Pourquoi Donald Trump convoite-t-il le Groenland ?

Workers prepare the inauguration of U.S. President Elect Donald Trump at the U.S. Capitol in Washington, DC, U.S. January 19, 2017. REUTERS/Brian Snyder TPX IMAGES OF THE DAY

Le futur président américain élu, Donald Trump, a toujours le regard fixé sur le Groenland, île stratégique entre la Russie et les États-Unis, objet de toutes les convoitises. En 2019, il avait carrément proposé d’acheter ce territoire autonome danois de l’Arctique, suscitant indignation et rejet catégorique des gouvernements danois et groenlandais, à l’instar de la Première ministre danoise, Mette Frederiksen, qui qualifiait cette idée d’« absurde ».

Donald Trump est revenu à la charge dimanche 22 décembre 2024 en annonçant, sur son réseau social Truth Social, son choix du nouvel ambassadeur américain au Danemark, et en ajoutant : « Pour des raisons de sécurité nationale et de liberté dans le monde, les États-Unis estiment que la propriété et le contrôle du Groenland sont une nécessité absolue. »

Une phrase qui a soulevé un tollé à Copenhague et à Nuuk, capitale des Inuits. « Le Groenland n’est pas à vendre et ne le sera jamais », a répondu le chef du gouvernement local, Mute Bourup Egede, néanmoins disposé à « coopérer avec [ses] voisins » d’Amérique du Nord.

Quand les Américains occupaient le Groenland
Des experts s’étonnent de cette annonce. « Surpris par une telle déclaration tonitruante », Jon Rahbek-Clemmensen, chercheur à l’Institut d’études stratégiques arctiques de l’Académie de défense à Copenhague, estime que « les États-Unis n’ont pas besoin d’acheter le Groenland puisqu’ils contrôlent déjà ce territoire et ont accès à tout ce qu’ils considèrent comme vital pour leurs intérêts », explique-t-il au Point.

Les Américains avaient « déjà occupé le Groenland en 1941, pendant la Seconde Guerre mondiale, en accord avec l’ambassadeur du Danemark à Washington, Henrik Kauffmann, qui a agi seul, au mépris du gouvernement de coopération de Copenhague », rappelle-t-il. En construisant plusieurs bases, ils voulaient « empêcher l’Allemagne d’utiliser l’île comme station météorologique et comme tremplin pour une invasion de l’Amérique du Nord ».

En 1951, les États-Unis ont conclu avec le Danemark un accord de défense. Toutes leurs bases ont été fermées, sauf celle de Thulé, au nord-ouest de l’île, appelée désormais Pituffik Space Base. Modernisée au début des années 2000, elle est incluse dans le système de bouclier antimissile américain.

Les intérêts de la Russie, de la Chine et des États-Unis convergent vers l’Arctique
L’intérêt de Washington pour cette terre de glace stratégique peuplée de 56 000 âmes s’est « accru au cours des dernières années face aux velléités de la Russie et de la Chine qui ont renforcé leur position dans l’Arctique », souligne Jon Rahbek-Clemmensen.

Alors que les Russes ont « conforté leur présence militaire dans la région » en construisant des bases, des pistes d’atterrissage et des systèmes radars et en acquérant de nouveaux sous-marins et avions, les activités de la Chine ont été « économiques en investissant dans la recherche minière au Groenland, riche en minerais, notamment les terres rares », relève-t-il. «

Les États-Unis ont été préoccupés, ajoute-t-il, par les capacités des bases russes dans l’Arctique permettant désormais d’attaquer la base de Thulé, redevenue la pierre angulaire de la défense antimissile américaine. »

Washington craignait également que « la Chine puisse utiliser des investissements financiers pour rapprocher le Groenland de la Chine et y construire des infrastructures qui pourraient être utilisées par l’armée chinoise à l’avenir », poursuit l’analyste.

Renforçant leurs liens avec le Groenland, les États-Unis ont rouvert leur consulat à Nuuk en 2019 et conclu, en juin de la même année, un accord de coopération. Les entreprises américaines peuvent ainsi prospecter dans la province de Gardar, au sud-ouest du Groenland, une zone qui recèle de grandes quantités de minéraux « très utiles pour les Américains ».

« Que cherche donc Trump avec ce signal alors que les États-Unis ont tout ce qu’ils veulent pour protéger leurs intérêts, sinon à inciter le gouvernement danois, leur allié, à renforcer ses capacités de défense au Groenland ? » se demande Jon Rahbek-Clemmensen.

Coïncidence, le ministre danois de la Défense, Troels Lund Poulsen, a présenté mardi un plan de milliards de couronnes pour renforcer la défense du Groenland. Il prévoit la construction de deux nouveaux navires d’inspection, deux drones à longue portée et davantage de membres du personnel au Commandement de l’Arctique.

« Pendant de nombreuses années, nous n’avons pas suffisamment investi dans l’Arctique. C’est pourquoi nous envisageons maintenant une présence plus forte », dit-il au quotidien Jyllands-Posten. « L’annonce de Trump n’a aucune influence sur notre plan échafaudé depuis 2023 », a-t-il ajouté sur la chaîne TV2.

Le Groenland « protège les États-Unis des missiles russes »
Martin Breum, spécialiste de l’Arctique et auteur de plusieurs livres, dit à la station radio P1 Morgen : « Il ne faut pas prendre les paroles de Trump à la légère. Nous ne devons jamais oublier que le Groenland revêt une grande importance militaire, stratégique et géopolitique pour les États-Unis. Le Groenland est comme une sorte de casque de sécurité au sommet du continent américain et protège les États-Unis des missiles russes » grâce à leur base d’alerte de Thulé.

Selon lui, « Donald Trump estime que les États-Unis doivent assurer un plus grand contrôle sur le Groenland ? et il ne pense pas que les liens qui existent déjà entre les États-Unis, le Danemark et le Groenland soient suffisants ».

msn

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