Pendant de nombreuses années, cette prison, comme tant d’autres sous le régime de Bachar al-Assad, a été le théâtre de tortures physiques et psychologiques ainsi que d’exécutions sommaires.
Le lieu a été renommé « l’abattoir humain » par Amnesty International. Dimanche 8 décembre, quelques heures après que le régime de Bachar al-Assad a été renversé par les rebelles islamistes, ces derniers ont ouvert les portes de la tristement célèbre prison de Saydnaya, située à une trentaine de kilomètres au nord de Damas, symbole de la répression du dictateur et où la torture et les exécutions sommaires étaient habituelles.
« On m’a brisé le dos »
En son sein se trouvaient des dizaines de détenus, parfois maintenus dans de minuscules cellules depuis des dizaines d’années, le visage décharné et le regard hagard à leur libération. Parmi eux, Imad Jamal, qui a passé cinq longues années derrière ces murs, décrit à BFMTV l’enfer quotidien de cette prison.
« Moi on m’a brisé le dos pour un médicament donné à un détenu malade.
Ils nous fouettaient, ils nous marchaient dessus avec leurs bottes », explique cet homme atteint de tuberculose, actuellement pris en charge à l’hôpital al-Nafis, à Damas.
Alors que les détenus avaient pour interdiction de parler entre eux et de regarder les geôliers dans les yeux, Imad, pour survivre, s’est isolé pendant des mois et n’a plus parlé à personne. Il décrit un environnement dans lequel la mort est omniprésente.
« Trop de gens sont morts devant moi.
Ils dormaient à côté de moi, et quand j’essayais de les réveiller, ils ne bougeaient plus. Pourquoi? Parce qu’on les battait à mort », ajoute-t-il.
« Je les tuerais »
Depuis que les rebelles ont ouvert les portes de la prison de Saydnaya, des milliers de familles se ruent vers les hôpitaux, où la liste des prisonniers et leurs photos sont affichées à l’entrée, dans l’espoir éventuel de retrouver un proche. Imad a, par bonheur, pu retrouver les membres de sa famille, qui oscillent entre soulagement et colère intense.
« Si je savais qui c’était, je les tuerais », dit Omar, son fils.
En début de semaine, les rebelles ont indiqué vouloir publier une liste de tortionnaires du régime de Bachar al-Assad. L’ancien chef d’une autre prison au service du dictateur, celle d’Adra, a été interpellé et inculpé aux États-Unis jeudi.
La prison de Saydnaya est devenue, depuis le début de la guerre civile syrienne en 2011, le symbole d’un régime répressif aux pratiques barbares. Des milliers de détenus y ont été entassés dans des conditions inhumaines.
« La tuberculose adore l’obscurité et l’humidité, et il y en a dans chaque prison en Syrie.
Bien sûr, ils arrivent avec des séquelles psychologiques et des maladies nerveuses qui sont insupportables pour le patient », explique à BFMTV, Tahane, docteure à l’hôpital al-Nafis.
Régulièrement privés d’eau et de nourriture, souvent dépouillés de leurs vêtements, les détenus vivaient dans le froid avec pour seule protection des couvertures humides, parfois infestées de poux. Les passages à tabac, à coup de barre de fer ou de bâtons électriques, étaient fréquents.
Au total, depuis le début du soulèvement en 2011, plus de 100.000 personnes ont péri dans l’immense complexe pénitentiaire syrien, selon une estimation de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) en 2022.
bmftv