Royaume-Uni : à Birmingham, face à l’extrême droite la communauté musulmane « veut combattre la violence par la loi »

La deuxième plus grande ville du Royaume-Uni compte plus d’un million d’habitants dont une importante communauté musulmane. Celle-ci est menacée par les mouvements d’extrême droite depuis le drame de Southport fin juillet. Pour éviter toute escalade de violence, les autorités musulmanes de la ville répètent leurs appels au calme et comptent sur la police pour leur protection.

Sur la façade du Clumsy Swan, dans le quartier de Bordesley Green, dans l’est de Birmingham, la vitrine a été réparée et le mobilier remis en place. À l’intérieur de ce vaste pub, ce jeudi 8 août, les clients sont installés dans une atmosphère chaleureuse, à l’abri du vent et du crachin extérieur qui donnent à la journée un air de mi-novembre.

Quelques jours plus tôt, cet établissement tranquille a fait la une des journaux.

Lundi 5 août, après un week-end de violences d’extrême droite dans plusieurs villes britanniques, des jeunes de ce quartier à majorité musulmane sont sortis dans la rue pour en découdre avec les partisans de l’English Defence League (EDL). Ce mouvement d’extrême droite très actif en ligne avait menacé de s’attaquer à la mosquée du quartier.

Finalement, la mosquée a été épargnée mais, aux abords du Clumsy Swan, la situation a dégénéré.

Un client a été agressé et des journalistes molestés par des manifestants habillés tout de noir, masqués et brandissant, pour certains, des drapeaux palestiniens.

Spirale de violence
Ce jour-là, le Royaume-Uni, et Birmingham en particulier, ont eu peur. Comment briser la spirale de la violence si les jeunes musulmans du pays se mettaient à répondre par les poings aux provocations de l’extrême droite ?

Alors que Keir Starmer a assuré que les émeutiers auraient à faire face à « toute la force de la loi », Elon Musk, le PDG de X, a, lui-même, propagé la rumeur d’un supposé deux poids deux mesures du Premier ministre travailliste entre les émeutiers d’extrême droite et musulmans.

Quelques jours plus tard, le calme est revenu dans Bordesley Green.

Mais face aux menaces de l’EDL qui se poursuivent en ligne, Naveed Sadiq reste vigilant. Lundi soir, ce gérant d’une entreprise de vente et location de voitures à la longue barbe poivre et sel est allé s’excuser auprès des gérants du Clumsy Swan, au nom de la communauté.

 

« [Dans ce quartier], comme dans n’importe quel groupe, il y a du bon et du mauvais », déplore-t-il encore jeudi matin en racontant l’épisode de lundi soir à InfoMigrants.

Conscient que dans le contexte actuel un simple message pourrait mettre le feu aux poudres, cet « activiste de la communauté » est sur le qui-vive. Ces jours-ci, son téléphone sonne sans cesse et il court d’un média à l’autre avec un message : pour sortir de cette situation par le haut, il faut combattre les fake news et « rester positif », assure-t-il, citation de Bob Marley à l’appui.

Prôner la retenue
C’est aussi la stratégie de la communauté musulmane dans les quartiers où elle est moins représentée. Dans une mosquée du nord de Birmingham que nous ne pouvons citer pour des raisons de sécurité, l’imam et le directeur du centre communautaire qui y est attaché expliquent à InfoMigrants avoir des contacts très réguliers avec la police.

« Nous avons un groupe WhatsApp avec les mosquées alentours, les centres communautaires et les autorités locales, détaille le directeur du centre communautaire. Nous échangeons sur de potentielles menaces et la conduite à adopter. »

Depuis l’incident de lundi à Bordesley Green, l’imam répète sans relâche, pendant et en dehors de ses prêches, que la seule conduite à tenir en cas de provocation ou d’attaque de membres de l’extrême droite est la retenue. « Et il faut tout de suite appeler la police », complète-t-il, affirmant vouloir « combattre la violence par la loi ».

Autorités religieuses et communautaires du quartier s’étaient retrouvées mardi avec la police pour évoquer la journée de mercredi.

Ce jour-là, l’EDL avait menacé de s’en prendre à un centre pour migrants et réfugiés dans le quartier de Jewellery Quarter. Finalement, une contre-manifestation antiraciste a rassemblé quelque 200 personnes et les émeutiers d’extrême droite ne se sont pas montrés.

« Que feriez-vous si on vous attaquait ? »
Mais les autorités musulmanes de ce quartier du nord de la ville se tiennent sur leurs gardes car le risque d’escalade existe bien. « Je me tiens prêt à me défendre » en cas d’attaque de l’extrême droite, déclare Alex, rencontré devant la mosquée. Originaire de Gambie, ce père de quatre enfants se dit très inquiet par ce qu’il voit « aux informations et sur les réseaux sociaux ». Marqué par les événements de lundi à Bordesley Green, il dit comprendre la réaction des habitants du quartier.

« Que feriez-vous, vous, si on vous attaquait ? », nous demande-t-il.

Dans la communauté musulmane de Birmingham, mais aussi pour toute personne noire ou racisée en général, la vie a été chamboulée par la récente irruption de violence dans les rues et en ligne. Alex ne laisse plus ses enfants aller seuls au parc de son quartier.

Un chauffeur de taxi éthiopien rencontré par InfoMigrants affirme éviter désormais de travailler dans des quartiers qu’il ne juge pas sûrs. Pour les migrants et demandeurs d’asile aussi, la période est angoissante.

Après le meurtre des trois petites filles à Southport, l’EDL a déclaré sur les réseaux sociaux que le meurtrier était un migrant musulman. L’information est fausse – ce dernier est en fait né au Royaume-Uni, de parents rwandais actifs dans la communauté chrétienne – mais il n’en fallait pas plus pour que des centaines de personnes s’attaquent à deux hôtels abritant des demandeurs d’asile la semaine dernière à Rotherham et Tamworth. Depuis, « les gens sont terrorisés

. Certains n’osent même plus sortir du bâtiment », a raconté à InfoMigrants le gérant d’un centre d’hébergement d’urgence de Birmingham qui abrite notamment des demandeurs d’asile.

La tension est montée encore d’un cran dans la ville vendredi alors que l’extrême droite a appelé à de nouvelles manifestations samedi 10 août. « Nous conseillons aux personnes de la communauté de rester chez elles autant que possible », a déclaré l’imam du nord de Birmingham rencontré par InfoMigrants. Faire disparaître de l’espace public les personnes qu’elle menace. Une première victoire pour l’extrême droite.

infomigrants

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