Évoquant un « tournant historique », le ministre tchadien des Affaires étrangères a annoncé jeudi que son pays mettait un terme « à l’accord de coopération en matière de défense signé avec la République française ». Pour lui, il ne s’agit pas pour autant d’une « rupture avec la France ».
Le Tchad, dernier pays sahélien à abriter des forces françaises, met fin aux accords de sécurité et de défense avec la France, a annoncé jeudi 28 novembre le ministre tchadien des Affaires étrangères, quelques heures seulement après la visite de son homologue français Jean-Noël Barrot.
« Le gouvernement de la République du Tchad informe l’opinion nationale et internationale de sa décision de mettre fin à l’accord de coopération en matière de défense signé avec la République française », a déclaré Abderaman Koulamallah sur la page Facebook du ministère.
Le Tchad est un maillon clé de la présence militaire française en Afrique, constituant le dernier point d’ancrage de Paris au Sahel après les retraits forcés de ses troupes au Mali, au Burkina Faso et au Niger.
« La France est un partenaire essentiel mais elle doit aussi considérer désormais que le Tchad a grandi, a mûri et que le Tchad est un État souverain et très jaloux de sa souveraineté », avait relevé un peu plus tôt Abderaman Koulamallah à l’issue d’une rencontre entre le président Mahamat Idriss Déby Itno et Jean-Noël Barrot.
Le chef de la diplomatie française, arrivé jeudi soir en Éthiopie, n’était pas immédiatement joignable pour réagir à cette information, tout comme le ministère français des Armées.
« Ce n’est pas une rupture avec la France »
En mai dernier se sont achevées à N’Djamena trois années de transition avec l’élection de Mahamat Idriss Déby Itno, porté au pouvoir par une junte militaire après la mort de son père Idriss Déby tué par des rebelles au front.
Menacé par des offensives rebelles, Déby père avait pu compter sur l’appui de l’armée française pour repousser celles-ci en 2008 puis en 2019.
« Ce n’est pas une rupture avec la France comme le Niger ou ailleurs », a néanmoins assuré à l’AFP le ministre tchadien joint par téléphone, dont le pays abrite encore environ un millier de militaires français.
« Le Tchad, conformément aux dispositions de l’accord, s’engage à respecter les modalités prévues pour sa résiliation, y compris le délai de préavis », précise le communiqué ministériel, qui n’évoque pas de date de retrait des troupes françaises.
Une décision « prise après une analyse approfondie »
Cette décision a été « prise après une analyse approfondie » et marque un « tournant historique », a souligné Abderaman Koulamallah dans son communiqué. « Après 66 ans de la proclamation de la République du Tchad, il est temps pour le Tchad d’affirmer sa souveraineté pleine et entière, et de redéfinir ses partenariats stratégiques selon les priorités nationales », a-t-il ajouté, assurant que la visite de Jean-Noël Barrot avait par ailleurs permis de renforcer les relations bilatérales « à tous les niveaux ».
La visite de Jean-Noël Barrot visait à prendre la mesure de la crise humanitaire provoquée par la guerre au Soudan. Aux côtés du ministre tchadien, il a visité les camps de réfugiés saoudiens à Adré, où il a annoncé une aide supplémentaire de la France de 7 millions d’euros pour aider les organisations humanitaires.
Il a en outre exhorté les belligérants au Soudan à cesser leurs hostilités et invité « les puissances étrangères qui sont alliées aux belligérants à cesser de jeter de l’huile sur le feu » en leur fournissant des armes.
Il n’a pas cité de pays autre que la Russie. Mais les Émirats arabes unis sont accusés de fournir des armes aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) et le Tchad de les soutenir en laissant transiter des armes sur son territoire.
Lundi, l’envoyé personnel d’Emmanuel Macron en Afrique, Jean-Marie Bockel, avait remis au président français son rapport sur la reconfiguration du dispositif militaire français en Afrique, qui prône un partenariat « renouvelé » et « coconstruit », selon l’Élysée.
AFP