La Haute Cour de Dublin a estimé jeudi que le gouvernement irlandais violait la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne en n’hébergeant pas les demandeurs d’asile arrivant sur son sol. Depuis des mois, les migrants qui viennent d’arriver en Irlande doivent passer plusieurs semaines à la rue avant d’obtenir une place dans un centre d’hébergement.
Le gouvernement irlandais ne respecte pas le droit international, a estimé jeudi 1er août la Haute Cour de Dublin. La justice avait été saisie par la Commission irlandaise des droits de l’Homme et de l’égalité (IHREC), pour contraindre les autorités irlandaises à remplir leurs obligations légales en matière d’asile.
La majorité des migrants qui débarquent à Dublin se voient forcés de passer plusieurs nuits – des semaines pour certains – à la rue, sous des tentes, faute de place dans les hébergements gérés par l’État. Des campements de tentes, régulièrement démantelés, se reforment continuellement dans le centre-ville de la capitale irlandaise ces derniers mois.
Droit à la dignité
En ne répondant pas aux besoins fondamentaux des demandeurs d’asile, l’État irlandais « viole les droits de ces personnes tels que prévus à l’article 1 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne », a déclaré le juge. Le gouvernement enfreint notamment le droit à la dignité en ne fournissant pas à ces personnes un logement adéquat et un accès à des installations d’hygiène de base et aux produits de première nécessité.
La Haute Cour s’est en revanche abstenue d’émettre des ordonnances obligatoires, pourtant demandées par l’IHREC, ne forçant pas les autorités à prendre des mesures d’urgence pour se mettre en conformité avec le droit international.
Le juge a reconnu les « efforts acharnés » du gouvernement pour régler le problème de logement des demandeurs d’asile.
Pour tenter de répondre à la demande croissante, les autorités ont en effet monté à la hâte des centres faits de grandes tentes militaires et de lits superposés, en périphérie de la capitale. Mais ils ne suffisent pas à prendre en charge l’ensemble des exilés. Au 30 juillet, plus de 2 350 personnes attendaient encore de pouvoir bénéficier d’une place dans un centre d’accueil, d’après les chiffres officiels.
Des centres d’accueil « invivables »
Et pour ceux qui parviennent à décrocher une place, la désillusion est grande. Beaucoup préfèrent retourner à la rue, tant les conditions de vie sont difficiles dans les camps.
« On est 16 personnes par tente, c’est beaucoup. Le soir, le bruit des autres m’empêche de dormir », expliquait début juillet à InfoMigrants un Afghan de 25 ans, hébergé dans le centre de Crooksling, à une vingtaine de kilomètres du centre de Dublin.
« L’endroit est invivable », assurait aussi un Palestinien de 21 ans, originaire de Naplouse, qui y a dormi qu’une seule nuit mi-juin. « Nous recevons régulièrement des mails [des autorités] disant qu’il y a de la place pour nous là-bas mais je ne veux pas.
Je préfère vivre à la rue que dans ces centres », disait le jeune homme, assis sur le bord de sa tente près d’un canal à Dublin.
Les autorités irlandaises le reconnaissent : elles n’arrivent plus à faire face à l’arrivée de migrants venus pour la plupart de l’Angleterre voisine. « Depuis janvier, 9 700 personnes arrivées en Irlande ont demandé une place d’hébergement, soit une moyenne de 389 par semaine. C’est plus de cinq fois la moyenne de 2017-2019 », déclarait début juillet à InfoMigrants le ministère de l’Enfance, de l’Egalité, du Handicap, de l’Intégration et de la Jeunesse. Le premier pays de nationalité des exilés à demander l’asile en Irlande est le Nigéria, suivi de la Géorgie et de l’Algérie.
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