Dans un rapport publié lundi 2 septembre 2024, l’Organisation non gouvernementale (ONG) Climate Rights International (CRI) a mis en lumière de nombreuses violations commises contre les populations locales et l’environnement dans le cadre d’un mégaprojet pétrolier en Ouganda et en Tanzanie, dirigé par les entreprises TotalEnergies et CNOOC.
Ce projet, dont le coût total s’élève à 10 milliards de dollars (9 milliards d’euros), prévoit le forage de plus de 400 puits pour extraire le pétrole de la région du lac Albert, à l’ouest de l’Ouganda, ainsi que la construction du plus long oléoduc chauffé au monde (1 443 km), qui acheminera le pétrole jusqu’au port tanzanien de Tanga.
De nombreuses associations de défense de l’environnement s’y opposent fermement, estimant qu’il représente une menace pour l’écosystème fragile de la région et les communautés locales notamment pour ses expropriations brutales, ses violences sexuelles et sa pollution sévère.
Le rapport expose un « catalogue de violations » graves, particulièrement sur le site de Kingfisher, l’un des deux sites de production pétrolière en Ouganda où CNOOC est l’opérateur. L’autre site, Tilenga, est géré par TotalEnergies.
Selon le rapport, la population locale a été « expulsée de force, souvent avec peu ou pas de préavis » par l’armée ougandaise.
Cette éviction a entraîné la destruction de bateaux de pêche, essentiels à leur subsistance. Les personnes expropriées ont souvent été contraintes d’accepter des compensations financières jugées « bien trop faibles » sous pression ou menace.
Pollution et répression
Deux employés d’une société chinoise impliquée dans le forage ont signalé des actes de pollution volontaire. Selon eux, un ancien superviseur leur aurait ordonné de déverser de l’eau contaminée, mêlée de pétrole et de produits chimiques, directement dans le lac ou sur des terrains vagues autour des sites de forage, a relevé Théodore Laurent dans les colonnes du site d’informations forbes.fr.
Les autorités ougandaises, qui considèrent ce projet comme une source majeure de revenus, répriment toute critique.
La région vit dans une atmosphère de « peur et d’intimidation ». En juin 2024, un militant environnemental, Stephen Kwikiriza, a été arrêté et battu par des militaires. En août 2024, également, 47 étudiants ont été arrêtés alors qu’ils se dirigeaient pour déposer une pétition au Parlement, après l’arrestation de quatre militants devant l’ambassade de Chine.
Faveurs sexuelles
L’ONG CRI dit également avoir été informé de violences sexuelles. « Les femmes sont victimes de violences sexuelles perpétrées par des soldats, des cadres, et des employés de CNOOC », précise Linda Lakhdhir, responsable plaidoyer de Climate Rights International, dans un entretien accordé à un journaliste de Radio France internationale (RFI) Igor Strauss. Certaines femmes sont forcées d’accepter des relations sexuelles sous menace d’arrestation ou de confiscation de leurs biens.
D’autres font état de demandes de « pots-de-vin » en échange d’emplois, avec des pressions pour offrir des faveurs sexuelles.
« C’est pour cette raison que nous appelons les banques et les assurances à ne pas financer ce projet. C’est un véritable désastre pour les droits humains et c’est une bombe incompatible avec l’accord de Paris », a souligné Linda Lakhdhir, responsable plaidoyer de Climate Rights International.
Selon M. Laurent, des actions en justice sont en cours en France contre ce projet controversé où vingt-six Ougandais et cinq associations françaises et ougandaises ont lancé une action civile pour demander réparation pour diverses violations (expropriations forcées, compensations inadéquates, harcèlement…). Par ailleurs, plusieurs associations, dont Darwin Climax Coalitions et Sea Shepherd France, ont déposé une plainte pénale pour « climaticide ». En réponse aux critiques, TotalEnergies a annoncé en janvier 2024, une « mission d’évaluation » de ses programmes de relocalisation et de compensation en Ouganda et en Tanzanie.
VivAfrik