Le garde des Sceaux veut enrichir une proposition de loi débattue ce mardi 28 janvier pour lutter contre les violences sexuelles. Un temps visé lui-même par une plainte pour viol, Gérald Darmanin demande à « être jugé sur ses actes ».
Des annonces à quelques heures de l’étude d’une proposition de loi très symbolique pour lutter contre les violences sexuelles à l’Assemblée nationale. Gérald Darmanin a annoncé auprès du magazine Elle ce lundi soir déposer quatre amendements au texte défendu par les députés Renaissance dans l’hémicycle.
• Des gardes à vue plus longues
Le ministre de la Justice souhaite ainsi allonger « la durée de la garde à vue de 48 à 72 heures dans les cas de violences sexuelles aggravées et de féminicide ». Déjà annoncée le 26 décembre dernier sur TF1, la mesure vise à donner plus de temps aux enquêteurs pour entendre de potentiels témoins.
Par ailleurs, une garde à vue de 72 heures permettrait également de préserver la qualité des récits des témoins qui ne peuvent pas être contactés par le mis en cause.
• Jusqu’à 30 ans de prison
Seconde mesure proposée par Gérald Darmanin: créer une peine de prison de 30 ans en cas de viols en série. Actuellement, une personne accusée de viol encourt une peine maximale de 20 ans, qu’elle soit accusée d’une seule agression sexuelle ou de plusieurs.
Dans l’affaire du violeur de la Sambre, cet homme accusé de 17 viols et de 27 agressions ou tentatives d’agressions sexuelles entre 1988 et 2018 a été par exemple condamné en juillet 2022 à 20 ans de prison pour 56 victimes au total.
• Une nouvelle circonstance aggravante
Le garde des Sceaux compte également « créer une circonstance aggravante si le viol est commis au domicile de la victime, c’est-à-dire l’endroit où l’on est censé se trouver le plus en sécurité », comme il l’explique dans les colonnes de Elle.
Une circonstance aggravante en matière de viol fait que la peine encourue passe de 15 à 20 ans de réclusion criminelle. L’ajout souhaité par Gérald Darmanin semble surtout symbolique.
Près d’un viol sur deux a déjà lieu au domicile de la victime. 88% des victimes affirment connaissent leur agresseur, qui est souvent leur conjoint, leur ex conjoint ou un membre de leur famille, d’après une étude du ministère de la Justice.
Une agression sexuelle « commise par le conjoint » de la victime ou « par un ascendant » est déjà une circonstance aggravante dans le droit.
• Le guet-apens dans la loi
Enfin, le garde des Sceaux souhaite faire de la préméditation du viol « lorsque l’auteur organise un guet-apens » une circonstance aggravante. Ces derniers mois, plusieurs affaires liées à des guet-apens homophobes ont défrayé la chronique.
Au printemps dernier, 9 mineurs avaient été interpellés à Aulnay-sous-Bois pour avoir organisé des rencontres sur des applications de rencontres homosexuelles avant de rouer de coups leurs victimes puis de les violer.
• L’inscription du consentement dans la loi
Gérald Darmanin souhaite également avancer sur d’autres sujets, sans cependant avoir de calendrier parlementaire précis, comme l’inscription de la notion de non-consentement dans la définition pénale du viol, déjà évoquée par ses soins.
Promesse d’Emmanuel Macron depuis mars 2024, cette demande qui émane d’un rapport parlementaire et des associations féministes est au point mort depuis des mois. Le procès des viols de Mazan, au retentissement mondial, a reposé le sujet sur la table.
Si le critère d’absence de consentement est bien présent dans les enquêtes pour viol, notamment lors des interrogatoires, cette notion n’est pas édictée en tant que tel parmi les critères caractérisant le viol, à savoir la violence, la contrainte, la menace ou la surprise.
Ce phénomène aboutit, d’après certains juristes, à ce que de nombreuses plaintes soit classés sans suite, faute d’infractions suffisamment caractérisées.
• Un plaider-coupable
Enfin, le garde des Sceaux veut « proposer dans les prochaines semaines » sans préciser de quelle façon « le développement de la procédure du plaider-coupable en matière criminelle ».
« Plutôt que d’organiser un procès, l’auteur reconnaît les faits, et se voit proposer une peine par le procureur de la République, en présence de la victime », avance ainsi le locataire de la place Vendôme.
La manœuvre qui viserait à désengorger les tribunaux pourrait cependant bloquer sur le fait que les aveux sont très rares en matière de viol, comme le précise notamment la députée écologiste Marie-Charlotte Garin sur BFMTV.
« Le viol est un acte qui se commet souvent dans le secret, à l’abri des regards, sans témoin », rappelle ainsi l’élue de Lyon.
Le profil de Gérald Darmanin pourrait-il peser dans les débats en la matière? Le ministre a fait l’objet d’une plainte pour viol et abus de faiblesse. Dans ce cadre, il a bénéficié d’un non lieu et d’un classement sans suite.
« Concernant cette plainte, la justice a travaillé en toute indépendance, et a délivré trois non-lieux », souligne-t-il dans Elle. « Je demande a être jugé sur mes actes, et mes actes, je crois, parlent pour la défense des femmes », s’est défendu le garde des Sceaux.
bmftv