Drogues en France : ce que le dispositif Sintes dit des nouvelles tendances et des substances émergentes de l’année 2023

Le 10e Point Sintes de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives est paru. Il nous apporte un éclairage sur les drogues en circulation et l’apparition de nouvelles molécules psychoactives.

L’OFDT (Observatoire français des drogues et des tendances addictives) a dévoilé à la mi-décembre 2024 les dernières tendances de consommation de drogues en France. L’émergence de nouvelles substances psychoactives est également relevée dans sa synthèse annuelle, produite par son Système d’identification national des toxiques et des substances (Sintes).

Le Point Sintes n°10 donne ainsi un état des lieux des molécules illicites en circulation sur le territoire dans un but de veille et de surveillance.

Il s’agit de prévenir et réduire les risques encourus par les consommateurs en milieu festif par exemple, qui ignorent la composition et les effets secondaires des drogues qu’ils achètent.

Comment sont collectées les substances par le dispositif Sintes ?

731 produits psychoactifs ont été recueillis pendant l’année 2023, bien plus qu’en 2022, et ces collectes sont en augmentation d’année en année. Elles sont opérées par un réseau d’associations, d’infirmiers, de médecins, d’éducateurs, de membres de centres d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance-addictovigilance, disséminés sur tout le territoire hexagonal et dans deux départements ultramarins (la Guyane et La Réunion).

A cela, il faut ajouter un maillage de laboratoires d’analyses toxicologiques dépendant d’entités variées : police scientifique, douanes, gendarmerie, direction générale de la Concurrence, la Consommation et la Répression des fraudes. Chaque année, le dispositif Sintes relève dans ses collectes des produits illicites, donc pleinement reconnus et mis à l’index par la loi, et d’autres encore non réglementés, qualifiés d’émergents. La galénique (aspect physique du produit) des substances recueillies est très variable : poudres, liquides, comprimés, débris végétaux, buvards…

Quelles sont les tendances repérées en 2023 ?

Il faut relever en préambule que 17 identifications de nouveaux produits de synthèse (NPS) ont été notifiés par le dispositif Sintes auprès du Système d’alerte précoce de l’Agence de l’Union européenne sur les drogues (Euda). C’est moins qu’en 2022. Parmi les nouvelles molécules de synthèse concoctées par les chimistes clandestins, ce sont les cannabinoïdes de synthèse et les cannabinoïdes hémisynthétiques qui sont majoritaires.

  • Cocaïne : La cocaïne est le produit le plus fréquemment collecté en 2023 avec 131 échantillons, représentant un tiers des collectes totales. Elle est consommée en milieu festif principalement, mais aussi en milieu professionnel ou en solitaire. Les échantillons analysés présentent peu de concentration et d’adultération, c’est-à-dire qu’ils sont très peu, voire pas du tout coupés avec d’autres produits, une tendance observée depuis 2018 par l’OFDT.
  • Le marché de l’offre de cette drogue en provenance du Pérou, de la Colombie et de la Bolivie est en hausse constante depuis près de 30 ans, et les routes empruntées pour l’acheminer vers l’Europe se sont multipliées. En bout de parcours, c’est le volume des saisies par les autorités françaises qui lui aussi augmente.
  • Produits à base de cannabis. Trois catégories caractérisées par des formes très différentes et de fortes concentrations en produit actif reviennent dans les collectes :
    • des huiles et résines à forte teneur en delta9-THC
    • des cannabinoïdes hémisynthétiques, issues de la transformation des substances naturelles de la plante par un processus chimique. Le plus connu de cette catégorie chimique, et qui figure en tête des échantillons, est l’hexahydrocannabinol (HHC), classé comme stupéfiant depuis juin 2023.
    • des cannabinoïdes purement synthétiques. Ils sont vendus sous des formes extrêmement variées, attractives et faussement inoffensives : des huiles, des bonbons gélifiés ou des pâtes de fruit, identifiés par le rapport Sintes comme « produits comestibles ». On retrouve également des cannabinoïdes de synthèse dans les liquides de vapotage. Comestibles et e-liquides sont pourtant annoncés comme contenant uniquement du CBD.
    • A noter que le rapport souligne l’extrême jeunesse des usagers à l’origine des collectes de ces produits de vapotage, 18 ans pour un grand nombre d’entre eux.
  • Cathinones de synthèse : 99 collectes analysées par le dispositif Sintes en 2023 comportaient au moins une cathinone synthétique. Cette classe chimique est la plus variée en raison du jeu de cache-cache entre fabricants et législateurs en Europe. Celui-ci complique le travail des laboratoires d’analyse qui doivent les dépister. La 3-CMC est la cathinone de synthèse la plus identifiée dans le dispositif Sintes en 2023, et très souvent vendue aux usagers comme de la 3-MMC.
  • Apparaissent aussi parmi les cathinones détectées dans les produits collectés, des dérivés de la pentédrone, dont la N-ethylnorpentedrone, placée sous surveillance intensive par le système d’alerte précoce de l’Euda.
  • Nitazènes : Une catégorie d’opioïdes de synthèse, classée comme stupéfiant en juillet 2024, a été identifiée par le dispositif Sintes quand, entre mars et avril 2023, un cluster d’intoxications à l’isotonitazène a été rapporté à Montpellier. L’isotonitazène est un nouvel opioïde de synthèse de la famille des dérivés benzimidazolés. Les nitazènes ont une puissance analgésique « 500 fois supérieure à celle de la morphine et légèrement supérieure à celle du fentanyl« .
  • Héroïne : Une alerte sanitaire en Ile-de-France a signalé des échantillons d’héroïne coupés avec des cannabinoïdes de synthèse, ainsi que des produits vendus comme de l’héroïne mais ne comportant que ces cannabinoïdes synthétiques. « Des non-conformités inédites », selon le rapport Sintes. Celui-ci note par ailleurs que la grande majorité des échantillons d’héroïne sont conformes à l’attente des consommateurs et sont habituellement adultérés.
  • Cocaïne rose : Le produit a été très médiatisé mais il reste minoritaire dans les collectes du dispositif Sintes 2023. Cette cocaïne rose est appelée également 2C-B, tucibi, tuci, tussi, coke-rose, pink cocaïne, Nexus. Elle est composée de kétamine et de MDMA dont les proportions varient.

Le Point Sintes repère les « signaux faibles » chaque année

« Traiter les données Sintes avec prudence ». La mise en garde figure dès les premières pages du rapport. Les échantillons ne sont récoltés que dans des situations spécifiques : les usagers constatant des effets secondaires inattendus ou indésirables, ou encore pour « lever les doutes sur la composition des produits », demandent aux collecteurs et collectrices de Sintes de les faire analyser.

Il faut bien comprendre que le nombre d’échantillons collectés reste insuffisant pour relater une image exacte des teneurs et compositions des produits en circulation sur le plan national.

Ce dispositif repère essentiellement des « signaux faibles« . Ce n’est pas une enquête exhaustive. Cet outil de veille permet néanmoins aux différents acteurs de la prévention des risques liés à la consommation de drogues d’être alertés.

sciencesetavenir

You may like