Manche : huit migrants meurent dans un nouveau naufrage

Les drames se succèdent dans la Manche. Dimanche 15 septembre, huit migrants sont morts dans le naufrage de leur embarcation surchargée. Des « hommes manifestement majeurs », selon les mots du préfet du Pas-de-Calais, Jacques Billant, lors d’un point presse.

Six sont « d’origine africaine, une personne d’origine moyen-orientale et une personne d’origine asiatique », a précisé à l’AFP Patrick Leleu, procureur adjoint de Boulogne-sur-Mer. Des examens sur les corps avant autopsies doivent avoir lieu mardi.

Une cinquantaine de personnes ont quant à elles pu être secourues. Six d’entre elles ont été hospitalisées en urgence relative, dont un nourrisson de 10 mois en hypothermie.

L’embarcation comptait près de 60 passagers, « originaires d’Érythrée, du Soudan, de Syrie, d’Afghanistan, d’Égypte et d’Iran » et « seule une personne sur six était équipée d’un gilet de sauvetage », a souligné Jacques Billant.

Parti depuis « le secteur de la Slack », fleuve côtier dont l’embouchure est située entre Wimereux et Ambleteuse, le bateau est « venu s’échouer » sur une pointe rocheuse et « s’est manifestement déchiré sur les rochers » en début de nuit, a-t-il expliqué.

Ce drame survient moins de deux semaines après le pire naufrage de l’année dans cette région, qui avait fait 12 morts, dont 10 femmes, le 3 septembre. Il porte, selon le préfet, à 46 le nombre de décès dans de telles traversées clandestines depuis janvier, confirmant que 2024 est de loin l’année la plus meurtrière depuis le début du phénomène des bateaux de fortune pour traverser la Manche en 2018.

Le parquet de Boulogne-sur-Mer a ouvert une enquête pour « aide à l’entrée et au séjour d’étrangers en situation irrégulière en bande organisée, avec la circonstance aggravante de mise en danger de la vie d’autrui », a indiqué à l’AFP Patrick Leleu. Aucune interpellation n’avait eu lieu dimanche en début de soirée, a-t-il précisé.

De nombreux départs ce week-end

À la faveur d’une fenêtre météo favorable, de nombreuses tentatives de traversée ont eu lieu ces derniers jours.

En 24 heures, entre vendredi et samedi, « 200 naufragés ont été secourus », avait signalé samedi soir la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord (Prémar).

Sur l’ensemble de cette journée, « 18 tentatives de départs d’embarcations ont été suivies » par le Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (Cross) du cap Gris-Nez, a-t-elle précisé. Et de l’autre côté de la Manche, 801 exilés sont arrivés à bord de 14 bateaux.

À Ambleteuse, après le naufrage de la nuit, un second départ a eu lieu vers 7h30 dimanche, a rapporté à l’AFP Christel Leclair, bénévole dans une association locale. Les départs, « c’est tout le temps, hiver, jour, nuit, été », (…) dès que la mer est calme », a-t-elle noté.

« Les embarcations sont de plus en plus chargées, ils n’ont pas de gilet de sauvetage, éventuellement une chambre à air, il y a des enfants, des femmes enceintes, des nourrissons », a-t-elle déploré. « On est tristes, démunis. »

Selon les chiffres des autorités britanniques, les embarcations arrivées sur les côtes britanniques depuis le 1er janvier comptent en moyenne 52 passagers chacune, contre seulement 13 personnes en moyenne à bord en 2020.

« Frontière meurtrière »

Les associations accusent les autorités britanniques et françaises d’être à l’origine de ces drames à répétition. « Les États français et britannique doivent repenser leur politique migratoire immédiatement », a réclamé sur X l’Auberge des migrants, une association d’aide aux exilés, qualifiant la Manche de « frontière meurtrière ».

Faute de voies sûres, « les gens continuent et continueront à prendre les mêmes risques, peu importe la quantité de contrôles et de moyens déployés à la frontière », a abondé Charlotte Kwantes, coordinatrice nationale d’Utopia 56, association d’aide aux migrants. « Les passeurs ne font que profiter et abuser d’un système qui leur laisse toute la place ».

Ces dernières années, Londres et Paris ont multiplié les accords pour tenter de freiner les départs. Mais la militarisation de la frontière a poussé les exilés à prendre plus de risques, déplorent les humanitaires.

Désormais, les migrants prennent la mer plus bas sur la côte, vers Boulogne-sur-Mer ou même depuis la Somme, augmentant les risques de se retrouver en difficulté.

Ils embarquent aussi depuis des cours d’eau pour éviter les contrôles policiers le long du littoral. Une technique pas moins dangereuse et qui a provoqué la mort d’une fillette irakienne de sept ans en mars dernier.

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