La famille d’Alberto Fujimoro, président du Pérou entre 1990 et 2000, a annoncé son décès mercredi soir à l’âge de 86 ans. Figure controversée dans le pays, il avait été gracié en décembre après avoir été condamné à une peine de 25 ans de prison pour crimes contre l’humanité. Le Pérou a pourtant décidé de décréter un deuil national de trois jours.
Alberto Fujimori, qui a dirigé le Pérou d’une main de fer entre 1990 et 2000 et passé les dernières années de sa vie en prison pour corruption et crimes contre l’humanité, est décédé mercredi 11 septembre à Lima, auprès des siens, à l’âge de 86 ans.
Le Pérou a décrété, jeudi, un deuil national de trois jours.
« Après une longue bataille contre le cancer, notre père, Alberto Fujimori, vient de partir à la rencontre du Seigneur. Nous demandons à ceux qui l’ont aimé de nous accompagner par une prière pour le repos éternel de son âme. Merci pour tout papa ! », ont annoncé ses enfants Keiko, Hiro, Sachie et Kenji Fujimori.
La Présidence de la République a confirmé « la triste nouvelle », présentant ses « sincères condoléances à la famille ». « Que Dieu ait son âme et qu’il repose en paix », conclut le communiqué présidentiel. « Nous nous coordonnerons avec la famille pour connaître ses souhaits concernant les funérailles de l’ex-président », a indiqué le directeur de cabinet ministériel.
« El Chino »
L’ex-dirigeant, né au Japon, avait été libéré en décembre sur ordre de la Cour constitutionnelle « pour raisons humanitaires », malgré l’opposition de la justice interaméricaine, après avoir passé 16 ans dans une prison dans l’est de Lima. Il y purgeait une peine de 25 ans pour crimes contre l’humanité, notamment pour deux massacres de civils commis par un escadron de l’armée dans le cadre de la lutte contre la guérilla maoïste du Sentier lumineux au début des années 1990.
L’ancien président, surnommé « El Chino » (« le Chinois »), a profondément divisé le pays. Il a été hospitalisé à plusieurs reprises ces dernières années. Une tumeur maligne à la langue lui avait été diagnostiquée en mai, sur laquelle il avait une lésion cancéreuse depuis plus de 27 ans.
En 2018, Alberto Fujimori avait rendu public un diagnostic de tumeur aux poumons.
Son état de santé s’était rapidement détérioré au cours des derniers jours, alors qu’il avait terminé en août sa radiothérapie au niveau de la bouche, ont indiqué à l’AFP des sources proches de la famille. Un prêtre catholique était arrivé mercredi après-midi à son domicile dans le quartier de San Borja, à Lima, où il vivait avec sa fille aînée, Keiko Fujimori.
Alberto Fujimori a été vu pour la dernière fois en public le 5 septembre quittant une clinique du quartier de Miraflores où il avait subi un scanner, comme il l’a lui-même révélé.
« Autoritaire et populiste »
Adepte du néolibéralisme, Alberto Fujimori a été un « précurseur en Amérique latine d’un style de politique », a déclaré à l’AFP l’analyste politique Augusto Alvarez. Selon lui, l’ancien président, qui a fait irruption sur la scène publique avec sa victoire électorale inattendue sur l’écrivain Mario Vargas Llosa, futur prix Nobel de littérature, a promu un modèle « autoritaire et populiste » qui a été reproduit dans de nombreux autres pays, tant par des mouvements de gauche ou de droite.
L’ancien président laisse dans le pays une image contrastée.
Pour certains, il est l’homme qui a dopé l’essor économique du pays par ses politiques ultra-libérales et combattu avec succès les guérillas du Sentier lumineux (maoïste) et du Mouvement révolutionnaire Tupac Amaru (guévariste). D’autres se souviennent surtout des scandales de corruption et de ses méthodes autoritaires et brutales qui lui ont valu sa condamnation.
Sa fille Keiko Fujimori a repris son flambeau politique, mais a échoué à trois reprises au second tour de la présidentielle.
Le 14 juillet, la dirigeante du principal parti de droite du pays avait annoncé que son père se présenterait à l’élection présidentielle de 2026, ne sachant si elle pourrait y participer car, poursuivie pour blanchiment, le parquet a requis 30 ans de prison à son encontre.
Le Pérou a approuvé début août une loi déclarant prescrits les crimes contre l’humanité commis avant 2002, ce qui aurait pu bénéficier à Alberto Fujimori.
Approuvée malgré une résolution de la Cour interaméricaine des droits de l’homme mi-juin réclamant la suspension du processus législatif, elle bénéficiera à des centaines d’autres officiers accusés d’exactions pendant le conflit interne des années 1980 et 1990 qui a fait quelque 69 000 morts et 21 000 disparus.
AFP