Qui sont les dirigeants du Hamas dans le viseur d’Israël ?

Dirigeant politique, cadre du parti, chef de la branche armée… Depuis l’attaque meurtrière du Hamas le 7 octobre en Israël, les principales figures du groupe islamiste palestinien sont plus que jamais dans le viseur de l’État hébreu. Chef du bureau politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh a été tué dans une frappe mercredi à Téhéran, a annoncé le mouvement islamiste, accusant Israël d’avoir mené la frappe.

Mohammed Deif, Ismaïl Haniyeh, Marwan Issa, Yahya Sinouar, Saleh al-Arouri, Khaled Mechaal… Après l’attaque du Hamas en territoire israélien le 7 octobre, les principales figures du mouvement islamiste créé en 1987, pendant la première intifada palestinienne, et au pouvoir dans la bande de Gaza depuis 2007, se sont retrouvées en tête de la liste israélienne des personnes considérées comme responsables des événements.

Mohammed Deif, l’ennemi numéro un d’Israël 

Suspecté par Tel-Aviv d’être le cerveau de l’attaque du 7 octobre, le commandant suprême des Brigades Ezzedine al-Qassam, qui a rejoint le Hamas à la fin des années 1980 après un passage à la tête de l’Union étudiante des Frères musulmans, est depuis plus de 30 ans une cible prioritaire des services israéliens.

En charge des opérations militaires du mouvement depuis 2002, ce Gazaoui né en 1960 dans le camp de réfugiés de Khan Younès a fait ses armes aux côtés de Yahia Ayyache, un cadre militaire du Hamas éliminé par Israël en 1996.

Le seul cliché existant – non daté, mais antérieur à 2000 – de Mohammed Deif, le chef de la branche armée du Hamas.

C’est sous le commandement de Mohammed Deif que les Brigades Ezzedine al-Qassam se dotent de roquettes perfectionnées et commencent à lancer des incursions terrestres à partir de la bande de Gaza via des tunnels souterrains. Il est notamment accusé par Israël d’être le commanditaire de nombreux attentats-suicides contre des civils israéliens, au milieu des années 1990 et de 2000 à 2006.

Si son alias « el-Deif » signifie « l’invité » en arabe, en référence à sa propension à changer très fréquemment de cache, il est également connu sous le nom de Mohammed Diab, ou encore sous son nom de guerre Abou Khaled. Son nom de naissance est Mohammed al-Masri.

Surnommé par les Israéliens « ben mavet » (« le fils de la mort », en hébreu) et rompu aux règles de la clandestinité et du secret, il a échappé à plusieurs tentatives d’assassinat, notamment en 2002, 2003 et 2006. Il aurait été grièvement blessé lors de cette dernière tentative – une paraplégie est évoquée par les responsables israéliens mais cette information n’a jamais été confirmée par le Hamas.

En 2014, sa femme et deux de leurs enfants sont tués dans le bombardement de leur maison dans le nord-ouest de la ville de Gaza. La dernière photo connue de lui date de 1989.

Début juillet, l’armée israélienne a dit que « de plus en plus de signes » laissaient présager que Mohammed Deif avait été tué dans une frappe menée dans la bande de Gaza. Mais aucune confirmation de sa mort n’a été annoncée.

Ismaïl Haniyeh, le chef politique

Né en 1963 dans le camp de réfugiés de Chati, l’un des plus pauvres de Gaza, le très médiatique Ismaïl Haniyeh figurait au même titre que Mohammed Deif, le chef de la branche armée du Hamas, tout en haut de la liste des cibles prioritaires d’Israël. 

À la tête du bureau politique du Hamas depuis mai 2017, il séjournait en alternance en Turquie et au Qatar depuis son exil volontaire en décembre 2019.

Militant de la première heure du Hamas, l’ancien doyen de l’Université islamique de Gaza et diplômé de littérature arabe avait effectué plusieurs séjours dans les prisons israéliennes à la fin des années 1980, alors que Tel-Aviv l’accusait de diriger l’aile sécuritaire du Hamas.

Devenu membre du bureau politique du mouvement islamiste et secrétaire particulier du fondateur du Hamas, le cheikh Ahmad Yassine (tué par une frappe israélienne en 2004), il avait gravi tous les échelons du parti et fini par mener celui-ci à la victoire lors des législatives palestiniennes de 2006.

Nommé Premier ministre d’un gouvernement d’union, il avait été destitué par le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas en 2007, après que le Hamas avait pris par la force le contrôle de la bande de Gaza. Pragmatique, il avait appelé à plusieurs reprises à la réconciliation avec le Fatah, en vain.

