De Paris à Washington, la difficulté à rendre les cours d’eau urbains baignables

Connu jusqu’à récemment comme un torrent de détritus aux rives constellées de pneus abandonnés, l’Anacostia a bénéficié d’un grand plan pour la rendre plus propre, comme la Seine en France.

Si les triathlètes des JO-2024 ont finalement été autorisés à nager dans la Seine mercredi à Paris, les nageurs d’un cours d’eau d’une autre capitale attendent toujours : l’Anacostia, qui traverse Washington, attend encore d’être autorisé à la baignade.

Taux trop élevés de bactéries fécales E.coli
Connu jusqu’à récemment comme un torrent de détritus aux rives constellées de pneus abandonnés, l’Anacostia a bénéficié d’un grand plan pour la rendre plus propre, comme la Seine en France. Interdite de baignade depuis 1971, la qualité de son eau était suffisamment prometteuse pour que des locaux organisent une première baignade légale.

Mais les plongeurs volontaires l’attendent toujours : des événements ont été annulés l’an dernier et encore cet été. La faute, comme à Paris avec une épreuve olympique de triathlon retardée cette semaine, à une mauvaise météo et des taux trop élevés de la bactérie fécale E.coli.

Dennis Chestnut, au bord d’une des zones marécageuses de cette rivière, se rappelle pourtant de son enfance, dans les années 1950-1960, à y prendre des bains, quand les piscines publiques n’étaient pas accessibles aux enfants noirs comme lui ou trop éloignées. Il est désormais l’une des quelque 200 personnes qui attendent le feu vert pour retourner dans un cours d’eau qui circule à travers des quartiers plutôt pauvres et Afro-Américains de la capitale américaine.

Décharge
« La Seine et l’Anacostia sont toutes les deux touchées par E.coli, ce qui est souvent le cas pour les cours d’eau dans des zones avec de vieux égouts », confirme Quinn Molner, directeur des opérations à Anacostia Riverkeeper, l’association qui tente d’y organiser une baignade.

Comme à Paris, les autorités ont investi des centaines de millions de dollars dans de nouvelles infrastructures.

Leur objectif : limiter les rejets d’eaux non traitées venant des égouts dans la rivière en cas de grosse pluie. A Washington, de nouveaux tunnels doivent réduire les rejets dans l’Anacostia de 98%. Certaines zones de la rivière sont ainsi baignables « jusqu’à 80% du temps », se félicite Quinn Molner.

« Les jours où l’on peut se baigner, c’est bien, mais vous savez, ce qu’on veut, c’est une rivière vraiment baignable » au quotidien, reprend Dennis Chestnut.

Ses baignades, enfant, se faisaient au bord d’une décharge qu’il pointe aujourd’hui du doigt comme l’une des origines des pollutions qui ont touché le cours d’eau.

Traversant l’Est défavorisé de Washington, l’Anacostia a été longtemps le réceptacle de décharges sauvages et de pollution industrielle, notamment aux PCB, des polluants interdits en 1979 aux Etats-Unis mais dont des traces, gravement toxiques pour la santé, subsistent dans les sédiments.

Problème pour la faune locale
Si ces polluants sont « présents en si petites doses que leur impact clinique est négligeable » pour les humains selon Trey Sherard de l’association Anacostia Riverkeeper, ils constituent un problème pour la faune locale, et notamment les poissons. Les autorités alertent ainsi sur les dangers de la consommation de produits de la pêche dans l’Anacostia et le Potomac, le grand fleuve de la capitale, dans laquelle elle se jette.

Et pour s’attaquer à cette pollution, un projet lancé en 2013 s’attelle à nettoyer cette vase, au fond de l’eau, dans laquelle se cache ces polluants chimiques parfois qualifiés d’éternels.

Avec ces inquiétudes qui subsistent, Dennis Chestnut dit que nombre de ses amis n’ont pas voulu s’inscrire pour participer à ces côtés à une première baignade officielle dans l’Anacostia. Mais lui est toujours aussi motivé : « Je fais en sorte qu’ils puissent se baigner à l’avenir, et leurs enfants et petits-enfants bénéficieront de ce que nous faisons », dit-il.

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