Au Qatar, les amputés de Gaza tentent de retrouver une vie loin de la guerre

Maryam Ahmed actionne sa chaise roulante avec détermination dans le complexe Thumama de Doha, qui accueille des blessés de Gaza. La fillette de six ans y reprend vie, après avoir perdu sa famille, et une jambe, dans une frappe israélienne.

Maryam a été évacuée vers le Qatar en février, après que sa maison a été touchée par deux missiles, qui ont tué sa mère, son père et son frère. Sa jambe droite est « au ciel », avec eux, dit-elle en soulevant l’ourlet de sa robe sur son moignon.

La fillette fait partie des quelque 2.000 résidents du complexe, blessés et accompagnants, qui tentent à présent de s’adapter à la vie dans le riche émirat, loin de la guerre qui fait rage chez eux, dans la bande de Gaza.

Sa tante de 20 ans, Fatima Farajallah, qui l’a accompagnée au Qatar dit que « psychologiquement Maryam va mieux maintenant ». Mais toutes les deux gardent le souvenir du matin où leur maison a été pulvérisée.

Dans la confusion, Maryam, qui ne réagissait pas, est placée parmi les morts. « Elle ne bougeait pas et n’émettait aucun son. Puis, soudain, j’ai entendu une voix », se rappelle sa tante.

La fillette a été hospitalisée pendant deux mois à l’hôpital Hamad de Doha, et a subi trois opérations chirurgicales.

Confrontée à son nouvel environnement, elle « pose beaucoup de questions », explique Fatima Farajallah.

– Passer d’une réalité à l’autre –

Elle même est désorientée. « Ici, il y a tout (…) Pourquoi Gaza n’est pas comme les autres pays? » demande-t-elle.

Un homme amputé des deux jambes au complexe Thumama de Doha, au Qatar, le 3 juillet 2024 (AFP/Archives - Mahmud Hams)

Fin juin, l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens a déclaré que dix enfants en moyenne perdaient une jambe, ou les deux, chaque jour à Gaza.

La guerre a été déclenchée par l’attaque sans précédent du Hamas du 7 octobre dans le sud d’Israël qui a entraîné la mort de 1.197 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l’AFP basé sur des données officielles israéliennes.

Sur 251 personnes alors enlevées, 111 sont toujours retenues à Gaza, dont 39 sont mortes, selon l’armée israélienne.

L’offensive israélienne à Gaza a fait jusqu’à présent près de 40.000 morts, d’après le ministère de la Santé du gouvernement de Gaza, dirigé par le mouvement islamiste palestinien, qui ne détaille pas le nombre de civils et de combattants morts.

Mousa Mohammad, chef du département de rééducation du Hamad Medical Corporation, dirige des thérapies de groupe à l’intérieur du complexe Thumama pour 190 enfants inscrits, âgés de trois à six ans.

Ces séances de soin, qui incluent socialisation et thérapie par l’art, sont un « pilier important » de la réadaptation, explique-t-il

Au début les enfants étaient sujets à des crises de violence et ne pouvaient rester assis, dit-il. Certains « frappaient les portes, les gens et les autres enfants ». Mais si les progrès ont été laborieux, « leur comportement a changé », assure-t-il.

– « Retourner à Gaza » –

Au crépuscule, les résidents s’aventurent à l’extérieur du complexe, construit pour héberger les visiteurs de la Coupe du monde 2022 au Qatar. Parmi les 1.000 blessés transférés de Gaza pour raisons médicales, 300 ont subi des amputations.

Un garçon amputé de la jambe gauche, au complexe Thumama de Doha, au Qatar, le 3 juillet 2024 (AFP - Mahmud Hams)

Karim Al-Shayyah, 10 ans, se déplace facilement à vélo malgré la perte de sa jambe gauche. Il a été amputé sous le genou après avoir été touché par des éclats d’obus alors qu’il jouait à Gaza.

« Nous nous amusions dehors quand ils ont bombardé un restaurant près de chez nous », raconte-t-il.

Sa mère, Sabrine Al-Shayyah, explique que « la blessure a changé sa personnalité ». L’enfant est devenu nerveux, solitaire. Ses amis, dont l’un a récemment été tué à Gaza, lui manquent, affirme-t-il.

Avec l’aide d’un psychiatre, les perspectives de Karim s’améliorent toutefois. « L’interaction avec les enfants est très positive », dit sa mère.

« Ici, nous sommes à l’aise, ils s’occupent de nous et nous font jouer », apprécie le garçon. Mais il espère bien « retourner à Gaza une fois la guerre finie ».

AFP

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