Depuis leur apparition, les ETFs ont bouleversé le paysage de l’investissement. Offrant une exposition simple, peu coûteuse et diversifiée à des indices variés, ils ont permis à des millions d’investisseurs de faire fructifier sereinement leur épargne, avec des performances généralement plus intéressantes que celles que les gestionnaires actifs ont à offrir. Mais ce succès s’accompagne d’effets secondaires assez préoccupants, notamment dans le segment des ETFs thématiques.
Ces produits, qui ne transpirent pas vraiment les idées initiales de John C. Bogle et qui sont plutôt des dérives de la commercialisation des produits de gestion passive, pourraient bien faire l’objet d’une bulle.
Ce n’est pas la première fois que les notations institutionnelles alimentent des bulles
Il y a maintenant un mois, Joachim Klement écrivait une super tribune intitulée » The rise of Ponzi ETF « . Il parlait justement de ça. Et bien je vais en rajouter une couche en insistant sur un point : le délire des Ratings ETFs, produits et diffusés par les institutionnels pour nos tendres et chers investisseurs particuliers.
Dans la journée d’hier, on naviguait sur différents sites avec un collègue du boulot pour essayer de comprendre comment les plateformes de screening ETF fonctionnaient, quel genre de datas elles achetaient / transformaient / diffusaient. Notre constat est le suivant : absolument aucun institutionnel dont on a visité la plateforme ne fait de rating bottom-up sur les ETFs. Autrement dit, aucun ne se base sur les données financières des constituants pour noter le produit de réplication.
Ce qui est, à mon sens, une catastrophe (et une opportunité).
On retrouve deux types de data providers : ceux dont la méthodologie de notation repose uniquement sur la tracking error et ceux qui notent les ETFs de la même manière qu’ils notent les OPCVM gérés activement, c’est-à-dire en utilisant des métriques de performance ajustées du risque.
Si se baser sur la performance ajustée du risque (l’alpha d’un modèle multi-factoriels et l’Information Ratio par exemple) a du sens pour un OPCVM géré activement (en considérant que la performance non expliquée peut être attribuée à l’équipe de gestion), ça n’en a absolument aucun pour un indice ou même un ETF.
Pour ce qui est des conséquences, j’y arrive…
Il fallait d’abord que je m’explique ce bordel. Pourquoi diable font-il ça ? Deux idées, la première c’est tout simplement qu’ils n’ont pas les datas (ce qui est selon moi le plus probable), ils achètent uniquement la NAV et font avec ce qu’ils peuvent. La deuxième, c’est qu’ils font l’hypothèse que leurs utilisateurs savent déjà – avant de se rendre sur leur plateforme – quel indice ils souhaitent répliquer, ils viennent simplement chercher le produit le plus efficace pour le faire.
Ça pourrait expliquer pourquoi ils notent uniquement les caractéristiques techniques de l’ETF (AUM, Frais, Tracking error etc.) et non les fondamentaux de ses composantes.
Si la performance ajustée du risque et la tracking error sont des mesures très intéressantes, elles sont insuffisantes pour évaluer la qualité fondamentale d’un ETF thématique.
Et c’est d’autant plus grave que ces produits financiers, dont l’objectif initial est de faciliter la diversification, sont en réalité composés d’un faible nombre de valeurs consanguines parfois peu liquides. Et même si ces ETFs respectent les règles de transparence en matière de composition, n’allait pas me dire que les gens s’y intéressent parce qu’ils regroupent un ensemble de titres super géniaux qu’ils auraient considérés individuellement.
Soyons honnête, il s’agit plutôt d’une quête opportuniste de rendement faisant suite à une recherche google trends.
Bon et le résultat de tout ça c’est quoi ? Un truc du genre boucle auto-réalisatrice où l’augmentation des actifs sous gestion pousse les cours des actions sous-jacentes à la hausse, ce qui améliore la performance de l’ETF et de son indice et donc son rating (qui, si vous avez suivi, se base sur la performance et la performance uniquement), ce qui attire encore plus de flux.
Ces notations, ne viennent donc qu’amplifier une mécanique déjà bien huilée (Ponzi, c’est toi ?).
Alors que si les institutionnels venaient à diffuser une note fondamentale avec une méthodologie bottom-up et des jolies étoiles brillantes, les utilisateurs (qui ont pour la plupart aucune idée de comment qu’on fait un diagnostic financier) auraient au moins une chance de s’apercevoir que le produit est moins intéressant car les valorisations des titres sous-jacent commencent à se déconnecter totalement des finances.
Prenons l’exemple de Colline, qui hier expliquait à Paul à quel point la fertilité des jeunes adultes était en chute libre.
Elle lui parle alors de cette super boîte suédoise, grâce à laquelle des milliers de jeunes arrivent à avoir des enfants. Intéressé par le point soulevé, mais pas certain des compétences d’analyse financière de son amie, Paul préfère se tourner vers un ETF thématique, sans vraiment se soucier des entreprises sous-jacentes.
Bim, il tombe sur un ETF hyper concentré, composé de petites capitalisations illiquides.
Les flux entrants dans l’ETF gonflent mécaniquement les cours de ces titres, non pas en raison d’une amélioration de leurs fondamentaux, mais par simple pression de la demande. La hausse des prix et des notations attire encore plus d’investisseurs, créant une bulle.
zonebourse