Avec l’arrivée d’un élu italien d’extrême-droite, la Commission européenne prend un virage à droite assumé

Après de nombreux reports, la présidente de la Commission européenne a finalement présenté au Parlement de Strasbourg son collège de commissaire pour la nouvelle législature. Ursula von der Leyen était attendue, car le travail des nouveaux élus européens ne pouvait véritablement débuter tant que la présidente de la Commission n’avait pas annoncé les noms des titulaires des 27 portefeuilles européens. Les défis sont nombreux, tout comme les attentes de la part des citoyens européens.

Une certaine nervosité était palpable mardi 17 septembre au Parlement européen avant que la présidente de la Commission annonce la composition de son équipe. Il faut dire que ce collège de commissaires devait être dévoilé initialement la semaine dernière, mais des changements de candidatures avaient modifié l’agenda.

Et jusqu’à ce mardi 18 septembre, personne, pas même au Parlement européen, n’était en mesure de garantir qu’Ursula von der Leyen allait indiquer les noms des futurs commissaires. Il était plutôt question d’indiquer la structure globale de la Commission.

Commission Ursula von der Leyen II

Ursula von der Leyen a donc tout d’abord présenté son équipe aux présidents des groupes politique du Parlement européen.

Les choses ne se sont pas tout à fait déroulées de la sorte, comme l’a expliqué aux journalistes Manon Aubry, la coprésidente du groupe The Left au Parlement : « Moi, j’adore prendre le café avec Ursula von der Leyen, mais si c’est pour qu’elle ne nous dise rien, au mépris totalement du Parlement européen qui est quand même un co-décisionnaire au niveau des institutions européennes pour ensuite venir vous donner la primeur.

J’ai du respect pour le travail des journalistes, mais je trouve qu’en termes de méthode, ça en dit lourd du respect du Parlement auquel il faut s’attendre dans les mots et les années qui viennent ».

Cette façon de faire n’a pas plu à tout le monde, en tout cas pas à Manon Aubry, ni au groupe des Socialistes et Démocrates.

Dans le camp du PPE, le parti populaire européen, c’est-à-dire la famille politique d’Ursula von der Leyen, par contre, on semblait satisfait. Il faut dire que les conservateurs européens sont présents en masse. Mais du côté des Socialistes et Démocrates, ainsi que dans le camp des Verts, on ne partage pas cet avis.

La présence d’un membre du groupe d’extrême droite ECR à une vice-présidence de la Commission a le don d’énerver les élus.

Car Ursula von der Leyen s’est appuyée sur les voix du PPE, des Socialistes et Démocrates, et des Verts pour être reconduite. Donc, ils ne comprennent pas ce cadeau fait à l’Italien Raffaele Fitto, membre du gouvernement d’extrême droite de Giorgia Meloni, qui a obtenu un titre de vice-président.

Virage à droite assumé
Pour Patrick Martin Genier, enseignant à Sciences Po et à l’Inalco, spécialiste de l’Europe, cette nouvelle composition de la Commission prend acte de l’évolution politique, notamment avec la nomination et la proposition du vice-président italien. « Ursula von der Leyen l’assume complètement, elle a dit en effet que le groupe ECR ( European Conservatives and Reformists Group, NDLR) était un groupe très important et donc qu’il fallait s’appuyer sur ce groupe.

Il représente une droite bien affichée, mais qui n’est quand même pas à l’extrême droite de Madame Le Pen.

Elle l’avait dit et on savait depuis le début qu’elle faisait la cour à Giorgia Meloni. Si vous me passez l’expression, car elle savait qu’elle était incontournable pour la nomination et la proposition d’Ursula von der Leyen comme présidente de la Commission. Donc c’est un geste fait également en direction de l’Italie et de façon plus générale sur la problématique de l’immigration ».

Certaines candidatures sont toutefois problématiques, comme le souligne le spécialiste de l’Europe.

« Certains commissaires pourraient avoir des difficultés. Il y a le commissaire italien, en effet. On a beau dire que c’est le plus raisonnable de la droite, il n’en demeure pas moins qu’au Parlement européen, il a pris des positions très à droite, très anti-européenne, donc, cela est susceptible de poser des problèmes.

Il y a aussi le commissaire autrichien qui pourrait aussi avoir des problèmes.

Il y a la question de la Slovénie où Madame Ursula von der Leyen a fait exactement la même chose qu’avec la France. Elle a demandé aux autorités slovènes de lui envoyer un autre candidat. Le Parlement slovène attend des explications de la part d’Ursula von der Leyen ».

Les défis environnementaux à venir
Cette montée en puissance du bloc de droite était redoutée par les défenseurs de l’environnement. En cause le Pacte vert, texte phare de la précédente législature : une partie des eurodéputés de droite et d’extrême droite avait fait campagne pour une remise en cause de ce texte. La désignation de Teresa Ribera au poste de commissaire européenne apporte une réponse rassurante. L’actuel ministre de l’Environnement espagnol a une réputation d’experte sur ces sujets.

Elle devra la mettre à profit pour lancer la deuxième étape de la transition écologique européenne, le pacte industriel vert.

« C’est vraiment la réponse non seulement à l’Inflation Réduction Act (IRA) américain, mais aussi à la stratégie chinoise qui vise à produire énormément de technologies vertes comme des panneaux photovoltaïques ou des batteries qui tue complètement la concurrence et les rivaux européens ou américains. Là-dedans, l’Europe doit tirer son épingle du jeu sinon dans quelques années, on sera dépendant de la Chine pour effectuer notre transition.

Et c’est un peu tout l’enjeu de ce mandat : comment passe-t-on à la phase industrielle ? De cette transition, qu’on puisse avoir les innovations, les investissements, mais aussi les emplois sur le sol européen », décrypte Neil Makaroff, directeur du groupe de réflexion Strategic Perspectives. Et pour mener cette tâche à bien, Teresa Ribera obtient également le portefeuille de la concurrence, un domaine dans lequel les prérogatives de la Commission européenne sont particulièrement importantes.

Mais avant d’être nommés pour un mandat de cinq ans, les candidats vont devoir passer le cap des auditions, c’est-à-dire un processus de vérification des candidatures.

Il s’agit de vérifier l’indépendance des candidats, leur engagement européen ou encore leurs compétences dans le domaine pour lequel ils sont pressentis. Il faut notamment éviter tout conflit d’intérêt. Ensuite, les députés européens ont la possibilité d’adresser trois questions écrites au candidat auquel il doit répondre. C’est seulement après que commencent les fameuses auditions par les commissions parlementaires, en fonction des domaines de compétence.

Petite précision : un candidat peut être à nouveau convoqué pour une seconde audition si besoin en est. Arrive enfin la dernière étape, le vote des députés qui valide ou pas la nomination de ces fameux commissaires.

RFI

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