Du Breakdance à l’Assemblée, Steevy Gustave, le député aux mille vies

Paris – Il s’est illustré dans le hip-hop, a dansé pour France Gall, travaillé pour Christiane Taubira et rêve de devenir maire de Bretigny-sur-Orge (Essonne): le député écologiste Steevy Gustave, avec ses dreadlocks jusqu’au bas du dos, revendique son parcours « atypique » et son attachement à la République.

A son arrivée à l’Assemblée début juin sous l’étiquette Nouveau Front populaire, Steevy Gustave, 54 ans, résume à l’AFP: « Les haineux attendent que je fasse de l’outrance, mais je suis un fils de militaire, ils ne m’auront pas ».

Son père, Martiniquais, est décédé en service en 1983, à Djibouti, laissant cinq enfants et une veuve de 36 ans.

L’élu de la 3e circonscription de l’Essonne, pupille de la Nation à 13 ans sait ce qu’il doit à l’Etat. « J’ai envie de rendre tout ça, tout en étant lucide: il y a plein de choses qui ne vont pas ».

Le député écologiste Steevy Gustave pose pour une série de portraits à Paris, le 25 juillet 2024.

Dès son arrivée au Palais-Bourbon, un député l’interpelle. « Tu es député toi? Coupe-toi les cheveux! ».

Une remarque raciste de plus. « Toute ma vie, j’ai subi la haine », raconte celui qu’on a aussi traité de « Bob Marley », de « rastacouère », pendant la campagne. « Plus personne ne me fera de réflexions », jure-t-il.

L’élu qui serre la main des députés Rassemblement national à l’Assemblée « par politesse », l’assure: « les Français ne sont pas racistes ». Même s’il regrette qu’aujourd’hui, « chacun lutte à l’aune de sa communauté ». « Moi je veux reconstruire des ponts ».

Des ponts, il en a lui-même franchis. Avant la politique, Steevy Gustave a été une figure du hip-hop, qu’il a découvert à la mort de son père, avec l’émission de télévision « H.I.P H.O.P » de Sidney. « Cette émission m’a sauvé la vie ».

Passionné de breakdance, il s’investit dans plusieurs groupes de danse, et participe au championnat d’Europe en 1989.

Mobilisé pour les quartiers populaires, il lance en parallèle son association « Danse contre la délinquance » dans sa ville de Brétigny. Ce qui lui vaut sa première bataille politique, contre le maire RPR Jean de Boishue, pour obtenir une salle de danse. Plus tard, il attaquera le même élu, devenu secrétaire d’Etat à l’Enseignement supérieur, pour « injures raciales » et gagnera.

Il passe régulièrement à la télé, se produit dans un clip du chanteur sud-africain Johnny Clegg, joue au théâtre, et travaille pendant plusieurs années pour France Gall comme danseur et chorégraphe.

Des problèmes de genoux remisent au placard la danse à 29 ans. Il se tourne vers la production audiovisuelle et… la politique.

« Effet miroir »

Son rêve: la mairie de Brétigny-sur-Orge. En 2001, il prend la tête d’une liste citoyenne et écologiste qui recueille 10%, lui permettant d’entrer au conseil municipal. Sept ans plus tard, il devient adjoint au maire PS, puis passe dans l’opposition quand la majorité bascule à droite en 2014.

Lui qui a « toujours combattu l’extrême droite » organise en parallèle des événements culturels, notamment pour SOS Racisme, dont un Concert pour l’égalité sous la Tour Eiffel en 2011, rassemblant plus d’un million de personnes.

Son carnet d’adresse rime avec stars et show-biz, qu’il mobilise au gré des causes: Concert en faveur du mariage pour tous, « Touche pas à ma Nation », contre les tests ADN ou pour les migrants.

Celui qui a joué au poker avec Patrick Bruel ou discuté avec Lionel Richie, n’est pas blasé. Il raconte avec des étoiles dans les yeux sa rencontre avec son idole Barack Obama, par l’entremise de son amie, l’ex-première dame Carla Bruni.

Le député a multiplié les expériences.

En 2010, il organise un concert en Georgie, avec Jane Birkin et MC Solaar, cotoyant Raphaël Glucksmann, alors conseiller de l’ancien président Mikheïl Saakachvili. Et en 2015, il rejoint le cabinet de Christiane Taubira, alors ministre de la Justice, pour développer « la culture dans les prisons ».

En 2020, il échoue à nouveau, de peu, aux municipales à Brétigny. Idem aux législatives de 2022, où il est candidat de la Nupes.

Mais la dissolution de l’Assemblée change la donne. Père d’un enfant et grand-père de deux petites-filles, il retourne au combat « comme un devoir contre le RN ». Avec succès.

« Mon truc, c’est l’effet miroir », ajoute celui qui souhaite plus de diversité à l’Assemblée. « Je ne veux pas être un symbole, mais je me rends compte que malgré moi je le suis ».

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