À l’époque, Shaul Mofaz, alors ministre israélien de la Défense, l’avait directement menacé de mort. En direct à la radio, il avait affirmé qu’Ismaïl Haniyeh, qui avait déjà échappé à une tentative d’assassinat en septembre 2003, n’était pas à l’abri d’une élimination au cas où son mouvement « poursuivrait ses activités terroristes ».

Réélu à la tête du Hamas en 2021, Abou al-Abd – son nom de guerre – figurait depuis 2018 sur la liste américaine des « Terroristes mondiaux expressément désignés » (SDGT). Washington l’accusait spécifiquement d’entretenir « des liens étroits avec l’aile militaire du Hamas » et d’être « un partisan de la lutte armée, y compris contre les civils ».

« Nous sommes sur le point de remporter une grande victoire », avait-il assuré le 7 octobre, après l’attaque meurtrière du Hamas sur le sol israélien, dans une allocution télévisée diffusée par Al-Aqsa TV, chaîne de télévision du Hamas.

Ismaïl Haniyeh auprès du fondateur du Hamas, le cheikh Ahmad Yassine (tué par une frappe israélienne en 2004), à Gaza, le 13 juin 2003.

Le même jour, sur des images diffusées par les médias du Hamas, il était apparu aux côtés d’autres cadres du mouvement dans son bureau de Doha, jubilant devant un écran de télévision diffusant des images de l’attaque meurtrière. Il avait ensuite prononcé, avec ses acolytes, une prière pour « remercier Dieu pour cette victoire ».

Le chef politique du Hamas a été tué le 31 juillet dans une frappe visant sa résidence à Téhéran, selon le mouvement islamiste palestinien et les Gardiens de la révolution iraniens. Ismaïl Haniyeh était à Téhéran pour assister à la cérémonie de prestation de serment devant le Parlement du président iranien, Massoud Pezeshkian. 

Israël n’a pas commenté cette information.

Marwan Issa, « l’homme de l’ombre »

Bras droit de Mohammed Deif, Marwan Issa faisait partie des cibles prioritaires de l’unité spéciale d’agents du Shin Beth et du Mossad, baptisée Nili, créée pour traquer et éliminer les responsables de l’attaque du 7 octobre.

Le chef adjoint de la branche militaire du Hamas avait échappé à plusieurs tentatives d’assassinat, dont une en 2006, selon le quotidien israélien Yedioth Aharonoth. Il participait alors à une réunion à laquelle assistait aussi Mohammed Deif. Selon la même source, sa maison aurait été bombardée à deux reprises, en 2014 et 2021.

 

« En Israël, on dit que la guerre psychologique avec le Hamas ne prendra pas fin tant que Marwan Issa sera en vie », précisait Yedioth Aharonoth.

Le 18 mars 2024, la Maison Blanche a annoncé la mort du numéro trois du Hamas lors d’une opération de l’armée israélienne à Gaza. Une « élimination » confirmée deux semaines plus tard par le porte-parole de l’armée israélienne.

Yahya Sinouar, le chef du Hamas à Gaza

Élu en février 2017 à la tête du Hamas dans la bande de Gaza – un poste occupé avant lui par Ismaïl Haniyeh –, Yahya Sinouar n’est pas un simple responsable politique. Né en 1962 dans le camp de réfugiés de Khan Younès, dans le sud de la bande côtière palestinienne, il est surtout un des fondateurs des brigades Ezzedine al-Qassam et de la section « Majd », présentée comme une unité de renseignements de la branche armée du Hamas. 

Yahya Sinouar, le chef du Hamas à Gaza, lors d'un rassemblement dans le territoire palestinien, le 24 mai 2021.

Arrêté par Israël en 1988 pour « activité terroriste », puis condamné à quatre peines de perpétuité, il est libéré en octobre 2011 dans le cadre de l’accord d’échange d’un millier de prisonniers palestiniens contre la remise en liberté du soldat franco-israélien Gilad Shalit, détenu pendant cinq ans par le Hamas. Son nom figure depuis septembre 2015 sur la liste de « terroristes internationaux » des États-Unis. 

Il est lui aussi suspecté par les Israéliens d’être l’un des principaux architectes des attaques du 7 octobre.

Saleh al-Arouri, ex-numéro deux du Hamas

Vice-président du bureau politique du Hamas depuis 2017, Saleh al-Arouri était considéré comme l’un des principaux dirigeants politiques du groupe jusqu’à sa mort le 2 janvier 2024, victime d’une frappe israélienne sur le bureau du Hamas à Dahiyeh, un bastion du Hezbollah dans la banlieue sud de Beyrouth, au Liban.

Accusé par Tel-Aviv et Washington de financer et diriger les opérations militaires du Hamas en Cisjordanie occupée – dont il était originaire –, il figurait depuis septembre 2015 sur la liste américaine des Terroristes mondiaux expressément désignés (SDGT).

