Ismaïl Haniyeh : des Frères musulmans à la direction politique du Hamas

Tué mercredi en Iran, le chef politique du Hamas Ismaïl Haniyeh était perçu comme appartenant à l’aile modérée du mouvement. Il s’était fait connaître sur la scène internationale en 2006 en devenant Premier ministre de l’Autorité palestinienne après la victoire inattendue de son mouvement aux élections législatives. 

Il était le visage de la diplomatie intransigeante du Hamas. Ismaïl Haniyeh, l’un des leaders du mouvement palestinien, a été tué mercredi 31 juillet dans une frappe à Téhéran. Le Hamas, en guerre contre Israël, accuse ce dernier d' »assassinat » et promet une réponse.

À la tête du bureau politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, âgé de 61 ans, résidait à Doha.

Il avait assisté mardi à Téhéran à la cérémonie d’investiture du président iranien réformateur Massoud Pezeshkian. 

Il prônait une stratégie combinant lutte armée et engagement politique au sein du Hamas, tout en entretenant des relations solides avec les dirigeants des divers mouvements palestiniens. En exil volontaire, il vivait entre le Qatar et la Turquie. 

Membre clé du Hamas dès sa création 

Ismaïl Abdel Salam Haniyeh, dont le surnom est Abu Al-Abd, est né en 1963 dans le camp de réfugiés de Chati, l’un des plus pauvres de Gaza. Il commence son militantisme au sein de la branche étudiante des Frères musulmans – une organisation islamiste sunnite fondée en 1928 en Égypte – à l’Université islamique de Gaza, dont le Hamas est issu. En 1983, il devient membre de l’union des étudiants de cette université. 

Il rejoint le Hamas à création, quatre ans plus tard, lors de la première Intifada, un mouvement populaire palestinien massif qui s’étend jusqu’à la signature des accords d’Oslo en 1993. Pendant cette période, Ismaïl Haniyeh est emprisonné à plusieurs reprises par Israël et expulsé durant six mois dans le sud du Liban. 

Il devient un protégé du fondateur Cheikh Ahmed Yassine jusqu’à devenir son proche conseiller en 2003. Ismaïl Haniyeh est un partisan de longue date de l’entrée du Hamas en politique, déclarant en 1994 que former un parti politique permettrait au mouvement « de gérer les développements émergents ».

D’abord rejetée par les dirigeants du Hamas, cette idée finit finalement par être approuvée. 

Ismaïl Haniyeh auprès du fondateur du Hamas, le cheikh Ahmad Yassine (tué par une frappe israélienne en 2004), à Gaza, le 13 juin 2003.
C’est en 2006 qu’il se fait connaître aux yeux du monde en devenant Premier ministre de l’Autorité palestinienne après la victoire surprise de son mouvement aux législatives.

Après avoir assumé la direction d’un gouvernement d’union, il soutient la création d’un État palestinien « en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, avec Jérusalem comme capitale », contredisant ainsi la position officielle du Hamas qui, à cette époque, ne reconnaît pas ces frontières.

En 2007, sous sa direction, le Hamas évince l’Autorité palestinienne et ses forces de sécurité de la bande de Gaza, au prix d’une quasi-guerre civile avec le Fatah, le parti dirigé par le président Mahmoud Abbas.

L’Autorité, dominée par le Fatah, n’exerce plus son pouvoir que sur la Cisjordanie, occupée par Israël depuis cinquante ans. 

En 2017, Ismaïl Haniyeh est désigné à la tête du bureau politique du Hamas, succédant ainsi à Khaled Mechaal, en exil au Qatar. Réélu à la tête du Hamas en 2021, il figure depuis 2018 sur la liste américaine des « Terroristes mondiaux expressément désignés » (SDGT). 

Interlocuteur clé dans les négociations 

Le 7 octobre 2023, après l’attaque meurtrière du Hamas sur le sol israélien, il déclare, dans une allocution télévisée diffusée par Al-Aqsa TV, chaîne de télévision du Hamas : « Nous sommes sur le point de remporter une grande victoire ». Le même jour, il apparaît en train de discuter avec d’autres cadres du mouvement dans son bureau à Doha, jubilant devant une télévision où sont diffusée des images de l’attaque meurtrière. 

Mais un flou demeure sur l’étendue de ce qu’Ismaïl Haniyeh savait de l’attaque avant le 7 octobre.

Le plan, mis en place à Gaza par le conseil militaire du Hamas et dirigé par Mohammed Deif – l’armée israélienne affirme l’avoir tué début juillet, mais le Hamas n’a pas confirmé cette information – était à ce point secret que certains membres du mouvement palestinien ont été surpris par son lancement et son ampleur.  

Musulman sunnite, Ismaïl Haniyeh joue cependant un rôle majeur dans le renforcement des capacités de combat du Hamas.

Il entretient les liens avec l’Iran chiite, qui apporte publiquement un soutien au Hamas, et vivant en exil à Doha depuis 2019, il est un interlocuteur clé auprès des médiateurs internationaux lors des négociations. Il souligne à plusieurs reprises que le groupe libérerait les otages que si un cessez-le-feu complet était instauré. 

Le 10 avril 2024, trois de ses fils et quatre de ses petits-enfants sont tués dans une frappe israélienne.

Ismaïl Haniyeh rejette les accusations d’Israël présentant ses fils comme des « agents militaires de l’organisation terroriste ». Lorsqu’il lui est demandé si leur mort affecterait les négociations visant à parvenir à un cessez-le-feu, il déclare que « les intérêts du peuple palestiniens sont au-dessus de tout ». 

Si le chef du Hamas adopte une attitude inflexible en public, des diplomates arabes et des représentants dans la région le considèrent comme quelqu’un de relativement pragmatique et modéré, en comparaison avec la branche armée du Hamas. Aux yeux d’Israël, le chef du bureau politique du Hamas n’était qu’un “mort en sursis”. 

Reuters 

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