« La politique fabrique du chômage »: est-ce la dissolution d’Emmanuel Macron qui fait grimper le chômage?

L’instabilité politique causée par la décision du chef de l’Etat n’a évidemment pas arrangé la situation de l’emploi en France ces six derniers mois. Pour autant les signaux étaient déjà négatifs pour le chômage en France, bien avant la dissolution. Explications.

L’histoire économique française est-elle un éternel recommencement? Après une décennie de baisse quasi constante qui a vu le taux de chômage au sens du BIT passer de 10,6% de la population (3è trimestre 2015) à moins de 7% (fin 2022), le chômage semble signer son grand retour.

Le nombre de chômeurs (catégorie A, sans activité) a augmenté de 3,9% au quatrième trimestre 2024 en France selon la Dares et de 3,5% sur un an.

Du jamais vu depuis 2015. Alors qu’il y a un an à peine les proches d’Emmanuel Macron rêvaient encore de plein-emploi (taux inférieur à 5%) -ce que le pays n’a plus connu depuis le troisième trimestre 1979- désormais plus personne ne se fait d’illusion.

« Je ne suis pas surpris, depuis des mois, j’alerte sur la situation des petites entreprises, indiquait ce mardi sur BFMTV Michel Picon, le président de l’U2P, l’organisation patronale des petites entreprises. On a 1500 licenciements par semaine, ça se transforme en demandeurs d’emplois. Il y a encore les carnets de commandes qui diminuent, l’inquiétude chez les chefs d’entreprise augmente. »

Ce sont les jeunes qui en font les frais. Sur les trois derniers mois de l’année, ils sont 33.000 à s’être inscrits à France Travail, soit une hausse de 8,5%.

Ce qui est toujours un signe de fragilité sur le marché de l’emploi. Les jeunes sont le plus souvent en intérim ou CDD et ce sont les variables d’ajustement quand la confiance des entreprises est brisée.

Pour les observateurs, il ne fait pas de doute que les racines de cette mauvaise passe remontent au 9 juin dernier lorsque au soir des élections européennes Emmanuel Macron a pris la décision de dissoudre l’Assemblée nationale où sa formation politique ne détenait qu’une majorité relative.

« Moi je date ça de l’instabilité politique, assure Michel Picon. La dissolution et ses conséquences: « Je censure, je ne censure pas… ». Et ces atermoiements sans arrêt ça ne met pas en confiance. Il aura encore des défaillances et un chômage qui augmente si la classe politique ne se reprend pas. »

« Grève de l’investissement »

Dans le contexte d’aggravation des déficits publics, l’instabilité politique causée par la dissolution a fait l’objet d’une déflagration pour la confiance des entreprises. Depuis des mois, les idées fusent dans le débat public et sur les bancs des assemblées.

Surtaxe sur les grandes entreprises, flat taxe sur les hauts revenus, hausse du coût du travail avec l’abaissement des allègements de charges, augmentation du versement mobilité aux Régions, diminution des aides à l’apprentissage qui avait depuis des années permis l’insertion des jeunes… Quant à la promesse d’Emmanuel Macron de 2022 de baisse des impôts de production, elle a depuis bien longtemps été jetée aux oubliettes.

Évidemment, toutes ces mesures n’ont pas été votées et d’ailleurs presque aucune d’entre elles n’est effectivement en vigueur.

Mais le seul fait d’évoquer ces hausses d’impôts en cascade a suffit à casser une mécanique économique déjà fragile.

Le climat des affaires qui s’était redressé au printemps 2024 est de nouveau en chute libre, indique l’Insee. Cet indice de confiance est depuis juillet dernier au même niveau qu’en août 2020 quand la France naviguait entre deux confinements.

« La politique, le bla-bla, fabriquent du chômage », résume Laure Closier de BFM Business.

C’est ce qu’assurent aussi les chefs d’entreprises et les organisations patronales.

« Non seulement nos entreprises ont réduit leur personnel, mais elles exercent actuellement une forme de grève de l’investissement et de l’embauche, ce qui se voit particulièrement dans la hausse de 8% du chômage des jeunes, explique Marc Sanchez, le secrétaire général du SDI qui représente les indépendants et les TPE. En l’absence de perspectives claires de baisse des charges sociales et fiscales au travers d’un Budget en souffrance depuis bientôt 6 mois, la crise économique et sociale ne pourra que s’approfondir. »

Pour autant est-ce la dissolution -et son corolaire l’instabilité politique- qui est la cause unique de cette dégradation ?

Le taux de chômage en France ne baisse plus depuis son point bas atteint fin 2022. Durant l’année 2023, il est même reparti à la hausse trimestre après trimestre pour s’établir en fin d’année à 7,5% de la population active. La crise inflationniste avec la hausse des coûts de l’énergie dans un contexte de fragilisation des entreprises avec le remboursement des PGE étaient alors la cause de cette détérioration. Bien avant la dissolution donc et les difficultés budgétaires, l’emploi étaient déjà une variable d’ajustement.

Le chômage devait remonter avant la dissolution

Fin 2022 déjà, la Banque de France anticipait un retour du chômage. À des niveaux d’ailleurs bien plus élevés qu’ils ne le sont aujourd’hui. D’après les projections publiées en décembre 2022, le taux de chômage au sens du BIT atteindrait 7,7% fin 2023, 8,3 % fin 2024 et 8,2 % fin 2025, estimait-elle. Contre 7,4% lors du dernier pointage de l’Insee au troisième trimestre 2024.

Des prévisions similaires en 2023 du côté de l’OFCE qui projetait un taux de près de 8% à fin 2024 en France.

« La faible croissance de l’activité et le rattrapage partiel des pertes de productivité passées auraient raison du fort dynamisme de l’emploi observé ces dernières années », expliquait alors l’OFCE.

Idem du côté de l’Insee qui constatant une dégradation du climat de l’emploi au sein des entreprises anticipait aussi une hausse du chômage, et ce, dès le début de l’année 2024.

Autrement dit, bien avant la dissolution, l’emploi en France était déjà mal orienté et certaines prévisions pour le marché de l’emploi étaient même pire que les chiffres actuellement constatés.

La situation de la France est-elle singulière par rapport à ses voisins européens depuis quelques mois? Ce qui pourrait accréditer la thèse de la dissolution créatrice de chômage.

Si on compare avec les pays du sud de l’Europe, le constat est sans appel.

Le taux de chômage italien par exemple est tombé à 5,7% de la population, soit son plus bas niveau depuis 20 ans. Une baisse qui a même accéléré sur le deuxième semestre 2024 quand en France il grimpait à nouveau. Même constat en Espagne. Avec un taux de 10,6%, le pays n’avait plus connu un niveau aussi « bas » depuis 2007.

Notre pays se distingue donc négativement par rapport à ces deux pays marqués des années durant par le chômage de masse. Plus globalement en zone euro, le taux de chômage a reculé en 2024, passant de 6,5% à 6,3%.

En revanche, on trouve des situations similaires à celle de la France.

En Allemagne par exemple, le chômage est reparti à la hausse passant de 5,9% à 6,1% selon les chiffres de l’agence pour l’emploi. Au Royaume-Uni aussi avec une forte poussée entre fin 2023 et fin 2024. Le taux est passé en un an selon l’Office national des statistiques de 3,8% à 4,4%.

Sans le contexte politique aussi heurté qu’en France, ces pays ont aussi vu leur marché de l’emploi s’abîmer en 2024. Même s’il est vrai que l’un et l’autre ont connu des trimestres voire des années de récession, ce qui n’a pas été le cas en France.

bmftv

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