« Les moustiques peuvent nous transmettre jusqu’à 20 différents types de virus » : l’Institut Pasteur dévoile son plan d’attaque pour l’horizon 2030

L’Institut Pasteur a dévoilé le 21 janvier 2025 son plan stratégique intitulé « Pasteur 2030 », dans lequel le thème des maladies transmises par les moustiques est prépondérant. Il a notamment annoncé la création d’un nouveau Centre de recherches sur les Infections liées au Climat et à l’Environnement qui devrait voir le jour d’ici 2028.

« Plus il fera chaud, plus il y aura de moustiques, et ces derniers peuvent nous transmettre jusqu’à 20 différents types de virus », alerte Anna-Bella Failloux, responsable de l’unité arbovirus et insectes vecteurs à l’Institut Pasteur lors d’une présentation à la presse le 21 janvier 2025 du plan stratégique « Pasteur 2030 ».

Ainsi, le réchauffement climatique va augmenter le risque de contracter une maladie vectorielle (lire l’encadré ci-dessous, ndlr).

« Ces insectes sont incapables de réguler leur température corporelle, donc quand on augmente la température extérieure, on raccourcit le temps de développement de l’œuf à l’adulte », ajoute la scientifique. Avec pour conséquence logique une hausse du nombre de générations de moustiques.

Les maladies vectorielles, qu’est-ce que c’est ?

Les maladies à transmission vectorielle (ou arbovirus) sont des maladies ou des virus transmis via des vecteurs, pour la plupart des insectes tels que les moustiques ou les tiques. Le paludisme, la fièvre jaune ou encore la dengue sont des maladies vectorielles. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), elles entraîneraient plus de 700.000 décès chaque année partout à travers le monde.

Un nouveau centre d’étude sur les moustiques d’ici 2028
L’urbanisation est particulièrement en cause dans la prolifération des moustiques. « Les maladies (vectorielles, ndlr) circulent de plus en plus, en partie à cause de l’urbanisation mal gérée où s’accumulent parfois bon nombre de flaques d’eau stagnantes mais également à cause des transports et notamment ceux de pneus usés d’un pays à l’autre », propices au développement de nids de moustiques, explique Anna-Bella Failloux.

L’entomologiste précise que c’est d’ailleurs de cette manière qu’est arrivé le moustique tigre en Europe : en 1990, des pneus usés des Etats-Unis sont arrivés en Italie où les œufs ont pu se développer.

C’est pourquoi, l’Institut annonce focaliser son plan « Pasteur 2030 » « sur la santé humaine, notamment via les insectes », pour tenter de mieux comprendre ces maladies vectorielles, leur mode de contamination et de transmissibilité, avec pour objectif final de les « contrôler et de les traiter ».

Pour ce faire, l’Institut est en train de construire un nouveau Centre de recherches sur les Infections liées au Climat et à l’Environnement, qui devrait voir le jour d’ici 2028 à Paris. Le but de ce centre est d’offrir une structure adaptée à l’étude des insectes et des maladies qu’ils transmettent, telles que la fièvre à virus Chikungunya, à virus Zika, ou encore l’encéphalite japonaise.

D’autres instituts de recherche étudient la façon dont on pourrait réduire le nombre de personnes touchées par des maladies vectorielles et des arbovirus.

C’est notamment le cas du Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement (Cirad) qui a expérimenté le lâcher de moustiques mâles stériles (notamment sur l’île de La Réunion en 2021) dans le but qu’ils s’accouplent avec des femelles fertiles afin que leurs œufs ne soient pas viables.

Cependant, « ils ne sont pas très compétitifs par rapport aux moustiques mâles fertiles », tempère Anna-Bella Failloux, ce qui complique leur tâche. Ainsi, selon cette spécialiste, de nouvelles recherches et d’autres tests restent à faire pour que cette technique soit suffisamment au point pour réduire significativement les populations de moustiques.

« 3500 espèces de moustiques mais seulement 15% piquent l’humain »
Pour étudier les moustiques, des conditions particulières sont nécessaires. Il doit bien sûr faire assez chaud, mais il ne faut également pas mélanger les espèces étudiées entre elles car elles ne sont pas toutes à risque. « Il existe aujourd’hui plus de 3500 espèces de moustiques, pourtant seulement 15% d’entre elles piquent l’humain », précise la responsable de l’unité arbovirus et insectes vecteurs à l’Institut Pasteur.

C’est pourquoi l’Institut annonce se concentrer sur les populations de moustiques vivants en ville, puisque ce sont les plus susceptibles de piquer l’humain. Avec l’idée de comprendre pleinement la façon dont certains moustiques peuvent porter et transmettre certaines maladies, afin de les isoler, mais aussi pour les contrôler et créer un traitement adapté à chaque maladie vectorielle. Une urgence avec le réchauffement climatique.

Les autres annonces du plan stratégique « Pasteur 2030 » :

_L’Institut Pasteur a établi plusieurs priorités de recherches et d’études pour l’horizon 2030. Ainsi, divers programmes et centres de recherches devraient voir le jour prochainement.

– Pour l’étude des moustiques, c’est le Centre de recherches sur les Infections liées au Climat et à l’Environnement qui devrait voir le jour d’ici 2028 à Paris.

– Pour les menaces infectieuses et la résistance aux agents antimicrobiens, le Centre de recherche en Vaccinologie et sur les Immunothérapies devrait être créé.

– Le Centre de Découverte et de Développement de Médicaments devrait accompagner les chercheurs à chaque étape du développement d’un nouveau médicament. Le programme « Amplifying Funds in Infection Biology » visant à favoriser la recherche et la collaborativité à travers l’Europe, a récemment été rejoint par l’Institut.

– De plus, les programmes de recherche « mère-enfant », visant à étudier le rôle du microbiome dans le développement de l’enfant, et « TOTEM », un partenariat entre l’Institut Pasteur, Curie et Imagine, les amènent à partager leur expertise, leurs ressources et leurs infrastructures.

sipa

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