AKINWUMI ADESINA, PRESIDENT DE LA BANQUE AFRICAINE DE DEVELOPPEMENT : « Il est temps pour les Africains de prendre le contrôle du récit du continent »

Pour faire la promotion de l’Afrique qui marche, les professionnels des médias sont appelés à bâtir leur propre narratif sur le continent. Ainsi, ils pourront véhiculer une image « plus juste » du continent avec sa diversité, ses richesses et son énorme potentiel.

Le Président de la Banque africaine de développement (BAD) a lancé un vibrant appel   aux Africains pour qu’ils construisent leur propre narratif et cessent de laisser les autres raconter leur histoire à leur place. Akinwumi Adesina a déclaré que l’Afrique a une histoire riche et diversifiée à raconter et qu’il est temps pour les Africains de prendre le contrôle du récit de cette histoire et de le partager avec le monde.
« Je vous interpelle en tant que leader des médias, devenez les vuvuzelas de l’Afrique !
Racontez les histoires positives de l’Afrique », a-t-il lancé. « Qu’on l’entende depuis les sommets des montagnes du Kilimandjaro en Tanzanie jusqu’à la vallée du Rift au Kenya ; de la Montagne de la Table du Cap au point culminant du mont Katrina en Égypte ; des déserts du Sahel aux vastes forêts du Congo ; de l’air sec du Sahara à l’océan Atlantique », a poursuivi Adesina Akinwumi. «
Désormais, les Africains doivent raconter leur propre histoire.
Pas les histoires que d’autres écrivent sur nous. Pas les histoires d’une mentalité médiatique postcoloniale. Pas les histoires imprégnées du divisionnisme de la guerre froide. Des histoires non biaisées, intentionnelles ou non. Mais nos histoires, en tant qu’Africains, écrites par des Africains, sur l’Afrique et projetées avec confiance dans le monde.
Soyez les vuvuzelas de l’Afrique ! », a-t-il insisté, en déplorant la représentation négative du continent dans les médias notamment occidentaux qui dépeignent l’Afrique comme un lieu de « pauvreté, de guerre et de corruption », en négligeant ses progrès économiques, sociaux et sa diversité culturelle.

« L’actualité africaine, sauf celle négative, n’est pas prioritaire à leurs yeux.

Comment les nouvelles positives sur l’Afrique peuvent-elles se comparer à la prépondérance des rapports sur les conflits criminels, les crises et les défis ? Africa No Filter Report appelle cela ‘’si le sang coule le sujet sera porteur’’. D’autres dans le secteur disent cyniquement : ‘’Si ça ne pue pas, ça ne se vend pas’’ », a fustigé Adesina Akinwumi.
Le président de la Banque africaine de développement estime qu’il est temps de changer.
« Tant que nous nous dénigrons continuellement et faisons le jeu de ceux qui contrôlent le récit sur l’Afrique, aussi longtemps nous resterons coincés avec une étiquette qui ne nous appartient pas », a-t-il confié, le changement ne sera pas au rendez-vous. C’est pourquoi il a  insisté sur l’impératif pour les Africains de construire leur propre narratif en vue de changer la façon dont le continent est perçu et représenté. Ainsi, les médias africains pourront promouvoir une « vision plus juste » du continent ; ce qui n’exclut pas de dire ou de décrire la réalité des faits même s’ils sont peu reluisants.

En construisant leur propre narratif, les Africains pourront, changer les perceptions, ils pourront également affirmer leur identité et leur place dans le monde car selon le président de la BAD   l’Afrique est encore victime de stéréotypes négatifs et de récits inexacts.

Selon Adesina Akinwumi, le narratif sur l’Afrique véhiculé par les médias occidentaux cause, au plan économique, d’énormes préjudices. « L’Afrique n’est pas le continent le plus risqué mais le narratif développé fait que les investisseurs sont réticents à y investir », a-t-il dit, ou tout au moins, ils le font au prix fort. En effet, les pays africains paient 2,9 % de plus de taux d’intérêt que les autres Etats, à cause de cette image négative.

Son plaidoyer est un appel à l’action pour tous les Africains pour prendre le contrôle de leur récit et partager leur histoire avec le monde.

Ainsi, ils pourront changer les perceptions, promouvoir l’autonomisation et stimuler le développement. Cet appel semble être bien entendu par la société civile présente à Nairobi, de même que les jeunes entrepreneurs engagés résolument à saisir les dividendes du numériques et de l’Intelligence Artificielle pour accélérer la production de narratifs et de contenus aptes à relever le niveau de contribution de l’Afrique dans la production de richesse et du développement .
Marie Roger Biloa à gauche recevant son prix Lifetime Achievement

                                                                   Marie Roger Biloa à gauche recevant son prix Lifetime Achievement
Vers un Prix Africain des Médias  

L’idée d’un Prix Africain des Médias a fait du chemin au forum des Leaders des Médias d’Afrique, tenu à Nairobi (au Kenya du 8 au 11 mai 2024). Elle bénéficie aujourd’hui du soutien de diverses personnalités et institutions. L’objectif est de récompenser et de célébrer les journalistes et les organes de presse africains qui racontent les meilleures histoires positives et inspirantes sur le continent.

Parmi les institutions qui soutiennent le projet, il y a bien entendu la Banque Africaine de Développement (BAD).

Son président Adesina Akinwumi propose à ce que la Bad, la Banque africaine d’import-export et toutes les institutions financières régionales mettent leurs ressources pour soutenir « l’émergence d’une société de médias africaine mondialement respectée qui positionnera l’actualité de l’Afrique dans le monde ».

