Depuis la réélection contestée de Nicolas Maduro, le 28 juillet, au moins une dizaine de personnes ont été tuées dans des manifestations dans le pays, notamment à Caracas. Les violences, commises par les forces de l’ordre et des groupes armés, ont fait plus d’une centaine de blessés et la cheffe de l’opposition a dénoncé « l’escalade cruelle et répressive du régime ». Au moment où le pouvoir essaie de garder le contrôle du pays, y compris par la peur, les groupes armés « colectivos » jouent le rôle d’alliés.
Depuis le 28 juillet, au moins 11 civils et un militaire ont perdu la vie au Venezuela, du fait de la répression des manifestations, selon l’ONG Foro Penal. Ces dernières se sont spontanément organisées après que Nicolas Maduro, au pouvoir au Venezuela depuis 2013 a été proclamé réélu pour un troisième mandat jusqu’en 2031, dimanche dernier.
Selon les résultats officiels, l’héritier du leader socialiste et bolivarien Hugo Chavez a obtenu 51,2% des voix contre 44,2% pour son adversaire Edmundo Gonzalez Urrutia.
Le 29 juillet, les forces de sécurité ont tiré des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc sur les Vénézuéliens après que des milliers d’entre eux sont descendus dans les rues en criant « Liberté, liberté ! » et « Ce gouvernement va tomber ! » pour contester le résultat de la présidentielle. Les photos et vidéos publiées sur les réseaux sociaux, notamment par des groupes armés, ces derniers jours, témoignent de la vio
lence qui sévit à Caracas. Ce 29 juillet, un groupe armé a tiré sur des manifestants de l’opposition qui se trouvaient près du palais de Miraflores, sous les yeux de policiers.
De son côté, Katiusca Camargo, opposante de Maduro, craint une nouvelle montée des violences et estime que le pouvoir veut dissuader la population de descendre dans la rue, avant le grand rassemblement de ce samedi, à l’initiative de Maria Corina Machado, cheffe de l’opposition : « On a des morts, des blessés, des détenus, des disparus… Les gens le savent.
Ils ont peur. Ils savent qu’ils vont se retrouver face à des gens armés, […] des loups féroces. »
Elle parle, en l’occurrence, des « colectivos » (collectifs en français). Dans le climat actuel de confrontation et de conflit politique entre le gouvernement et l’opposition, qui se reflète dans les rues, ils jouent un rôle de premier plan. Que ce soit à Petaré ou Caracas, ces bandes armées sèment la terreur en volant, dénonçant et même tuant des civils.
Il n’est pas difficile de les reconnaître et d’identifier leurs quartiers d’origine.
Sur un mur de la capitale, des graffitis représentent un homme fusil à la main, accompagné de la phrase : « Les colectivos prennent Caracas pour défendre la révolution ! » Dans les rues, surtout en cette période de trouble politique, on les voit souvent à moto, lourdement armés et cagoulés.
Origine
Il n’y a pas d’endroit au Venezuela plus emblématique de la révolution bolivarienne et des « colectivos » que le quartier populaire du 23 de Enero (le 23 janvier en espagnol) à Caracas. C’est là que sont basés la plupart de ces groupes. Ce sanctuaire pro-Chavez, où l’ex-président a vécu, abrite le palais présidentiel en son centre.
Au moins une centaine de « colectivos » sont recensés, soit plusieurs milliers d’hommes, qui sont devenus un élément fondamental de la répression du régime vénézuélien.
Le gouvernement fournirait directement les armes, telles que des fusils automatiques, des mitraillettes, des grenades à fragmentation et des gaz lacrymogènes, selon le journal espagnol El Pais.
Leur présence dans la vie politique et sociale du Venezuela n’est pas nouvelle.
Ces civils sont le bras armé de Nicolas Maduro dans les quartiers populaires. Leurs partisans les appellent les « chevaliers d’acier » sur leurs motos et les considèrent comme les plus ardents défenseurs de la révolution bolivarienne du Venezuela. Pourtant, aujourd’hui, ils ressemblent davantage à des gangs criminels dotés d’un immense pouvoir de contrôle social. L’ancienne procureure générale, Luisa Ortega (2007 – 2017), les définit comme des « groupes civils armés en marge de la loi ».
Le terme « colectivos » trouve son origine dans les groupes de guérilla vénézuéliens dans les années 1960.
Mais la révolution bolivarienne de Chavez se l’est approprié. « Le mot « colectivos » est assez fantasmé au Venezuela. Il décrit des réalités très différentes. Au moment du rétablissement de la démocratie, la révolution cubaine éclate de l’autre côté de la mer des Caraïbes. Et ça va donner l’idée à des groupes guérilleros de fomenter une guérilla au Venezuela », explique Thomas Posado, chercheur à l’université de Rouen, spécialiste du Venezuela.
Dès la fin des années 1960, les guérillas vénézuéliennes capitulent et la paix revient. Certains restent, gardent les armes, et vont devenir des embryons de ces collectifs. Ce sont des gens qui ont toujours conscience que le rapport de force sera armé et qui gardent un discours politisé.
Contrôle territorial
Selon le think tank américain Insight Crime, les « colectivos » prennent de l’ampleur en 2002 après deux tentatives de renversement du pouvoir : un coup d’État militaire contre Hugo Chavez, alors président du Venezuela, et une grève dans le secteur pétrolier. Au départ, le gouvernement les présente comme des groupes sociaux qui travaillaient sur des projets d’éducation et de production dans le cadre de l’organisation communautaire promue par Chavez.
Depuis, Nicolas Maduro leur a confié la responsabilité de distribution et contrôle de la nourriture, notamment dans les zones défavorisées.
Avec les différents événements marquants survenus au cours des 20 dernières années sur ce territoire, plusieurs ONG et organisations, dont l’Organisation des États américains (OEA), ont alerté sur les violations des droits de l’homme.
Ce 31 juillet 2024, le secrétaire général de l’OEA a d’ailleurs déclaré dans un message sur son compte X qu’il demanderait à la Cour pénale internationale d’inculper Nicolas Maduro et d’émettre un mandat d’arrêt à son encontre en raison des violences post-électorales : « Maduro a promis un bain de sang et nous avons été indignés de l’entendre et encore plus indignés maintenant qu’il le fait.
Il y a préméditation, trahison, impulsion brutale, férocité, avantage supérieur. »
Maduro prometió un baño de sangre, y nos indignó oírlo y más nos indigna ahora que lo está haciendo. Hay premeditación, alevosía, impulso brutal ferocidad, ventaja superior. Es el momento de presentar cargos de imputación y orden de captura por parte de la Corte Penal… pic.twitter.com/lUrq3KWDE1
— Luis Almagro (@Almagro_OEA2015) August 1, 2024
« Les autorités du Venezuela doivent mettre fin aux détentions, à la répression et à la rhétorique violente contre les membres de l’opposition », a tonné le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.
Après une semaine de tensions et de répression des forces de l’ordre et des « colectivos », le parti de Nicolas Maduro et ses soutiens maintiennent la pression sur l’opposition qui poursuit sa mobilisation massive.
RFI