La Zone CEMAC traverse une période charnière, avec des défis économiques et monétaires complexes. Si ces obstacles sont réels, ils offrent également une opportunité unique pour la Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC) de jouer un rôle moteur dans la transformation économique de la sous-région.
Après le sommet extraordinaire des Chefs d’État à Yaoundé, les attentes étaient élevées : les acteurs économiques espéraient des mesures audacieuses pour renforcer les fondations économiques de la zone. Certes, la BEAC a choisi de maintenir ses principaux taux inchangés, mais cela pourrait ouvrir la voie à une réflexion stratégique sur des initiatives ciblées, mieux adaptées aux besoins des pays membres.
Une base économique solide à préserver
En analysant les récents indicateurs, il est évident que la Zone CEMAC dispose de leviers positifs :
● Les réserves de change, bien qu’en légère baisse, couvrent encore 4,4 mois d’importations en 2024, un niveau qui demeure satisfaisant comparé aux années précédentes.
● L’inflation, bien qu’ayant connu un pic en 2023, devrait revenir à 4,4 %, un signe que les pressions sur les prix peuvent être maîtrisées avec des mesures adaptées.
● Le compte courant reste excédentaire et les budgets globaux des États affichent des soldes positifs, témoins d’un potentiel de stabilité et de résilience.
Ces bases macroéconomiques, bien que perfectibles, sont un socle sur lequel bâtir une politique monétaire plus dynamique et inclusive.
Réinventer la politique monétaire : une opportunité stratégique
La BEAC a la possibilité de transformer ces acquis en catalyseurs de développement. Une politique monétaire plus ciblée pourrait apporter des réponses concrètes aux défis spécifiques des économies de la sous-région. Par exemple :
- Soutenir l’agriculture pour réduire la dépendance alimentaire
En ouvrant des fenêtres de financement à taux préférentiels pour des projets agricoles, la BEAC pourrait stimuler la production locale, réduire les importations alimentaires et alléger ainsi la pression sur les réserves de change. Une telle mesure aurait également un effet bénéfique sur l’inflation, les produits alimentaires étant parmi les principaux contributeurs à la hausse des prix. - Encourager le développement du logement abordable
En collaboration avec la COBAC, la BEAC pourrait ajuster les pondérations sur les prêts hypothécaires, à condition que les États membres proposent des plans clairs de construction de logements et d’infrastructures connexes. Cela permettrait de réduire le coût du logement, le deuxième poste de dépense des ménages, tout en dynamisant des secteurs clés comme la construction et l’énergie. - Investir dans les infrastructures rurales
L’ouverture de lignes de crédit spécifiquement dédiées aux projets de routes en mode HIMO (Haute Intensité de Main-d’Œuvre) pourrait transformer les zones rurales, faciliter l’accès aux marchés agricoles, et améliorer la connectivité. Cette approche contribuerait non seulement à la création d’emplois, mais aussi à une croissance inclusive.
Une vision partagée pour un futur commun
Pour maximiser l’impact de ces initiatives, il serait bénéfique d’adopter une meilleure coordination entre la politique monétaire de la BEAC et les politiques budgétaires des États membres. Chaque pays de la zone CEMAC a ses spécificités économiques. Une approche différenciée, axée sur les priorités nationales et sectorielles, pourrait apporter des résultats plus rapides et plus durables.
En effet, la Zone CEMAC dispose de ressources humaines exceptionnelles et d’une population jeune, prête à relever les défis. Avec une vision commune et des mesures adaptées, il est possible de transformer les contraintes actuelles en leviers de croissance.
Oser l’audace pour une transformation durable
Bien que la COBAC ait récemment introduit une pondération sur les prêts aux États, incitant les banques à diversifier leurs portefeuilles, cette décision pourrait également ouvrir des opportunités pour les gestionnaires d’actifs et les investisseurs institutionnels, tout en renforçant la discipline budgétaire des gouvernements.
La BEAC a entre ses mains les clés pour réorienter le développement de la sous-région. Une politique monétaire proactive, combinée à des initiatives innovantes, pourrait jeter les bases d’une économie plus résiliente et moins dépendante des fluctuations externes.
Ce moment, bien que complexe, est une invitation à l’audace et à l’innovation.
La BEAC, en tant que pilier économique de la Zone CEMAC, a l’opportunité de devenir un acteur central de la transformation régionale. Le potentiel est immense, et les outils sont à portée de main. Il est temps d’en faire usage.
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