A la lumière des récents développements dans le conflit au nord Mali, avec le massacre de Tinzaouatine, la question trouve toute sa pertinence. Cet espace sahélo saharien serait comme devenu une zone conflictogène en raison des enjeux qu’il cristallise, et qui, à n’en pas douter, font croire qu’elle suscite la convoitise de puissances étrangères à travers le conflit entre le mouvement séparatiste de l’Azawad et l’Etat malien.
La récente déclaration du porte-parole du service de renseignement militaire ukrainien, largement relayée dans les réseaux sociaux, renseigne à suffisance sur le degré d’implication de l’Ukraine, incapable de mener sa guerre avec la Russie dans ses lointaines frontières, et qui a décidé de transférer son conflit avec la Russie dans une zone de vulnérabilité de son principal ennemi, c’est-à-dire le sahel.
La réaction quasi simultanée du Chef de l’Etat malien le colonel Assimi Goita, suivi de son homologue du Niger le général Tiani à travers la rupture, avec effet immédiat, des relations diplomatiques avec l’Ukraine, renseigne à suffisance sur le message ainsi lancé à l’Ukraine et ses alliés.
En effet il serait difficile de faire croire qu’une telle déclaration avec autant d’audace de la part de l’Ukraine, n’aurait pas la bénédiction de l’Otan, dont les principaux animateurs ont été tout simplement congédiés de ces deux pays, avec à la clef la dénonciation de tous les accords de défense préexistants.
Ceci est tout au moins dans l’ordre normal des choses, dans la logique des relations internationales, où de tels actes sont considérés comme des actes de nature hostile, assimilables à des actes de belligérance. D’ailleurs l’acte constitutif de l’AES stipule que la solidarité est l’une de ses valeurs fondamentales.
En revanche ce qui semble quelque peu incompréhensible c’est d’abord, l’absence de réaction de la CEDEAO.
En effet, dans la logique de la CEDEAO, la création de l’AES, tout au moins la démission des trois Etats de la CEDEAO de l’instance communautaire ne sera définitivement actée qu’au terme du délai d’un An prévu par ses statuts, c’est-à-dire en janvier 2025.
Jusqu’à présent c’est la position de principe.
Par conséquent, une déclaration aussi grave d’un Etat étranger, contre un pays jusque- là membre, même démissionnaire, aurait dû recevoir un traitement à la hauteur de tels faits. Ce silence intrigue et risque d’avoir des effets collatéraux dans le processus en cours, dès lors que le voisin du Burkina vient déjouer, selon les autorités de ce pays, une tentative de renversement du régime du Capitaine Ibrahim Traoré.
Au demeurant toute déstabilisation du Mali avec le soutien de l’Ukraine, équivaudrait de manière claire et nette à la reproduction du schéma de la Guerre froide, car la Russie qui est un allié des Pays de l’AES ne resterait pas inactive face au péril qui menace ses partenaires, étant entendu qu’il a chez eux des intérêts stratégiques importants et du point de vue géostratégique sa présence à leurs côtés importe hautement.
De ce simple point de vue, la CEDEAO aurait dû avoir une attitude beaucoup plus ferme, affirmer une certaine souveraineté au nom de ses textes, afin de lever toute suspicion de connivence avec les occidentaux, ou pour parler simple avec la France.
Tel n’est pas le cas, et la réaction de l’Ukraine face à ces accusations laisse perplexe sur son implication dans la tragédie qui s’est produite le 27 juillet.
C’est le lieu de saluer la position de la diplomatie sénégalaise, qui a tout de suite perçu le caractère dangereux d’une telle prise de position pour la stabilité de la sous-région, en adressant comme le veulent les usages diplomatiques un « rappel à l’ordre ». Hélas, c’est trop peu, mais elle est la seule à ce jour, dans la sous-région.
Il ya assurément un glissement dangereux vers une extension du foyer de tension à partir du Mali, qui risque d’attiser beaucoup d’intérêts concurrents, avec la découverte d’un immense gisement de pétrole de 850 000 Km2, situé entre Gao, Kidal et Tombouctou, particulièrement à la frontière entre le Niger et l’Algérie et la Mauritanie.
Si cette nouvelle géographie du conflit, vient s’ajouter à la crise AES/Cedeao, il faudra s’attendre à de nouvelles vulnérabilités qui risquent de saper durablement tous les processus de développement économique en Afrique de l’Ouest. Qui y a intérêt ? Certainement ceux qui demain vont proposer leurs services pour reconstruire sur les décombres du conflit. A quel prix ?
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