Le Premier ministre François Bayrou affronte mercredi deux nouvelles motions de censure, deux jours après son recours à l’article 49.3 sur les budgets de l’État et de la Sécurité sociale. Ces motions sont mathématiquement destinées à échouer sans les voix des socialistes, et probablement celles du Rassemblement national.
Motions de censure sans avenir. Deux jours après le recours de François Bayrou à l’article 49.3 de la Constitution pour faire adopter les budgets de l’État et de la Sécurité sociale, le Premier ministre fait face, mercredi 5 février à l’Assemblée nationale, à deux nouvelles motions de censure. Ces dernières semblent vouées à l’échec avant même leur mise au vote dès lors que le groupe socialiste a annoncé qu’il ne les voterait pas – tout comme, vraisemblablement, le Rassemblement national (RN).
À partir de 15 h 30, l’Assemblée nationale examinera une première motion de La France insoumise (LFI), contre le 49.3 de François Bayrou pour faire adopter sans vote le projet de budget de l’État pour 2025.
L’objectif affiché par l’exécutif est de ramener, avec ce texte, le déficit public à 5,4 % du PIB. Avec pour cela de nouvelles recettes, grâce notamment à des contributions exceptionnelles sur les ménages les plus aisés et les bénéfices des grandes entreprises, mais aussi des coupes dans les dépenses de plusieurs ministères.
Face au Premier ministre, qui défendra la nécessité pour la France d’envoyer un « signal de responsabilité », Aurélie Trouvé (LFI) dénoncera un budget « catastrophe pour l’économie », appelant à censurer le gouvernement.
L’essentiel des écologistes et communistes devraient abonder, mais la censure sera impossible en l’absence des voix du Parti socialiste, qui négocie depuis des semaines avec le gouvernement pour revoir les budgets. S’il considère que la copie n’est pas bonne, le groupe socialiste a acté qu’il ne censurerait pas au nom de « l’intérêt général » du pays, a défendu le premier secrétaire Olivier Faure. Quelques députés pourraient toutefois braver la consigne, anticipent des sources internes au groupe.
De nouveaux recours au 49.3 en vue
« C’est l’heure de vérité, il y aura des conséquences », prévient Manuel Bompard, coordinateur de LFI. Sans censure, les socialistes « sont en soutien » au gouvernement même s’ils n’en font pas partie, estime Éric Coquerel, une position que ne partagent pas les cadres écologistes.
Le Rassemblement national et ses alliés ciottistes, s’ils fustigent le texte, feront planer le suspense jusqu’à environ 15 h. Mais Jordan Bardella, président du parti, s’est clairement exprimé mardi contre une censure aux « conséquences plus lourdes pour l’économie » que celle de Michel Barnier.
Le rejet attendu de la motion de censure vaudra adoption à l’Assemblée nationale du budget, avant un dernier vote sans suspense au Sénat le lendemain.
Mercredi, en fin d’après-midi, les députés examineront une deuxième motion de censure, contre le 49.3 déclenché cette fois sur le budget de la Sécurité sociale. Mais là encore, les voix socialistes, et sans doute celles du RN, devraient manquer pour atteindre les 289 suffrages nécessaires.
Et dans cette journée chargée, François Bayrou devrait ensuite déclencher un autre 49.3, puis encore un autre en fin de semaine ou en début de semaine prochaine, toujours sur le budget de la Sécurité sociale, qui avait coûté son poste à Michel Barnier. Avec donc au total quatre censures à esquiver, voire cinq.
Le PS du « même côté de la barricade » que le NFP
Car après celles de LFI sur les budgets, les socialistes entendent en déposer une sur « les valeurs républicaines » et contre la « trumpisation du débat public », en réaction notamment aux propos de François Bayrou sur le « sentiment de submersion » migratoire.
Une nouvelle motion questionnant un député MoDem, qui se demande ce qu’en fera le Rassemblement national : « Il faut toujours être prudent. » Une « balle à blanc » pour LFI, qui n’imagine pas le RN la voter quand celui-ci exige du gouvernement de nouvelles mesures sur l’immigration.
« Pour justifier la non-censure (sur les budgets), les socialistes vont nécessairement devoir obtenir des gains politiques tout le temps, et donc entrer dans une logique de compromis. Ils vont passer dans la sphère d’attraction de la macronie », tance Manuel Bompard.
D’autant que le calendrier parlementaire n’est pas simple pour la gauche : le premier texte examiné jeudi sera une proposition de la droite pour restreindre le droit du sol à Mayotte, qui pourrait passer avec les voix d’une partie du camp gouvernemental.
« On a bien ça en tête », reconnaît une source au groupe socialiste, qui y voit toutefois l’occasion d’illustrer que le PS est du « même côté de la barricade » que ses alliés du Nouveau Front populaire.
Quant à François Bayrou, il a dit mardi son ambition de s’attaquer à « la réforme de l’État dès le lendemain de l’adoption » de « l’Himalaya » du budget. Reconnaissant qu’avant cela, il y a encore « des crevasses » à franchir.
AFP