Lorsque le Président Adama Barrow a été élu le 04 Décembre 2021, pour un second mandat de cinq ans, à la majorité absolue de 53% des voix, devant ses cinq autres concurrents, le constat avait été fait que la Gambie s’était engagée dans l’ère des mandats à problème.
On a comme oublié, que le Président Barrow avait fait une promesse de faire un mandat de transition de trois ans, au regard des péripéties qui ont jalonné son accession au pouvoir. La perspective était belle pour bon nombre de ressortissants de l’Afrique de l’Ouest, de même que les partenaires internationaux de la Gambie de voir que le chapitre de Yahya Jammeh était définitivement clos.
Toutefois plusieurs questions restaient posées, notamment sur les nouveaux challenges, auxquels le régime d’Adama Barrow légitimé par cette élection, quoique contestée, devait faire face.
C’est comme une « demande sociale » que la question de la réconciliation, de la justice et de la réforme constitutionnelle devant marquer l’entrée dans la 3ème république, sonnaient comme un leitmotiv et donnaient une résonance particulière à ce nouveau régime.
Si à priori les deux premières semblaient s’imposer comme une voie évidente pour restaurer la stabilité et la Paix en Gambie, en revanche la dernière comportait les germes d’un nouveau vent de contestations politiques, voire d’instabilité, avec un air de déjà vu ailleurs.
La réforme constitutionnelle qui devait tourner la page Jammeh avec « sa Constitution » de 1997 semble ne pas être à l’ordre du jour. Du moins si l’on en juge par les actes que pose le pouvoir du Président Adama Barrow, notamment sur la question de son hypothétique 3ème mandat.
L’intéressé lui-même ne s’est pas prononcé dessus, mais ses partisans le réclame avec des actes à l’appui.
Si l’on se réfère au Draft de la nouvelle Constitution gambienne de Mars 2020, qui a nécessité deux ans de travaux, il y est inscrit une volonté de limitation des mandats du président à DEUX dont celui en cours, et l’encadrement de ses pouvoirs de nomination, d’une part, et d’autre part, le renforcement de l’indépendance de la justice et une commission électorale indépendante. Last but not least, l’élection du président de la république à la majorité absolue des voix, qui est la porte ouverte à un éventuel deuxième tour.
La conséquence immédiate qui en découle est que les bases de la 3ème république sont posées, et que le Président Barrow, n’est plus éligible en 2026 au terme de son mandat.
La pomme de discorde viendrait de là , car ses partisans bien que favorables à cette disposition lui ôte tout caractère rétroactif, ce qui n’est pas la position de l’opposition et ceux de la commission de révision de la Constitution.
Le parlement gambien à qui le projet a été soumis a tranché par un vote à 55% pour et 45% contre, alors que 75% des voix étaient requis pour que le projet soit adopté.
Ainsi, de fait comme de Jure, la Gambie demeure jusqu’à l’adoption d’une nouvelle Constitution, sous régime de la Constitution de 1997 qui elle, n’empêche aucunement le Président Barrow de briguer un 3ème mandat en 2026.
En revanche personne ne peut aujourd’hui prédire la réaction de l’opposition pour qui, ce vote de l’Assemblée est comme un coup de massue.
Va-t-on vers les mêmes tourments vécus ici et là en Afrique de l’ouest avec les résultats que cela a produit ? La position du Président Adama Barrow sera déterminante de l’issue que cette situation angoissante que la Gambie va vivre les prochains mois, et qui sont lourdes d’incertitudes. Celle de l’opposition ne l’est pas moins.
En effet, qu’elle opte pour la radicalité, exigeant la limitation du mandat, et donc l’inéligibilité de Barrow, on aura une confrontation, ce n’est pas souhaitable. Si maintenant elle accepte volontiers d’aller à l’élection avec le Président sortant, laissant le soin aux électeurs « supposés majoritairement favorables à la nouvelle constitution » de trancher, le pays sera préservé. La balle est donc dans le camp des deux parties. L’avenir proche nous dira.
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