Le chef de l’opposition (CDU-CSU), qui espère remporter les élections législatives du 23 février 2025, traîne une image d’homme du passé à laquelle il peine à échapper. Rival malheureux d’Angela Merkel, il avait fini par quitter la politique en 2009 avant d’effectuer son retour à la fin de la carrière politique de la chancelière.
À moins de sept semaines des élections législatives anticipées en Allemagne, Friedrich Merz, député de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, sa région natale, est donné favori pour devenir le prochain chancelier.
Longtemps mis à l’écart par Angela Merkel, le chrétien-démocrate, âgé de 69 ans, apparaît en bonne voie, selon les sondages qui donnent une large avance à son Union chrétienne-démocrate (CDU) alliée à l’Union chrétienne-sociale bavaroise (CSU).
Avec 32% des intentions de vote, les conservateurs de la CDU se placent devant le parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD, 19%), le Parti social-démocrate d’Allemagne SPD (15%), et les Verts (13%), selon une moyenne pondérée des sondages, en date du vendredi 27 décembre.
Si Friedrich Merz est nommé, ce sera la fin de longues années d’attente, lui qui convoite la chancellerie depuis son éviction de la présidence de la CDU par son éternelle rivale, Angela Merkel, en 2002.
De la politique au lobbying, et vice-versa
Ancien député au Parlement européen (1989-1994), Friedrich Merz se définit comme un Européen convaincu et un ardent défenseur du moteur franco-allemand. Juriste de formation, il surprend ses interlocuteurs par sa stature imposante (1,98 mètre), ses yeux sombres et ses joues creuses. Il s’ancre fermement dans la doctrine économique libérale, tout en étant traditionaliste sur le plan social, à la fois europhile et atlantiste.
Sa carrière politique, qui s’annonce prometteuse, s’interrompt brutalement en 2002, lorsque Angela Merkel, qui récupère la tête du groupe parlementaire au Bundestag après les élections fédérales, l’écarte de son poste stratégique de président du groupe parlementaire. Il finit par se retirer de la politique en 2009.
Il choisit alors « de se concentrer entièrement sur le fait de gagner de l’argent », expliquent ses biographes Jutta Falke-Ischinger et Daniel Goffart dans le livre « Der Unbeugsame » (« L’inflexible », Langenmüller Verlag, 2022) qu’ils lui ont consacré.
Friedrich Merz commence par devenir avocat d’affaires au sein du cabinet international Mayer Brown, avant de se reconvertir dans la finance, où il travaille notamment comme lobbyiste pour BlackRock, l’un des plus grands gestionnaires d’actifs au monde.
Ce n’est qu’en 2018, lorsque Angela Merkel organise la fin de sa carrière politique, qu’il tente un retour à la tête de la CDU. Après deux échecs, il obtient finalement la présidence du parti en janvier 2022, profitant de la défaite de la CDU aux élections législatives.
Un homme aux convictions bien ancrées dans le conservatisme
Chasse, pêche et…convictions. Friedrich Merz peaufine sa campagne électorale et sa stature de futur chef d’État, soucieux de se présenter comme un fervent adepte des valeurs conservatrices. Originaire du Sauerland – une région rurale située dans le centre-ouest de l’Allemagne – il a ainsi affiché une famille « conforme aux normes de la bourgeoisie classique » selon un documentaire diffusé sur une chaîne publique allemande, en avril dernier.
Père de trois enfants, grand-père à plusieurs reprises, il est marié à une magistrate, comme son père l’était.
Opposé à la parité homme-femme dans un gouvernement sous sa direction et critique de longue date du langage inclusif, il s’est façonné l’image d’un homme aux convictions bien ancrées dans le conservatisme.
Connu pour ses sautes d’humeur, taxé d’arrogance par ses détracteurs, il avait essuyé les sarcasmes lorsqu’il s’était défini comme appartenant à la ‘classe moyenne élevée’, tout en admettant être ‘multimillionnaire’. Il pilote des avions pendant son temps libre et possède un jet privé.
Au-delà d’une vision déconnectée des réalités socio-économiques de la grande majorité des foyers du pays, ses opposants aiment pointer l’inexpérience de celui qui n’a assuré aucune fonction ministérielle ou gouvernementale jusqu’à présent.
Questionnée sur ses capacités à être chancelier, Angela Merkel, l’a défendu à sa manière. « Qui est arrivé aussi loin doit bien avoir des qualités qui lui permettent d’y parvenir », avait déclaré l’ancienne dirigeante au magazine Der Spiegel.
Le « tourisme social » des réfugiés ukrainiens
« Des qualités », mais aussi des difficultés à définir une position claire sur les relations de la CDU avec le parti d’extrême droite allemand. S’il exclut toute alliance avec l’AfD, il adopte parfois une rhétorique qui en rappelle certains accents. En matière d’accueil des étrangers, il rejette l’héritage d’Angela Merkel (2005-2021), qui a permis l’entrée en Allemagne de centaines de milliers de Syriens et Afghans lors de la grande crise migratoire de 2015.
Après de courtes émeutes fin 2022 à Berlin, quand des jeunes avaient agressé des secouristes, il a désigné leurs auteurs présumés de « petits pachas » originaires de « l’espace arabe », qui « n’ont en fait rien à faire en Allemagne ».
Il réclame également l’expulsion systématique des demandeurs d’asile déboutés et des criminels, ainsi qu’une diminution des aides accordées aux migrants. Dans la foulée de la chute du dictateur Bachar al-Assad, il a suggéré mi-décembre que les Syriens, « très majoritairement des jeunes hommes » qui pourraient selon lui travailler mais ne le font pas, soient refoulés dans leur pays d’origine.
En septembre 2022, il avait également dénoncé un supposé « tourisme social » des réfugiés ukrainiens, profitant des prestations sociales – essentiellement des femmes et des enfants – qui ont fui leurs pays face à l’invasion russe, avant de s’excuser face au tollé.
Malgré les polémiques, cet homme perçu comme appartenant au passé, semble déterminé à façonner l’avenir de l’Allemagne.
AFP