Motion de censure: François Bayrou peut-il tomber dès jeudi à l’Assemblée nationale?

Le Premier ministre va affronter sa toute première motion de censure le 16 janvier à l’Assemblée. En l’absence des avancées réclamées par les socialistes sur les retraites, l’ensemble de la gauche pourrait le censurer. Mais c’est le RN qui pourrait tout faire basculer.

François Bayrou joue-t-il déjà sa peau ? À peine 48 heures après son discours de politique générale, le Premier ministre affronte déjà une motion de censure. Sur le papier, elle n’a pour l’instant que très peu de chance de renverser le chef du gouvernement.

Mais le centriste n’est pas à l’abri d’un retournement de situation qui ferait de lui le locataire de Matignon le plus éphémère de la 5e République.

• Ceux qui vont censurer François Bayrou de façon certaine

Les insoumis sont à l’initiative de la toute première motion de censure déposée contre lui. Premier grief invoqué: le fait que François Bayrou n’ait pas sollicité un vote de confiance des députés après son discours de politique générale. Sans majorité absolue, le Premier ministre était certain de ne pas l’obtenir et a donc préféré s’en passer tout comme Élisabeth Borne, Gabriel Attal et Michel Barnier.

La France insoumise juge encore qu’un Premier ministre de gauche aurait dû être nommé à Matignon après la sortie en tête au second tour des législatives de juillet dernier.

À la tribune de l’Assemblée, la présidente des députés LFI a dénoncé « le déni de démocratie » de François Bayrou qu’elle a accusé de ne « rien respecter ». Les 71 députés insoumis devraient donc tous voter la censure.

Même son de cloche pour les écologistes. La patronne du mouvement Marine Tondelier a assuré sur BFMTV ce mardi soir qu’il n’y avait « aucune raison » pour la gauche de « ne pas voter la censure », déplorant notamment son manque d’engagement sur la question du réchauffement climatique.

Les voix additionnées des LFI et des écologistes donnent 109 voix à la motion de censure, loin des 289 voix nécessaires pour renverser François Bayrou.

• Ceux qui pourraient censurer si François Bayrou ne va pas plus loin sur les retraites

Après des jours de négociation entre Bercy et les socialistes qui espéraient un gel ou au moins une suspension de la réforme des retraites, « le compte n’y est pas », a jugé Boris Vallaud, le président des députés socialistes ce mardi soir sur BFMTV.

François Bayrou a en effet annoncé « un conclave » des partenaires sociaux pendant trois mois pour décider d’une éventuelle remise en cause de la réforme ou au moins son évolution. En cas de consensus, un texte serait alors soumis au Parlement. Mais sans accord, c’est le passage de la retraite à 64 ans qui s’appliquerait. En attendant ces négociations, la réforme continue par ailleurs de s’appliquer.

« Nous réclamons cette suspension.

C’est la condition d’ailleurs du vote ou non d’une motion de censure de notre part, que ce soit demain ou dans quinze jours sur le budget », a lancé le député PS Philippe Brun sur notre antenne ce mercredi.

Pour l’instant, la porte-parole du gouvernement Sophie Primas n’a pas concédé la moindre ouverture sur le sujet à l’issue du conseil des ministres.

« En l’état des choses, je ne vois pas comment il échappe à la censure demain », tance la députée socialiste et vice-présidente du groupe à l’Assemblée Dieynaba Diop auprès de BFMTV.com.

Mais le groupe dirigé par Olivier Faure pourrait cependant se diviser. Le député Jérôme Guedj a par exemple pris ses distances, renvoyant « les comptes » au moment du budget qui devrait revenir à l’Assemblée d’ici la fin du mois de janvier sur France info ce mercredi.

Fabien Roussel, le secrétaire national du parti communiste, partage le constat de la grande majorité des socialistes.

« En l’état actuel des choses, nous voterons la censure », a lancé l’ex-député sur BFMTV ce mardi soir.

Les voix additionnées de l’ensemble du groupe socialiste et des communistes représentent 83 députés. Si l’ensemble de la gauche vote la motion de censure, elle récolterait 192 voix, toujours loin des 289 voix nécessaires.

• Ceux qui ne censureront pas

Si Laurent Wauquiez n’a guère été convaincu par le discours de François Bayrou, le président des députés LR a exclu tout soutien à la motion de censure. Avec une dizaine de ministres de droite au gouvernement après des années loin du pouvoir, les 47 députés savourent et ne comptent donc pas faire tomber le Premier ministre.

Ni le Modem, ni Horizons ni Renaissance, tous membres du gouvernement, ne comptent non plus censurer François Bayrou.

Quant au groupe Liot qui pourrait faire basculer le sort de François Bayrou avec ses 23 députés, leur président Stéphane Lenormand s’est présenté à la tribune comme « constructif, au service de l’intérêt général ».

Concrètement, l’addition de toutes ces voix donne 210 voix – tout en sachant que les députés contre une motion de censure ne la votent pas.

• Ceux qui peuvent tout faire basculer mais ne comptent pas censurer pour l’instant

C’est donc le RN et ses alliés, les députés d’Éric Ciotti, qui tiennent entre leurs mains l’avenir de François Bayrou. Dans un discours très offensif, le député RN Jean-Philippe Tanguy a répondu au Premier ministre, l’accusant de « mentir sur tout à Mayotte », dévasté par le passage du cyclone Chido.

« Notre exigence de fraternité, de solidarité et de dignité envers Mayotte est une ligne rouge. Si elle n’est pas scrupuleusement respectée, le groupe RN vous censurera », a lancé l’élu de la Somme.

Le RN attend donc que le gouvernement légifère sur le droit du sol à Mayotte, déjà différent que celui qui s’applique en métropole.

François Bayrou a déjà laissé entendre qu’il soutiendrait une proposition de loi des LR qui va dans ce sens en février avant de s’atteler à un projet de loi spécifique sur la question migratoire dans le département dans les prochains mois. Mais le projet de loi sur la gestion de l’immigration à Mayotte n’arrivera cependant que dans quelques mois à l’Assemblée nationale.

Suffisant pour les députés de Marine Le Pen?

La question est ouverte alors que le patron du mouvement Jordan Bardella a croisé le fer avec le ministre François Rebsamen qui a expliqué sur BFMTV ce mardi soir « respecter toutes les forces politiques sauf le RN ». Soucieuse de ne pas froisser le parti à la flamme, la porte-parole du gouvernement a avancé que ce n’était « pas la position du gouvernement ».

Il faut dire que les troupes RN et celles d’Éric Ciotti comptent 140 députés.

Si leurs voix se mêlent ce jeudi à celle de la gauche dans son entiereté, François Bayrou sera renversé. C’est ce scénario qui avait contraint Michel Barnier à quitter Matignon en décembre.

Peu probable, la manœuvre n’est cependant pas impossible.

Marine Le Pen avait annoncé à la surprise générale voter la motion de censure contre Élisabeth Borne en mars 2023, n’y réchappant qu’à 9 petites voix près.

bmftv

You may like