Le gouvernement de la République Démocratique du Congo (RDC) a exprimé de vives critiques à l’égard du règlement européen sur la déforestation zéro, qui impose des restrictions sur les produits agricoles tels que le cacao et le café. Lors d’un briefing à Kinshasa vendredi 10 janvier 2025, Julien Paluku, ministre du Commerce extérieur, a dénoncé les contradictions de cette législation et ses impacts potentiellement négatifs sur l’économie et l’environnement de la RDC.
Des critiques fondées sur des réalités locales ignorées
Julien Paluku a remis en cause les fondements du règlement européen, soulignant que bien qu’il prétende protéger l’environnement, il repose sur des critères qui ne tiennent pas compte des spécificités locales. Selon lui, les cultures de cacao et de café en RDC ne contribuent pas à la déforestation, mais au contraire, favorisent la reforestation et la capture du CO2. « Nos plantations de cacao et de café ne déforestent pas, elles jouent un rôle important dans la préservation de l’environnement », a affirmé le ministre, rappelant que la RDC dispose de 80 millions d’hectares de terres arables et de 155 millions d’hectares de forêts tropicales, une distinction importante.
Certification 2024 : des auditeurs étrangers remis en question
La RDC a obtenu en août 2024 la certification de ses plantations de cacao et de café par des auditeurs internationaux. Toutefois, Julien Paluku a exprimé des doutes sur la localisation et l’impartialité de ces auditeurs, qui sont basés en dehors du pays, notamment au Kenya, en Ouganda et au Rwanda. « Ces auditeurs certifient nos champs depuis l’étranger, ce qui suscite des interrogations sur leur objectivité et leur connaissance des réalités locales », a-t-il souligné. De plus, le ministre a critiqué l’incohérence des délais, en mettant en lumière le fait que le cacao et le café mettent plusieurs années à produire. Il s’est demandé comment un produit récolté aujourd’hui pouvait être lié à une déforestation récente.
Faible contribution de la RDC à la déforestation mondiale
Le ministre a également rappelé que la contribution de la RDC à la déforestation mondiale était marginale, estimée à seulement 0,03% par an. « À ce rythme, il nous faudrait 100 ans pour atteindre une déforestation de 3%. Nous ne sommes pas responsables des problèmes environnementaux qui nous sont imputés », a-t-il affirmé. En outre, il a insisté sur le fait que les cultures pérennes telles que le cacao et le café sont des arbres qui capturent le carbone et participent à la photosynthèse, tout comme les forêts tropicales.
Un dialogue tripartite et des réformes locales pour renforcer la certification
En réponse à ces critiques, le gouvernement congolais propose un dialogue tripartite avec l’Union européenne et la MONUSCO. Kinshasa suggère que la MONUSCO pourrait jouer un rôle de garant pour vérifier que les plantations respectent bien les normes environnementales. Par ailleurs, Julien Paluku a annoncé des mesures pour renforcer les capacités locales en matière de certification, en soulignant l’importance d’un système national qui ne dépende pas des auditeurs étrangers. « Nous allons renforcer l’ONAPAC et l’ANAPEX afin de garantir une certification nationale de nos produits agricoles », a-t-il ajouté.
Diversification des marchés commerciaux et lutte contre une guerre économique
Le ministre a également évoqué la nécessité pour la RDC de diversifier ses débouchés commerciaux afin de réduire sa dépendance à l’exportation vers l’Europe. « Nous avons réintégré l’AGOA, un programme commercial américain, et nous explorons les marchés indien et chinois », a-t-il précisé. Julien Paluku a également dénoncé ce qu’il perçoit comme une guerre économique déguisée.
Selon lui, les règles imposées par l’Union européenne freinent le développement agricole en RDC, un secteur qu’il considère comme un moteur essentiel pour la croissance économique du pays. « Ces règles risquent de maintenir la RDC dans un rôle de simple exportateur de matières premières, ce qui n’est plus acceptable », a-t-il conclu.
Kinshasa plaide pour des normes plus justes et un dialogue ouvert
En conclusion, le gouvernement congolais espère que ses critiques et propositions de réforme seront prises en compte pour adapter les normes internationales aux réalités locales. La RDC aspire à défendre ses intérêts et à promouvoir une agriculture durable tout en contribuant activement à la lutte contre la déforestation et le changement climatique.
VivAfrik