Le Département d’État américain offrait, via le programme « Rewards for Justice », des récompenses pouvant atteindre 5 millions de dollars pour toute information permettant de localiser le numéro deux du Hamas.

Saleh Al-Arouri (à gauche), le numéro 2 du Hamas, lors d'une conférence de presse avec Azzam Ahman, un dirigeant du Fatah, en octobre 2017 au Caire.

Incarcéré dans les prisons israéliennes entre 1995 et 2010, puis exilé en Syrie avant de rejoindre la Turquie, Saleh al-Arouri vivait au Liban.

Selon les renseignements israéliens, cités par les médias locaux, il était impliqué dans la planification de l’enlèvement et le meurtre de trois adolescents israéliens en Cisjordanie occupée au cours de l’été 2014.

Le 25 octobre, Al-Manar, la chaîne télévisée du Hezbollah, faisait état d’une réunion entre le secrétaire général du parti chiite libanais, Hassan Nasrallah, le chef du Djihad islamique Ziad al Nakhala et Saleh al-Arouri.

Le 31 octobre, l’armée israélienne a démoli à l’explosif à Aroura, en Cisjordanie occupée, la maison vide du numéro deux du Hamas palestinien. Le 21 octobre, elle avait effectué une descente à Aroura où elle avait arrêté une vingtaine de personnes dont un frère de Saleh al-Arouri et neuf de ses neveux.

Après son assassinat à Beyrouth, le Hamas a promis de poursuivre la « courageuse résistance » à Gaza.

Khaled Mechaal, l’exilé

Longtemps chef en exil du Hamas, avant d’être remplacé par Ismaïl Haniyeh, Khaled Mechaal est depuis plusieurs décennies une figure tutélaire du mouvement islamiste palestinien.

Farouche opposant au processus de paix avec Israël, le chef de file des radicaux du Hamas, qui a quitté sa Cisjordanie natale en 1967 pour le Koweït, s’engage dans la confrérie des Frères musulmans avant de participer au développement du Hamas dont il dirigera la branche politique à partir de 1996.

Le chef en exil du Hamas Khaled Mechaal lors d'une conférence à Doha, le 1er mai 2017.

Après le Koweït, il s’installe en Jordanie en 1990. En septembre 1997, il échappe à une tentative d’assassinat du Mossad à Amman.

L’opération s’était soldée par l’interpellation des deux espions chargés de lui injecter du poison dans le cou. Ayant provoqué une crise diplomatique entre Amman et Tel-Aviv, elle reste l’un des plus célèbres revers des services israéliens. Khaled Mechaal doit sa survie au roi Hussein de Jordanie qui obtient du gouvernement israélien de Benjamin Netanyahu l’antidote de la substance toxique, en échange du retour des espions israéliens déguisés.

En 1999, il est expulsé de Jordanie avec d’autres cadres du Hamas et trouve refuge en Syrie, d’où il est propulsé à la tête du mouvement après l’assassinat par Israël de cheikh Yassine, puis de son successeur Abdelaziz Al-Rantissi en 2004.

En janvier 2012, il quittera la Syrie pour le Qatar, opposé à la campagne de répression du président Bachar al-Assad contre l’opposition.

En décembre 2012, l’ancien professeur de physique effectue une visite historique à Gaza, une première pour lui, à l’occasion des 25 ans du Hamas. Sur place, il réaffirme son refus de reconnaître l’État hébreu. « La Palestine de la mer au fleuve, du nord au sud, est notre terre et notre nation, dont on ne peut céder ni un pouce ni une partie.

Nous ne pouvons pas reconnaître de légitimité à l’occupation de la Palestine ni à Israël », déclare-t-il devant quelque 100 000 Palestiniens rassemblés sur la place de la Katiba, dans la ville de Gaza.

Paradoxalement, un mois avant, l’intransigeant Khaled Mechaal s’était dit favorable à l’établissement d’un État palestinien sur les territoires occupés en 1967, soit la Cisjordanie, la bande de Gaza et Jérusalem-Est pour capitale – c’est-à-dire à côté et non à la place d’Israël, comme le prévoyait la doctrine officielle du Hamas…

En retrait depuis l’élection d’Ismaïl Haniyeh à la tête du bureau politique du Hamas en 2017, Khaled Mechaal reste cependant très influent au sein du mouvement islamiste. Le 11 octobre, quelques jours après les attaques terroristes menées sur le sol israélien, il appelle depuis Doha le monde musulman à manifester pour soutenir les Palestiniens et les peuples des pays voisins à se joindre à la lutte contre Israël.

Les autres dirigeants morts depuis le 7 octobre

Si les principales figures du Hamas et de son bras armé échappent toujours aux Israéliens, plusieurs hauts responsables basés à Gaza ont été tués par des frappes israéliennes depuis le 7 octobre.

