Bénéficiant d’un important engouement, la vice-présidente américaine Kamala Harris dispose actuellement de plus de fonds de campagne que son rival Donald Trump. De quoi conforter sa position dominante auprès des délégués démocrates, qui doivent confirmer à partir de ce jeudi 1er août sa candidature pour la présidentielle.
A moins de cent jours du vote crucial, les dons affluent dans le camp démocrate. Kamala Harris, actuelle vice-présidente des Etats-Unis et candidate de son parti pour la présidentielle de novembre, a récolté pas moins de 200 millions de dollars la semaine dernière. Moins de 36 heures après l’annonce du retrait de Joe Biden dimanche 21 juillet, l’équipe de campagne de Kamala Harris avait en fait déjà levé 100 millions de dollars, selon son cabinet. Au bout d’une semaine, cette somme avait doublé, faisant de ces quelques jours « l’une des meilleures semaines politiques depuis les 50 dernières années », a déclaré Mitch Landrieu, coprésident de la campagne démocrate, sur MSNBC dimanche dernier.
Un changement de dynamique important, décrypte Marie-Christine Bonzom, politologue spécialiste des Etats-Unis : « La collecte de fonds s’était tarie, surtout chez les grands donateurs, pour faire pression pour que Biden se retire. Maintenant, le flot repart et il est énorme. » Et il faut encore ajouter à ce montant les fonds de campagne de Joe Biden inutilisés, qui « lui ont été automatiquement transférés comme elle était colistière », précise Marie-Christine Bonzom. D’après le Brennan Center for Justice, un institut de politiques publiques, ce butin atteindrait les 90 millions de dollars. Le seul comité de campagne de Kamala Harris disposerait donc, à ce jour, de plus de 294 millions de dollars.
Dorénavant « on top of the ticket », c’est-à-dire aspirant à la présidence et non à la vice-présidence, Kamala Harris devrait être investie sans surprise candidate par le Comité national démocrate (DNC) lors de la convention du 19 au 22 août. La date butoir pour se présenter avait en effet été fixée au 30 juillet, et elle ne fait face à aucune concurrence. A partir de ce jeudi 1er août et jusqu’à lundi, les délégués du parti démocrate, qui lui ont déjà majoritairement apporté leur soutien, peuvent voter pour officialiser sa candidature. Rien ne semble donc pouvoir endiguer les dons.
« Une course folle à l’argent »
D’autant qu’en la matière, les Etats-Unis ne connaissent aucune limite lors des campagnes électorales. Une personne physique ne peut en effet pas verser plus de 3 300 dollars à un candidat pour sa campagne. Et pas plus de 5 000 dollars à un Comité d’action politique (PAC), une organisation privée ayant pour mission d’aider un candidat. Des montants similaires à ceux de la France, où un individu ne peut consentir à plus de 4 600 euros de dons lors des élections présidentielles.
Mais, depuis 2010 et l’arrêt Citizens United v. Federal Election Commission (FEC), il est possible de verser de sommes non plafonnées à des « Super PACs », créés justement pour lever et dépenser des sommes illimitées dans le cadre d’une élection.
Une décision qui a entraîné « une course folle à l’argent », surtout lorsque « 60 % des dons proviennent de riches donateurs », explique Marie-Christine Bonzom. Dans le cadre de la campagne présidentielle de cette année, Future Forward, un Super PAC soutien des démocrates, a par exemple reçu « 150 millions de dollars en moins de 24 heures à la suite du retrait de Joe Biden », rapporte Amy Porter, porte-parole de Democrats Abroad France.
Campagne 2.0
Pour faire monter la cagnotte, Kamala Harris peut aussi compter sur certains événements atypiques qui rapportent gros. Quelques heures suivant l’abandon de Joe Biden, plus de 90 000 supportrices de Kamala Harris se sont réunies… sur la plateforme de visioconférence Zoom lors d’un appel organisé par le groupe « Win With Black Women ».
En l’espace de trois heures, 1,5 million de dollars a été levé.
Les jours suivants, des réunions similaires, regroupant à chaque fois des communautés différentes – Win With Black Men, White Women ou encore White Dudes… – se sont succédé. Une méthode, déjà utilisée par Joe Biden lors de la pandémie de Covid, mais d’une ampleur « totalement nouvelle », affirme Amy Porter, se réjouissant que « tous les groupes des différentes communautés soient représentés ». Certains appels ont réuni plus de 150 000 personnes.
Au moment où nous écrivons ces lignes, Kamala Harris dispose d’environ 78 millions de dollars de fonds de campagne de plus que Donald Trump. Un avantage, certes, mais pas une garantie de victoire.
Marie-Christine Bonzom tient ainsi à rappeler qu’en 2016, Hillary Clinton avait mené une campagne avec près de 230 millions de dollars de plus que Donald Trump, et avait pourtant perdu. Car, aime conclure la spécialiste, même au pays du dollar roi, « ce ne sont pas forcément les plus riches qui gagnent, et heureusement d’ailleurs ».
Challenges