Au Portugal, la crise du logement impacte aussi les migrants

Au Portugal, de nombreux migrants n’ont d’autres choix que de vivre sous des tentes alors qu’une crise du logement rend la plupart des locations disponibles inabordables. Dans le pays, les prix de l’immobilier ont augmenté de façon spectaculaire ces dernières années.

Depuis qu’Andreia Costa, 50 ans, est arrivée au Portugal en provenance du Brésil en 2022, elle vit dans un camping situé en périphérie de Lisbonne, la capitale.

Comme beaucoup d’autres migrants, et même certains Portugais vivant dans les principales villes du pays, elle s’est retrouvée sans logement. Les tentes et les camping-cars sont devenus sa seule option.

Selon l’agence de presse Reuters, les loyers à Lisbonne ont presque doublé depuis 2015, tandis que les prix de l’immobilier ont augmenté de 186 %.

Hausse du coût de la vie
Bien que les prix d’achat ou de location d’un bien immobilier ait augmenté de façon spectaculaire, le salaire moyen au Portugal reste l’un des plus bas en Europe de l’Ouest.

Andreia Costa se prépare dans le camping improvisé dans un champ où elle vit à Carcavelos, au Portugal, le 11 octobre 2023 | Photo : Pedro Nunes / Reuters

Le problème semble être double.

Le Portugal souffre d’une part d’une pénurie chronique de logements abordables. Dans le même temps, le nombre d’étrangers ayant des revenus supérieurs aux locaux et aux migrants a récemment progressé.

Selon Reuters, certains étrangers ont été attirés par le fait que le Portugal accorde des droits de résidence à ceux qui achètent ou louent des biens immobiliers.

Des allègements fiscaux sont également offerts par l’État, ce qui rend l’installation ou le travail au Portugal attrayant pour les citoyens de l’UE ainsi que pour les ressortissants de pays tiers, comme les États-Unis.

Parallèlement à cette situation, le Portugal a connu un essor touristique impressionnant, si bien qu’un grand nombre de biens immobiliers ont été transformés en locations de vacances à court terme, accentuent la pression sur le marché de l’immobilier.

400 euros pour une chambre
Andreia Costa est arrivée au Portugal légalement mais n’avait alors que 600 euros en poche. Bien que charpentière de formation, elle n’a pu trouver que des emplois de nettoyage, rémunérés au salaire minimum, qui était à cette époque de 760 euros.

Avec un loyer mensuel d’environ 400 euros pour une petite chambre, la situation est vite devenue intenable.

« Je ne devrais pas avoir à payer plus de 50 % de mon salaire pour une chambre », estime Andreia Costa; « Le loyer étouffe vraiment les gens ».

Andreia Costa va prendre le train pour aller travailler comme femme de ménage, à Carcavelos, au Portugal, le 11 octobre 2023 / Photo : Pedro Nunes / Reuters

Pour joindre les deux bouts, elle s’achète alors une petite tente et l’installe sur un terrain vague en périphérie de Lisbonne.

Au fil des mois, de plus en plus de personnes subissent le même sort et s’installent sur le site. Situé sur une propriété privée, le campement, finit par devenir trop grand et est démantelé.

Pour trouver de l’eau, Andreia Costa se rend dans les douches de plage situées à proximité. Elle cuisine avec des réchauds. Sans éclairage public, le campement est plongé dans l’obscurité la nuit.

La crise du logement touche de nombreux pans de la société portugaise. Mais les migrants, qui occupent souvent des emplois précaires et mal rémunérés, font partie des plus vulnérables, selon l’Observatoire des migrations (OM).

Augmentation de la population immigrée au Portugal
En 2023, plus d’un million d’étrangers vivaient au Portugal, soit plus du double par rapport à 2018.

Les ressortissants brésiliens comme Andreia Costa constituent la plus grande communauté de migrants, et ayant langue commune avec les Portugais. Mais de plus en plus de migrants venus d’Asie du Sud-Est arrivent également dans le pays pour y trouver du travail dans l’agriculture, l’hôtellerie, la livraison ou en tant que chauffeurs pour des entreprises comme Uber.