Il a suggéré également aux institutions de développement en Afrique de créer un référentiel commun de récits, de vidéos et de contenus vérifiés et standardisés qui faciliteront le regroupement et la rédaction d’histoires sur ce qui est réalisé en Afrique.

« Cela réduira les coûts de recherche des médias pour les articles portant sur ce qui fonctionne en Afrique », a-t-il déclaré.

Le président de la Bad a aussi proposé, en collaboration avec All Africa Global Media et les entreprises africaines, l’octroi de bourses aux journalistes et correspondants africains « afin de contribuer à construire et à renforcer les capacités des journalistes et correspondants travaillant sur l’Afrique ».

Amadou Mahtar Ba, Co-fondateur et président exécutif de All Africa

                                                                Amadou Mahtar Ba, Co-fondateur et président exécutif de All Africa
All Africa Global Media soutient l’initiative…
Organisation panafricaine des médias, All Africa Global Media soutient l’initiative du Prix Africain des Médias. Son co-fondateur et président exécutif Amadou Mahtar Ba a déclaré que ce prix contribuerait à donner une voix aux Africains et à changer le récit sur le continent, car selon lui,  « L’information est devenue stratégique ; il faut donc travailler les contenus. Aujourd’hui, les plus grandes victoires ou défaites sont d’abord médiatiques », a-t-il affirmé.

Citant le président de la Banque Africaine de Développement, M. Bâ rappelle que l’Afrique perd, en moyenne 75 milliards de dollars par an du fait de la mauvaise image et des stéréotypes projetés sur le continent. D’où l’importance pour l’Afrique de développer son narratif, conforme à la réalité. « L’Afrique a des challenges, mais elle a beaucoup de succès, estime-t-il.

Tant que ces succès ne seront pas montrés, le continent va peiner à attirer les investissements nécessaires pour son développement.

La construction de ce narratif par les patrons des médias en concertation avec les acteurs économiques, technologiques devient un impératif avec la mise en œuvre de la Zlecaf, la transition numérique », confie Amadou Mahtar Ba. Il s’est réjoui toutefois des présentations avant-gardistes faites lors du sommet qui ont, entre autres, portées sur les mutations dans le domaine des médias.

Le président exécutif d’All Africa a appelé à davantage de collaboration entre les professionnels des médias.

De nombreux journalistes ont exprimé leur soutien à l’initiative du président de la Banque africaine de développement, estimant que le prix serait un bon moyen de promouvoir le journalisme de qualité et de célébrer les histoires positives de l’Afrique.

Pour le moment, les détails de l’organisation du Prix Africain des Médias n’ont pas encore été finalisés. Mais c’est une initiative prometteuse qui peut avoir le potentiel de promouvoir des récits positifs sur l’Afrique et de soutenir le journalisme de qualité sur le continent.

Avec le soutien de diverses parties prenantes, le prix pourrait avoir un impact significatif sur le paysage médiatique africain.
AKINWUMI ADESINA, PRESIDENT DE LA BANQUE AFRICAINE DE DEVELOPPEMENT  : « Il est temps pour les Africains de prendre le contrôle du récit du continent »
                                                                           …Et célèbre le journalisme de qualité

Plateforme médiatique panafricaine, All Africa Global Media joue un rôle crucial dans la promotion d’un journalisme de qualité à travers le continent africain.  Lors du forum de Nairobi, cette organisation a voulu célébrer le remarquable travail abattu par les professionnels des médias africains, en décernant des prix à des icônes des médias africains comme Marie Roger Biloa du Cameroun et à des jeunes pour promouvoir l’excellence dans ce secteur.

« Nous devons reconnaître et magnifier le travail des gens qui se sacrifient pour ce métier.

Il n’y a pas de raison que les médias ne le fassent pas. Il est important d’encourager les professionnels des médias à aller vers l’excellence », explique Amadou Mahtar Ba, président exécutif d’All Africa, soulignant que le travail de journaliste peut parfois être ingrat. « Les médias peuvent être un champ de mines. Le journaliste peut se retrouver facilement en prison ; il peut être contraint à vendre sa maison, ses biens pour financer son journal.
C’est un champ où les gens peuvent essayer de vous manipuler.

Malgré les risques et les tentations, il y a des gens qui se sont sacrifiés des années durant pour faire avancer le journalisme et les médias dans leur pays. Il est important que ces personnes puissent être récompensées en leur donnant un prix pour l’ensemble de leur œuvre ; elles sont des exemples à donner à la jeune génération », poursuit-il. 

Le président exécutif d’All Africa précise que le jury a travaillé sur des critères bien définis pour choisir les lauréats.

« Chaque prix était porté par une organisation. Il y a eu un prix pour le renforcement des capacités, le prix Exim Bank pour l’intégration africaine, etc. », note M. Bâ, qui a toutefois regretté l’absence de journalistes francophones parmi les lauréats. « Les journalistes francophones ont postulé. Mais il faut reconnaitre que le marché mondial de l’information est dominé par les médias anglophones.

En Afrique, les médias des pays anglophones sont plus puissants que ceux des autres pays.

Il y a une nette différence entre les médias au Kenya et la plupart des médias des pays francophones », explique le président exécutif d’All Africa. Mais comme c’est une première édition, il songe à décerner des prix pour les médias en français, en portugais, en arabe qui sont les quatre langues officielles de l’Union africaine. « Ce système permettrait peut-être de donner plus de chance aux autres journalistes », affirme-t-il, avec optimisme.
Lejecos Magazine

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