L’ONG Sea-Watch accuse l’Italie d’être responsable du dernier naufrage au large de Lampedusa

« Si les fortes suspicions de Sea-Watch restent fondées, le retard important dans la réponse au bateau en détresse rend les garde-côtes italiens responsables du tragique naufrage. » Dans un communiqué publié jeudi 5 septembre, l’ONG de sauvetage en mer Sea-Watch accuse Rome de négligence dans le dernier naufrage survenu au large de Lampedusa.

Mercredi, sept personnes ont été secourues par les garde-côtes mais au moins une vingtaine d’autres sont portées disparues.

 

À l’arrivée des secours, le canot était « à la dérive, à moitié submergé par l’eau et sur le point de couler, avec sept migrants à bord, tous des hommes de nationalité syrienne », ont indiqué les garde-côtes italiens dans un communiqué. Ces derniers ont diffusé des images montrant ces hommes dans une toute petite embarcation, complètement remplie d’eau, se glisser sur des sortes de matelas gonflés vers le navire des secouristes.

« Une intervention tardive »

Sea-Watch estime que cette embarcation est la même que celle repérée dès lundi par son avion de reconnaissance, à une quarantaine de kilomètres de Lampedusa. « Une comparaison des images prises par Seabird 2 et celles diffusées ultérieurement par les garde-côtes italiens montre un bateau en bois, de forme et de couleur identiques, avec des survivants portant des vêtements similaires. De plus, le nombre de personnes à bord et le port de départ libyen correspondent aux détails rapportés par la plateforme Alarm Phone », signale l’ONG.

Les humanitaires ont immédiatement prévenu les autorités compétentes, y compris Rome, « soulignant l’urgence de la situation ». Mais le sauvetage des Italiens n’a été opéré que deux jours plus tard.

« Depuis les airs, nous avons pu voir le bateau au ras de l’eau et dans un état très instable.

Il est exaspérant de constater que les personnes à bord auraient pu être sauvées et se sont noyées à cause d’une intervention tardive », déplore dans le communiqué Meret Wegler, coordinatrice tactique de Seabird. « Si nos conclusions sont confirmées, le gouvernement italien et les autorités européennes devront être tenus responsables de leur négligence délibérée et impardonnable », renchérit Paul Wagner, porte-parole de Sea-Watch.

Selon les survivants, 21 migrants, dont trois mineurs, sont tombés à l’eau peu de temps après leur départ de Libye, le 1er septembre, à cause des mauvaises conditions météorologiques.

Contactée par InfoMigrants, la garde côtière italienne n’a pas répondu à nos sollicitations.

Plus de 23 000 morts ces 10 dernières années

Ce naufrage n’est que le dernier d’une longue série. Depuis le début de l’année, près de 1 050 personnes ont péri en Méditerranée centrale en tentant de rejoindre les côtes européennes, selon les chiffres de l’Organisation internationale des migrations (OIM). Et depuis 2014, année des premiers recensements de l’ONU, on compte plus de 23 800 morts dans cette zone maritime, ce qui en fait la route migratoire la plus meurtrière au monde.

Les ONG accusent régulièrement les autorités italiennes et européennes d’être à l’origine de ces drames.

Depuis l’arrivée au pouvoir en octobre 2022 de la coalition de la Première ministre d’extrême droite Giorgia Meloni, les navires humanitaires opérant en Méditerranée se plaignent d’être entravés dans leurs actions.

Avec le décret Piantedosi, signé fin 2022, les ONG ne sont théoriquement autorisées à effectuer qu’un seul sauvetage à la fois et doivent se rendre « sans délai » dans un port immédiatement après – une politique qui les empêche d’en effectuer plusieurs d’affilée.

Les humanitaires estiment que cela viole le droit maritime, qui oblige tout navire à venir en aide à une embarcation en détresse.

« En partant immédiatement [de la zone de sauvetage] après une seule opération de secours, on laisse la mer déserte. C’est une grande source de frustration pour nous, et surtout, cela nous fait craindre une augmentation [des morts] », déplorait auprès d’InfoMigrants Margot Bernard, coordinatrice de projet adjointe à bord du Geo Barents.

infomigrants

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