En France, plusieurs irrégularités ont été constatées pendant les Jeux olympiques dans les centres de rétention administrative (CRA) et en particulier au Mesnil-Amelot. Situé au nord de Paris, le deuxième plus grand centre d’Île-de-France accueille les ressortissants étrangers avant leur expulsion du territoire français. Les équipes de la Cimade présentes sur place ont rapporté plusieurs situations anormales cet été.
Le placement en rétention a « nettement augmenté » ces deux derniers mois en France, observe Nancya Zeglil, accompagnatrice juridique pour la Cimade, une association d’accès au droit et de soutien aux personnes en situation irrégulière. Au 13 août 2024, entre les Jeux olympiques et paralympiques, le CRA n°2 totalisait 113 retenus et le CRA n°3 111 retenus, sur une capacité maximum de 120 personnes.
Du jamais vu depuis la période Covid. « On dépasse à peine les 90, fait-elle remarquer.
Ça a vraiment eu un impact sur les conditions d’enfermement. Il y avait beaucoup de violence entre retenus, mais aussi entre les retenus et les forces de l’ordre. C’était une période où il faisait très chaud, et les conditions d’accès à l’eau au CRA c’est vraiment désastreux. Déjà début juillet, ils avaient vraiment du mal, pendant les fortes chaleurs, à pouvoir s’hydrater, boire de l’eau et même prendre des douches correctement. »
Un espace JO dédié
« Des interpellations liées aux JO, on en a eu pas mal, raconte l’accompagnatrice juridique. Deux Brésiliens ont été interpellés pour suspicion d’escroquerie alors qu’ils essayaient de changer leurs billets aux abords d’un lieu d’épreuve dans Paris. Ils se sont vu notifier une OQTF (obligation de quitter le territoire français), sans délai de départ volontaire, avec placement en rétention immédiat pour menaces à l’ordre public, alors qu’ils avaient leurs billets pour rentrer chez eux quelques jours plus tard. »
Autre cas notable : un ressortissant australien a été illégalement expulsé du territoire français.
Il avait été interpellé après avoir tenté de s’introduire sur la piste du Stade de France lors de la finale du 100m. Comme mentionné sur la notification de son OQTF, la loi lui donne 48 heures pour contester l’arrêté pris par la Préfecture. Mais quelques heures après son arrivée en rétention, il est renvoyé en Australie, avant l’expiration de ce délai.
Pour accueillir ces « interpellés des JO », la direction du CRA n’a pas hésité à vider le quartier des femmes du Mesnil-Amelot pour le transformer en un « espace JO », rapporte la Cimade, qui n’a découvert son existence que plus tard. Que sont devenues les retenues ? « Certaines ont été assignées à résidence, d’autres ont été libérés, mais la majorité a été transférée dans d’autres CRA. » Puisqu’il n’existe aucun autre centre habilité à recevoir des femmes en Île-de-France, le choix s’est porté sur le centre de rétention d’Oissel, de Rennes, et celui de Metz. Les deux derniers sont à plus de 300 km de Paris. Une injustice supplémentaire pour ces retenues qui ont droit à des visites de leurs proches et qui peuvent être suivies par des associations locales.
Le CRA du Mesnil-Amelot, régulièrement épinglé
Dans le dernier rapport national sur la rétention (coécrit par La Cimade, France Terre d’Asile, et d’autres associations d’accès aux droits qui interviennent en CRA), le CRA du Mesnil-Amelot a été pointé du doigt pour plusieurs irrégularités, notamment en matière d’expulsions illégales. Des méthodes qui avaient été reconnues par le ministère de l’Intérieur et qui avait conduit au retrait des équipes de la Cimade, protestant contre ces pratiques illégales, en février 2023.
Autre point noir : la rétention de ressortissants pour lesquels il n’existe pas de possibilité d’éloignement, car le renvoi dans le pays d’origine est impossible ou trop dangereux. En 2023, « les préfectures n’ont trouvé aucune difficulté à contacter les autorités consulaires de pays en situation de conflit de haute intensité, ou avec lesquelles la France a suspendu ses relations diplomatiques, dans le but d’expulser ces ressortissants vers des zones à risques mortels », lit-on dans la fiche descriptive de ce centre, l’un des plus gros d’Île-de-France. L’été 2024 ne fait pas exception.
« Il y a eu de nouveaux des Haïtiens. Même si l’aéroport a effectivement rouvert il y a peu, la situation insurrectionnelle reste dangereuse. Il y a eu également deux personnes soudanaises, un homme du Sud-Soudan, deux Syriens, deux personnes qui viennent d’Afghanistan et deux personnes qui viennent de Gaza ».
L’avocat de ces retenus palestiniens, Me Samy Djemaoun, racontait récemment sur son compte Twitter la situation ubuesque dans laquelle se trouvaient ses clients.
Il rappelle aussi que « si l’éloignement est impossible, la rétention administrative est injustifiée ». Renvoyer un ressortissant vers un pays dans lequel il est en danger de mort va, en outre, à l’encontre de la Convention européenne des droits de l’homme, dont la France est signataire.
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