De violents combats opposent mardi l’armée syrienne à une coalition de rebelles dirigée par des islamistes radicaux, qui tentent de progresser vers la ville stratégique de Hama, dans le centre de la Syrie, selon l’OSDH. Les appels à la désescalade se sont multipliés lundi face à l’offensive des rebelles qui se sont emparés de vastes régions du nord de la Syrie, faisant craindre une reprise des combats à grande échelle après plus d’une décennie de guerre civile.
Les rebelles ont lancé la semaine dernière une offensive fulgurante qui leur a permis de s’emparer de Alep, deuxième ville de Syrie, dans le nord, dont les forces du régime ont totalement perdu le contrôle pour la première fois depuis le début de la guerre civile en 2011.
Selon le ministère syrien de la Défense, de « violents affrontements » ont opposé lundi l’armée, appuyée par des frappes aériennes syriennes et russes, « à des organisations terroristes dans le nord » de la province de Hama.
Même constat de la part de l’OSDH, l’Observatoire syrien des droits de l’homme, qui annonce que « de violents affrontements se déroulent dans le nord de la province de Hama », où « l’aviation russe et syrienne mène des dizaines de frappes » sur les positions des rebelles. Ces derniers ont pu prendre le contrôle de plusieurs villes et villages dans la région de Hama, a ajouté l’ONG basée au Royaume-Uni et qui dispose d’un vaste réseau de sources en Syrie.
L’armée syrienne avait annoncé avoir envoyé des renforts vers la région, qui ont permis de ralentir la progression des rebelles au cours des deux derniers jours.
Mais un photographe de l’AFP a vu mardi matin des dizaines de chars et de véhicules militaires de l’armée syriennes abandonnés, sur la route menant à Hama.
Hama est une ville stratégique du centre de la Syrie, sur la route reliant Alep à la capitale Damas. La progression des rebelles « menace la base populaire du régime », les environs de la ville étant peuplés d’alaouites, la communauté dont est issu le président Bachar al-Assad, souligne à l’Agence France presse Rami Abdel Rahman, le directeur de l’OSDH.
Appels à la désescalade
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, s’est dit « alarmé par la récente escalade de la violence » en Syrie et a appelé à une « cessation immédiate des hostilités ».
Le secrétaire général Antonio Guterres est alarmé par l’escalade de violence qui s’est emparée du nord-ouest de la Syrie… Il s’est également inquiété de l’aggravation de la situation sanitaire, à cause des corps non enterrés et du manque d’eau potable, souligne notre correspondante à New York, Carrie Nooten.
Les combats sont les premiers de cette ampleur en quatre ans, or le pays souffre déjà d’une des pires crises humanitaires au monde, avec 7 millions de déplacés et près de 17 millions de personnes ayant besoin d’assistance humanitaire.
Les opérations de distribution d’aide de l’ONU ont d’ailleurs dû être largement suspendues dans certaines zones d’Alep, d’Idler et de Hama, puisque les équipes du bureau des Affaires humanitaires ne peuvent plus accéder aux entrepôts où l’aide humanitaire est stockée.
« Il appelle à une cessation immédiate des hostilités.
Toutes les parties doivent faire leur possible pour protéger les civils et les infrastructures civiles, y compris permettre le passage en toute sécurité des civils qui fuient les hostilités, a déclaré son porte-parole Stéphane Dujarric. Les Syriens subissent ce conflit depuis près de 14 ans. Ils méritent un horizon politique qui les mènera à un avenir pacifique, et pas à plus d’effusion de sang. »
Des dizaines de milliers de personnes fuient les combats. « Inquiétant. Des dizaines de milliers de personnes sont en train de se déplacer », a commenté sur X le patron d’Ocha, Tom Fletcher. Washington a exhorté « tous les pays » à œuvrer pour une « désescalade », de même que l’Union européenne qui a « condamné » les frappes russes « sur des zones densément peuplées ».
Syrie: les principaux belligérants
Après 13 années d’un conflit sanglant ayant morcelé la Syrie, qui sont les principaux belligérants et leurs soutiens ?
Les islamistes radicaux
Les islamistes radicaux de Hayat Tahrir al-Sham (HTS), dominés par l’ancienne branche syrienne d’al-Qaïda, contrôlaient avant leur offensive la dernière poche d’opposition armée dans le nord-ouest de la Syrie, soit une moitié de la province d’Idleb et des territoires limitrophes des provinces d’Alep, de Hama et de Lattaquié. Ils ont depuis l’offensive quasiment doublé leur territoire : outre Alep, ils ont conquis des parties de sa province, de celle d’Idleb et de la province de Hama (centre).
Les forces gouvernementales
Après le début du conflit en 2011, l’armée syrienne avait perdu la majorité du territoire au profit des factions d’opposition, de combattants kurdes, puis des jihadistes du groupe Etat islamique (EI). L’intervention russe en 2015 a changé la donne. Soutenu militairement par Moscou, l’Iran et le Hezbollah, le régime a repris de nombreux territoires. Avant l’offensive de HTS, le gouvernement de Bachar al-Assad contrôlait les deux tiers de la Syrie. Il tient encore notamment la capitale Damas, une grande partie du littoral (nord-ouest), ainsi que la province de Homs, dans le centre du pays, et les régions instables de Deraa et de Soueida, dans le sud.
Dans l’ouest de la Syrie, la Russie dispose de la base aérienne de Hmeimim et d’une base navale au port de Tartous.
Les combattants kurdes
Profitant de l’affaiblissement du régime après le début de la guerre, les Kurdes ont annoncé la mise en place d’une « administration autonome » dans des zones du nord et de l’est du pays, après le retrait du régime d’une grande partie de ces régions. Soutenues par Washington, les Forces démocratiques syriennes (FDS, dominées par les Kurdes) ont progressivement étendu leur territoire, en enchaînant les victoires face à l’EI. Elles dominent le Nord-Est syrien, dont la population est estimée à 3 millions d’habitants, dont un gros tiers de Kurdes.
Des forces américaines, déployées dans le cadre d’une coalition internationale anti-EI, sont déployées sur plusieurs bases en territoire kurde, notamment dans la province pétrolière de Deir Ezzor. Elles sont également présentes dans le sud, sur la base stratégique d’al-Tanf, près des frontières jordanienne et irakienne.
La Turquie et les factions
Les forces turques et leurs supplétifs syriens contrôlent une bande territoriale discontinue entre Afrine et Ras al-Aïn, peuplée d’un million et demi de personnes, dans le nord-ouest, le long de la frontière turque. Ces territoires contrôlés par une coalition de rebelles relevant de la Turquie, abritent 1,5 million de personnes. Parallèlement à l’offensive à Alep, ces groupes ont pris l’enclave de Tell-Rifaat, contrôlée par les Kurdes.
Depuis 2016, l’armée turque a lancé plusieurs opérations militaires dans le nord de la Syrie, ciblant notamment les combattants kurdes.
Les jihadistes de l’EI
Après avoir conquis de vastes zones en Syrie et en Irak en 2014, l’organisation jihadiste a subi des défaites successives jusqu’à perdre tous ses territoires en 2019 en Syrie. Les combattants repliés dans le vaste désert syrien continuent de mener des attaques sanglantes contre des civils, les forces du régime et les forces kurdes.
AFP