Le 10 octobre, le mouvement palestinien annonce la mort de deux membres de son bureau politique : Zakaria Mouammar et Jawad Abou Shamala.

Le premier dirigeait la section économique tandis que le deuxième coordonnait les liens avec les autres factions palestiniennes, en tant que chef du département des relations nationales.

Publié le 10 octobre sur le site du Hamas, ce photomontage annonce la mort de Zakaria Mouammar et celle de Jawad Abou Shamala.

Le 14 octobre, l’armée israélienne affirme avoir tué dans des attaques aériennes deux commandants du Hamas : Mourad Abou Mourad, décrit comme « responsable d’une grande partie de l’offensive meurtrière » du 7 octobre, et Ali Qadi, « un commandant de l’unité ‘Nukhba’ du Hamas, qui a mené l’attaque contre les localités israéliennes proches de la bande de Gaza ».

Selon l’armée israélienne, Ali Qadi, âgé de 37 ans et originaire de Ramallah en Cisjordanie occupée, avait été libéré dans le cadre de l’échange de détenus consécutif à la libération de Gilad Shalit en 2011.

Le 17 octobre, le mouvement islamiste fait état de la mort d’Aymane Nofal, un membre du conseil militaire supérieur des Brigades Al-Qassam, tué par une frappe israélienne. L’armée israélienne confirme avoir éliminé le responsable de la zone centrale de l’enclave palestinienne au sein de la branche armée du Hamas, qu’elle accuse d’avoir « mené de nombreuses attaques contre Israël », « supervisé la confection d’armes » et « pris part à l’organisation de l’enlèvement de Gilad Shalit » en 2006.

Aymane Nofal, un membre du conseil militaire supérieur des Brigades Al-Qassam, photographié à Khan Yunis, dans le sud de la bande de Gaza, le 12 septembre 2023.

En février 2011, Aymane Nofal, alors détenu en Égypte, avait profité du soulèvement contre le président Hosni Moubarak pour s’enfuir de la prison dans laquelle il était incarcéré pour rallier la bande de Gaza via un tunnel de contrebande.

Toujours le 17 octobre, l’armée et les services de renseignement israéliens annoncent « l »élimination » d’Oussama al-Mazini, ancien ministre de l’Éducation et membre du bureau politique du Hamas dans la bande de Gaza. Il était également le chef du Conseil de la Choura du mouvement islamiste (Conseil de la Consultation).

 

Première femme élue au bureau politique du Hamas, Jamila Chanti est tuée le 18 octobre dans un raid israélien à Jabaliya, dans le nord de la bande de Gaza.

Native de Gaza, elle avait adhéré au mouvement des Frères musulmans en Égypte en 1977, avant de rejoindre le Hamas dix ans plus tard. Rentrée à Gaza en 1990, elle intègre les structures organisationnelles du mouvement.

Jamila al-Chanti photographiée dans la ville de Gaza, le 8 juin 2014.

Elle est élue en 2006 députée au Conseil législatif, le Parlement de l’Autorité palestinienne qui ne se réunit plus depuis que le Hamas a pris le contrôle de la bande de Gaza en 2007, puis nommée ministre des Affaires féminines du gouvernement Hamas de Gaza en 2013.

Le 19 octobre, une agence de presse liée au Hamas annonce la mort de Jehad Mheisen, commandant des forces de sécurité nationales dirigées par le Hamas. Des membres de sa famille ont également péri dans la frappe israélienne qui a visé son domicile.

Jehad Mheisen, commandant des forces de sécurité nationales à Gaza et membre du Hamas, photographié en 2017.

Plus récemment, le 31 octobre, l’armée israélienne annonce avoir éliminé Nasim Abu Ajina, un haut commandant du Hamas impliqué dans les attaques du 7 octobre.

Dans un communiqué publié sur Telegram par l’armée et l’Agence de sécurité israélienne, il est accusé d’avoir « dirigé le massacre du 7 octobre dans le kibboutz Erez et le Moshav Netiv HaAsara ».

 

« Dans le passé, Abu Ajina avait commandé le système aérien du Hamas et participé au développement des capacités des drones et des parapentes de l’organisation terroriste, ont précisé ces sources. Son élimination porte un coup sévère à la capacité de l’organisation terroriste du Hamas de perturber les opérations terrestres de Tsahal ».

Dans la soirée, l’armée israélienne a bombardé le plus grand camp de réfugiés de la bande de Gaza, celui de Jabaliya, pour « éliminer » Ibrahim Biari, présenté comme l’un des responsables des attaques du 7 octobre, et qui se trouvait dans « un vaste complexe de tunnels souterrains d’où il dirigeait les opérations ». Selon le ministère de la Santé du gouvernement du Hamas, ce bombardement a fait plus de 50 morts et des centaines de blessés.

france24

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