Photo d'archive : Des personnes manifestent contre l'augmentation des loyers et des prix de l'immobilier à Lisbonne, au Portugal, le 30 septembre 2023 | Photo : Miguel Pereira / Reuters

La chercheuse Simone Tulumello, spécialiste du marché de l’immobilier, explique que l’immigration au Portugal est constituée « de migrants qu’on estime pauvres et d’une migration d’investisseurs soi-disant riches, de retraités et de professionnels très qualifiés ».

Le modèle de développement du Portugal, « fortement axé sur l’immobilier et le tourisme, est à l’origine de cette explosion des prix de l’immobilier, ce qui a un impact sur tout le monde », constate-t-elle.

Nouvelle politique migratoire
En plus de devoir payer des loyers élevés, Marina Carreiras, chercheuse au Migration Research Hub, financé par l’Union européenne, rappelle que les migrants sont souvent victimes de discrimination lors de leur recherche d’un logement et qu’ils disposent de peu d’informations sur les aides disponibles.

Même si les Brésiliens parlent portugais, ils se distinguent par leur accent. Une étude récente de l’association Casa do Brasil, spécialisée dans les migrations, montre que des propriétaires indiquent dans ne pas vouloir louer à des Brésiliens.

Les données de l’OM ont également révélé que 19 % des ressortissants de pays extérieurs à l’UE vivent dans des « logements surpeuplés », contre environ 8 % des Portugais. Les Népalais et les Bangladais sont particulièrement touchés, selon l’OM.

« Pour avoir un toit au dessus de leur tête, les étrangers à faibles revenus doivent vivre dans des conditions de surpeuplement », explique Catarina Reis de Oliveira, directrice de l’OM, précisant que beaucoup louaient des lits pour simplement pouvoir se reposer quelques heures dans la journée.

La situation des migrants ne s’est pas améliorée avec l’arrivée au pouvoir en mars de l’actuel gouvernement de centre-droit.

En juin, le gouvernement a revu les règles régissant le droit de séjour. Auparavant, les migrants pouvaient s’installer au Portugal sans disposer d’un contrat de travail. Après avoir cotisé à la sécurité sociale pendant un an, ils pouvaient prétendre à devenir résidents.

Selon Reuters, un porte-parole du gouvernement a dénoncé un système qui aurait laissé environ 400 000 personnes dans l’attente d’une régularisation de leur statut.

« Cette situation, avec des centaines de milliers de cas en attente d’une décision, était vraiment insupportable d’un point de vue humain », a justifié cette source, ajoutant que le nouveau gouvernement avait fermé la porte à l’immigration irrégulière et qu’il accélérerait les procédures d’obtention de visas.

Un panneau indique "Le camping des personnes noires" / Photo : Pedro Nunes / Reuters

Le nouveau gouvernement mise également sur un système qui permet aux étrangers de devenir résidants en échange d’un investissement.

Introduit en juin, le « permis de résidence pour l’investissement social » élargit les types d’investissement qui permettent aux étrangers de bénéficier de ce « visa doré » pour y inclure des logements abordables pour les locaux ou des logements pour les migrants.

Des rêves pour l’avenir
Andreia Costa s’est liée d’amitié avec Marcia Leandro, une autre Brésilienne vivant dans son camp. En mai dernier, les deux femmes ont été expulsées de leur campement et contraintes de déménager une fois de plus.

Andreia Costa a néanmoins réussi à économiser suffisamment d’argent pour s’acheter une petite caravane. « Je n’ai pas besoin de plus que cet espace pour être heureuse », raconte-t-elle.

L’un de ses objectifs est de mettre assez d’argent de côté pour acheter un terrain et offrir une hébergement à d’autres personnes touchées par la crise du logement.

Andreia Costa fait une vidéo pour les réseaux sociaux à Carcavelos, le 27 septembre 2023 | Photo : Pedro Nunes / Reuters

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