
Cela va au-delà de ce qui peut être considéré comme une restriction légitime de la liberté de mouvement et équivaut à une détention illégale », affirme encore Amnesty international.
Surpopulation
L’ONG évoque aussi la surpopulation et ses conséquences. Lorsque le centre est saturé – 4 850 personnes hébergées en octobre 2023 pour une capacité de 3 650 places -, les migrants sont contraints de vivre dans « des espaces non résidentiels tels que les cuisines et les salles de classe (…) dans des conditions inadéquates », peut-on lire dans le rapport.
Une situation qui exacerbe les problèmes déjà existants, comme l’absence de médecin permanent ou l’accès à l’eau.
« Quand nous sommes arrivés au camp, il y avait de l’eau trois heures par jour. Les gens ne pouvaient pas prendre de douche en même temps. Nous mettions de l’eau dans une carafe. Nous prenons des douches, comme il y a 70 ans », raconte un Syrien cité par l’ONG.
« Les conditions de vie des résidents, notamment en période de surpopulation dans le centre, peuvent être considérées comme inhumaines et dégradantes, en violation de l’interdiction des mauvais traitements », signale encore Amnesty international.
Le centre de Samos érigé en modèle
Ce centre de Samos a pourtant été érigé en modèle lors de son ouverture en septembre 2021. Présenté comme ultra-moderne, en comparaison aux hotspots des îles de la mer Égée, il est présenté par l’Union européenne (UE) comme un exemple à suivre dans d’autres États membres – la Commission a investi 43 millions d’euros pour bâtir ce camp.
Mais dès sa création, les humanitaires avaient fait part de leurs critiques.
Des propos réitérés dans le rapport d’Amnesty international. « L’UE avait promis que ces centres seraient conformes aux ‘normes européennes’. Au lieu de cela, nous avons découvert un cauchemar dystopique […] créant un environnement ‘carcéral’ », déplore l’ONG.
Le site est ultra-sécurisé : barbelés permettant de délimiter le lieu, caméras de surveillance sur le site, portails métalliques de sécurité avec reconnaissance digitale et tourniquets à l’entrée, horaire de sortie autorisée entre 8h et 20h…
« [Quand on arrive dans le camp] c’est le choc. On pense que l’on va trouver une situation agréable, mais c’est tout le contraire. C’est la prison. On dit que l’Europe c’est la liberté, mais ce n’est pas comme ça », témoigne dans le rapport Tasneem, une Soudanaise.
« La Grèce est depuis longtemps un terrain d’essai pour des politiques migratoires de l’UE fondées sur l’exclusion (…).
Les conclusions relatives à Samos montrent que ce modèle est punitif, coûteux et favorise les abus », dénonce Deprose Muchena, directeur général de l’Impact régional sur les droits humains à Amnesty International, cité dans le communiqué.
L’ONG s’inquiète que la structure de Samos ne soit dupliquée dans d’autres pays européens, dans le cadre du Pacte sur l’asile et la migration.
L’UE a adopté à la mi-mai une vaste réforme qui durcit le contrôle de l’immigration dont l’entrée en application est prévue mi-2026. Le texte prévoit notamment la construction de centres fermés aux frontières extérieures de l’UE.
« Samos ouvre une fenêtre sur l’avenir du Pacte et offre une occasion cruciale à l’UE et à ses États membres de changer de cap.
Les règles grecques en matière d’asile sur les ‘restrictions de liberté’ doivent être abrogées de toute urgence […] », a déclaré Deprose Muchena. « Ne pas [les abroger] porterait gravement atteinte aux normes européennes en matière de droits fondamentaux, mais augmenterait aussi considérablement les traumatismes et les souffrances humaines aux frontières. »
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